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Les ZNT, principe global, adaptations locales

L’arrêté sur les zones de non-traitement a bien été publié le 27 décembre 2019. La mise en œuvre sur le terrain, ne promet pas de clore les polémiques entre filière agricole, ONG et riverains autour de l’usage des pesticides. Le point sur ce qui est entré en application au 1er janvier 2020 pour les vignes.

 © L. Vimond
© L. Vimond

Pour la viticulture, une distance de non-traitement de 10 m

La zone de non-traitement standard est de 10 m mais des réductions possibles à 5 m et 3 m en fonction de l’usage d’équipements réduisant les dérives. Une distance de 20 m, non réductible, est prévue pour les substances préoccupantes. Cette distance était initialement de 10 m dans le projet initial. C’est l’un des rares changements opérés suite à la consultation nationale.

Il est à noter que la ZNT ne s’applique que si l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit phytopharmaceutique ne prévoit pas de distance de non-traitement. Éric Chantelot, directeur du pôle Rhône-Méditerranée de l’IFV et expert national Écophyto, souligne que les AMM vont progressivement adopter les distances de 10 m minimum. À terme, cette distance va donc bien devenir la norme.

Seuls les lieux d’habitations sont concernés

Le texte définit les lieux concernés comme les "zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments". La distance est prise en compte à partir de la limite de propriété, quelle que soit la taille de la surface "à usage d’agrément". On peut supposer que ce point va faire l’objet de discussions, voire de recours, lorsque de l’autre côté de la clôture, l’espace n’est pas fréquenté et l’habitation très éloignée. À noter que les zones industrielles ou encore les terrains de sport ne sont pas concernés par ce texte. Les lieux abritant des personnes jugées vulnérables comme les écoles, les hôpitaux, les Ehpad faisaient déjà l’objet de mesures spécifiques, de même que les abords des points d'eau.

Le type de produit conditionne la distance

La ZNT de 20 m incompressible concerne des produits de type CMR1. Pour la vigne, à l’heure actuelle, « il n’existe qu’une seule molécule herbicide qui risque de disparaître », indique Éric Chantelot. Mais cette catégorie va probablement augmenter si les produits considérés actuellement comme perturbateurs endocriniens probables et en cours d’évaluation par l’Anses, sont classés comme perturbateurs endocriniens. Les produits de biocontrôle (dont le soufre), les substances de base et à faible risque ne sont pas concernés par ces distances de non-traitement. Pour toutes les autres substances, la ZNT est de 10 m.

La ZNT peut être cultivée

Sur les 10 m, il est possible de cultiver mais sans traiter ou en utilisant des produits de biocontrôle, des substances de base ou dites à faible risque. La gestion des bandes non traitées est une problématique propre à chaque exploitation mais on peut imaginer, pourquoi pas la mise en place de systèmes collectifs.

L’usage de matériel antidérive performant permet une réduction

Pour la viticulture, deux niveaux de performance des matériels antidérive sont retenus. Une limitation de la dérive de 66-75 %, permet une réduction à 5 m. Une réduction de plus de 90 % limite la ZNT à 3 m.

La liste des matériels publiée sur le site du ministère de l’Agriculture est celle applicable pour les ZNT aux abords des points d'eau qui a été mise à jour. Mais si elle récapitule les matériels prouvant une dérive limitée à au moins 66 %, elle ne précise pas de matériels atteignant les 90 % de non-dérive.

L’Inrae et l’IFV travaillent dans le cadre de l’UMT EcoTechViti sur la finalisation d’un protocole d’étude standardisé de la dérive, EoleDrift. La finalisation est prévue en cours d’année 2020 pour des premières mesures de 2021. "Le but est que ce protocole puisse être reconnu comme le dispositif qui permettra d’évaluer le matériel", indique Éric Chantelot, à l’IFV.

Toute réduction passe par l’élaboration d’une charte

Annoncées par la loi Égalim, les chartes d’engagements départementales sont le passage obligé pour toute réduction de ZNT. Une négociation doit s’engager sous l’égide de la chambre départementale d’agriculture ou d'organisations syndicales représentatives. Les maires des communes concernées, ainsi que l’association des maires du département doivent également être consultés. Le projet de charte est soumis à une "concertation publique" pendant 1 mois au moins pour recueillir les observations des riverains, de leurs représentants ou d’associations qui défendent leurs intérêts. Le résultat de la consultation est ensuite transmis au préfet de département qui doit se prononcer dans les 2 mois. C’est la validation par le préfet qui conditionne la mise en œuvre d’éventuelles réductions de ZNT. Une charte déjà signée doit être revue pour être conformes au décret ministériel, puis resignée par le préfet.

Autant dire que les discussions s’annoncent rudes vu l’état de crispation du dialogue entre deux camps bien tranchés.  Le collectif des maires anti-pesticides, constitué en association, a d'ailleurs annoncé avoir déposé le 21 janvier une requête au Conseil d’État contre les textes. Entre ceux qui réclament une distance de 150 m et ceux à qui la ZNT s'impose sans compensation, on ne voit pas bien comment une réduction pourra se décider par consensus. Est-ce le préfet qui tranchera ? Le gouvernement indique que les réductions des distances de sécurité doivent être prises sur la base de « dispositifs validés scientifiquement ». Mais on voit bien que les études même scientifiques sont contestées dans un camp comme dans l’autre. Il faut aussi que ces dites études existent.

Le contenu possible des chartes est précisé dans un décret

Le décret du 27 décembre 2019 qui définit les chartes d’engagements indique qu'elles doivent contenir à minima des dispositions sur l’information des riverains sur les traitements, les distances de sécurité et les conditions de leur réduction et prévoir des modalités de dialogue et de conciliation entre les utilisateurs et les riverains. Les chartes intègrent notamment la conditionnalité sur le matériel antidérive. Elles peuvent par exemple prévoir des délais de prévenance des résidents avant traitement ou encore des horaires de traitement. Elle laisse la possibilité de négocier des dispositifs si tant est que tout le monde puisse se mettre d’accord. "La mise en pratique paraît compliquée. Elle passera par de l’intelligence collective sur le terrain", euphémise Boris Calmette, président des Vignerons Coopérateurs.

Aucune compensation financière n’est évoquée

Aucun système d’indemnisation n’est prévu pour compenser les pertes de surfaces induites par la mise en œuvre des ZNT. Les aides s’appliquent à la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. Un appel à projet confié à FranceAgriMer, d’un budget de 25 millions d’euros, est annoncé pour renforcer le soutien déjà existant pour l’investissement dans des matériels d’épandage plus performants, « portés actuellement par les agences de l’eau, les Draaf et les conseils régionaux", indique le communiqué présentant le dispositif.

Un dispositif pour limiter les nouvelles expositions est annoncé

Le dispositif prévu s’applique aux situations de voisinage existantes. Mais le communiqué présentant le dispositif indique que « de nouvelles dispositions en matière d’urbanisme sont à l’étude afin de mettre rapidement en œuvre un mécanisme qui limite l’exposition des habitants des nouvelles constructions ». Imposer que les constructions nouvelles intègrent les zones tampon est assurément le nouveau combat que va mener la filière. Dans un communiqué publié le 15 janvier, Philippe Huppé, député de l'Hérault et co-président de l'Association nationale des élus de la vigne (ANEV) a annoncé avoir écrit au ministre de l'Agriculture pour réclamer, aux côtés des organisations professionnelles viticoles "que ces mesures de sécurité soient, dans les projets d'aménagements futurs, mises à la charge des aménageurs, privés comme publics."

 

 

 

Lire aussi notre article : Cinq initiatives pour pacifier les relations avec les riverains.

 

Une consultation record mais peu suivie

La mise en consultation des projets d’arrêté et de décret du 09/09/2019 au 04/10/2019 avait généré le dépôt de 53 674 commentaires. Un record absolu pour ce genre de consultation. Une synthèse d’une cinquantaine de pages a été publiée début janvier par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Les avis déposés ont peu modifié les textes. La synthèse fait état des positions extrêmement tranchées entre deux camps. Les avis sont synthétisés par thème mais sans évaluation chiffrée de leur fréquence.

 

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