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[VIDEO] Les danois réduisent les émissions d’ammoniac grâce à l’acidification du lisier des porcs

20 % du lisier produit au Danemark est acidifié pour limiter les émissions d’ammoniac. Les Danois commencent à avoir du recul depuis la mise en place des premiers systèmes en 2001.

Le lisier contient de l’azote gazeux sous forme d’ammoniac et de l’azote organique solide. L’équilibre et les proportions entre les deux formes varient en fonction du pH. En ajoutant un acide dans le lisier, l’ammoniac gazeux est transformé en ammonium solide. Ce procédé est aujourd’hui développé en masse par les producteurs de porcs danois pour limiter les pertes d’ammoniac par volatilisation. L’acide sulfurique à 96 % est de loin le plus utilisé pour son faible coût et son efficacité.

L’acidification au bâtiment offre le meilleur potentiel de réduction des émissions d’ammoniac, entre 60 et 70 % de volatilisation en moins selon la composition du lisier et la saison. Le lisier des préfosses est pompé une à plusieurs fois par semaine dans un réservoir où il est acidifié jusqu’à un pH de 5,5. Il est ensuite renvoyé vers les préfosses, tandis que le volume excédentaire est pompé dans une fosse de stockage. C’est le procédé qui requiert la plus grande quantité d’acide : 3,3 à 4,4 litres par tonne (l/t) de lisier sont nécessaires pour garantir un pH inférieur à 6 pendant toute la durée de stockage. Les émissions d’ammoniac sont ainsi réduites de 50 % au stockage et de 63 à 67 % au champ pour un épandage au pendillard. Grâce à ce procédé, les éleveurs n’ont plus besoin de couvrir les fosses. Le système est entièrement automatisé. L’approvisionnement en acide est réalisé par le fournisseur, évitant à l’éleveur de le manipuler directement et garantissant un minimum de temps de suivi au quotidien. L’érosion du béton, qui était crainte, n’a jusqu’à aujourd’hui pas été observée sur les fosses qui reçoivent du lisier acidifié depuis 2009. Les émissions de protoxyde d’azote et de CO2 n’augmentent pas après acidification. Celles de méthane sont, quant à elles, diminuées. Le procédé est constitué de modules fixes assignés à un seul bâtiment. Il reste compliqué à installer sur des bâtiments existants. Une version simplifiée existe dans laquelle tout le lisier extrait du bâtiment est traité, puis transféré vers la fosse extérieure. L’acidification des lisiers permet aussi d’améliorer le rendement d’une méthanisation. Le retour d’expérience danois montre qu’une part de 20 à 30 % maximum de lisier acidifié dans le réacteur d’une unité de méthanisation améliore la production de biogaz. Mais au-delà de 30 %, la population bactérienne est affectée et la production diminue.

Des systèmes mobiles pour acidifier dans la fosse et au champ

Au Danemark, l’acidification dans la fosse et au champ se fait au moyen de systèmes mobiles et facilement transportables, généralement loués auprès d’un fournisseur ou d’une coopérative agricole. Dans la fosse, le pH est abaissé à 6. Le lisier doit ensuite être rapidement épandu, avant que son pouvoir tampon ne fasse remonter le pH. Cependant, la mousse qui se forme lors de l’ajout d’acide nécessite un volume disponible supplémentaire dans la fosse. La quantité d’acide utilisée est plus faible qu’au bâtiment, avec 3 l/t de lisier en moyenne. Toutefois les émissions d’ammoniac ne sont diminuées qu’à l’épandage. La volatilisation au champ est ainsi abaissée de 55 %. Des systèmes d’injection d’acide dans la tonne à lisier associée à un pendillard permettent de diminuer les émissions d’ammoniac de 25 % à 50 % par rapport à du lisier non acidifié épandu de la même manière. Ils sont adaptables sur de larges tonnes à lisier (minimum 20 m3) et sur des tracteurs de 230 chevaux minimum, avec une capacité de relevage avant de 4 500 kilos. C’est le système qui requiert la plus faible quantité d’acide (2,5 l/t de lisier). Le pH du lisier passe de 7,8 à 6,4 et les émissions d’ammoniac à l’épandage sont réduites de 49 %.

L’acidification du lisier présente des avantages culturaux. En pratique, la quantité d’azote supplémentaire apportée aux cultures par cette acidification varie de 5 à 50 kg/ha. Elle dépend de nombreux paramètres : volume de lisier, composition en ammoniac, en matière sèche, pH, météo à l’épandage, humidité du sol, couvert végétal et technologie d’épandage. L’acidification du lisier à pH 6,4 brise les liaisons entre le calcium et le phosphore, augmentant de 40 % le taux de phosphore biodisponible pour la plante. L’épandage de lisier acidifié augmente aussi le taux de séquestration du carbone dans le sol. Cependant, l’acidification du lisier pouvant entraîner un lessivage des ions en solution dans le sol, elle doit souvent s’accompagner d’un chaulage pour rééquilibrer le pH du sol.

Des investissements lourds et des précautions à prendre

Au bâtiment, l’investissement se chiffre à 250 000 euros pour 18 000 porcs charcutiers produits (PCP) par an, soit 9 500 m3 de lisier produit. Il comprend une réserve d’acide sécurisée, une cuve de mélange avec un brasseur, des canalisations, un pH-mètre, des vannes, un débitmètre, un tableau de commandes permettant l’automatisation complète du système et le pompage du lisier, une douche et un poste de lavage des yeux installés à proximité en cas d’urgence. Le coût lié à l’investissement passe de 43 €/PCP/an pour un élevage de 200 truies, à 20 €/PCP/an pour un élevage de 500 truies. Les coûts de fonctionnement incluent principalement le coût de l’acide (7 500 €/an, 128 €/t transport inclus) auquel s’ajoutent les frais d’entretien et de maintenance (4 000 €/an) ; les coûts en énergie liés au fonctionnement de la pompe et du mixeur (3 200 €/an, à 3 kWh/t de lisier) et le coût de la main-d’œuvre (100 €/an). L’éleveur doit uniquement vérifier le bon fonctionnement général du système et la valeur du pH. Les premiers systèmes d’acidification au bâtiment mis en place depuis plus de 10 ans étant toujours en fonctionnement et en bon état, l’amortissement est ici calculé sur 20 ans. Les frais de fonctionnement s’élèvent à 1,50 €/PCP/an, amortissement inclus, soit entre 3 et 4 €/kg d’ammoniac épargné au bâtiment.

Le coût de l’acide utilisé dans la fosse et au champ s’élève 157 €/t. À un taux d’incorporation de trois litres d’acide par tonne de lisier, le coût à l’hectare est de 13 euros. À cela s’ajoute le coût de l’épandage du lisier acidifié (20 €/ha). L’acidification au champ est souvent utilisée comme une alternative moins coûteuse à l’injection. Par ailleurs, un lisier acidifié appliqué à un taux de 30 t/ha sur blé d’hiver permet d’économiser en moyenne 15 kg/ha de soufre, couvrant généralement les besoins des cultures déficitaires. Le rapport coût bénéfices étant dépendant des nombreux paramètres précédemment cités, il peut varier de + 0,06 €/t par temps chaud et sec à -0,73 €/t de lisier en condition standard. En effet, la volatilisation étant plus élevée par temps chaud, le gain lié à l’azote non volatilisé et économisé est plus important.

 
 

En savoir plus

Les précautions liées à la manipulation d’acide sulfurique

Lunettes de protection ou un masque facial.
Gants agréés conformément à la norme EN374.
Combinaison intégrale adaptée.
Bottes en caoutchouc nitrile
Demi-masque ou un masque avec un filtre à gaz de type E2.
Disposer d’une solution de lavage des yeux et d’une douche d’urgence à proximité.
Se laver soigneusement les mains, les avant-bras et le visage avant de manger, de fumer ou d’aller aux toilettes.
Fermer le réservoir avant du tracteur.
La manipulation d’acide ne doit être effectuée que lorsque deux personnes sont présentes.

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