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Sur le Front
« Tout est fait pour que l’agriculture française coule, il nous faut du protectionnisme face à la concurrence déloyale », alerte Benoît Merlo

Polyculteur-éleveur bio dans l’Ain, Benoît Merlo a reçu l’équipe de Sur le Front, pour expliquer comment il fait face à la concurrence déloyale causée par l’importation de lentilles canadiennes. L’émission présentée par Hugo Clément et diffusée le 10 novembre dénonce la manière dont l’agriculture française est traitée dans les accords de libre-échange. 

  Benoît Merlo, polyculteur-éleveur bio, devant son tracteur.
« J’espère que le consommateur va plus regarder les étiquettes et que les politiques vont comprendre qu’il faut arrêter d’importer des produits interdits chez nous » commente Benoît Merlo, après la diffusion de l’émission Sur le front dans laquelle il témoigne sur la lentille.
© Winter Production

« Libre-échange : c’est notre nourriture qui trinque » : le numéro de Sur le Front, présenté par Hugo Clément et diffusé sur France 5 lundi 10 novembre, n’a pas déclenché la colère d’agriculteurs, à l’inverse du précédent consacré au maïs

Et pour cause l’émission dénonce la concurrence déloyale dont sont victimes les agriculteurs français après la mise en place d’accords de libre-échange. Au moment même où plusieurs syndicats agricoles entendent demander des comptes à Emmanuel Macron après ses déclarations en faveur de l’accord UE-Mercosur.

Relire : Hugo Clément vise la production de maïs française dans Sur le front : comment la filière contre-attaque et dénonce une émission à charge

Benoît Merlo dénonce la concurrence déloyale des lentilles canadiennes

Benoît Merlo, polyculteur-éleveur bio dans l’Ain, a accepté de recevoir l’équipe de tournage trois demi-journées (dont une demi-journée avec Hugo Clément) sur son exploitation les Jardins d’Aestiv. Il confie à Reussir.fr être « très satisfait » de l’émission tant « sur le fond que sur la forme ». 

Benoît Merlo y explique pourquoi il cultive des lentilles sans intrants chimiques et comment il se bat contre la concurrence déloyale des lentilles canadiennes importées à droits de douanes nuls. Des lentilles aspergées d’herbicide (le Diquat interdit dans l’Union européenne) par avion quelques jours avant la récolte, selon les images tournées au Canada par la réalisatrice de l’émission Andréa Orvain, et dans lesquelles des traces de glyphosate sont retrouvées selon des analyses en laboratoire (dans la limite des LMR réhaussées à 10 mg/kg en 2012).

Lire aussi : Les Voix agricoles : « L’objectif de l’association est de faire émerger des témoignages individuels d’agriculteurs pour dépolariser le débat »

La lentille : une « super culture » qui rapporte peu

« La loi Duplomb ne répond pas à cette concurrence déloyale car elle vise à tirer l’agriculture européenne vers le bas. Or il faudrait aussi interdire l’utilisation de ces substances à l’importation », estime Benoît Merlo, de formation ingénieur Agro (Isara), agrécologue et installé hors cadre familial.

Sur une exploitation de 300 ha à Bâgé-Dommartin (dans l’Ain) dont 100 ha de prairies naturelles et 20 ha de prairies temporaires, Benoît Merlo produit des céréales diversifiées bio sur 180 ha et élève un troupeau de 75 mères et leur suite de race Aubrac. « Je cultive entre 15 et 17 espèces suivant les années et les lentilles font partie de la rotation avec les autres légumineuses que sont le soja, le pois chiche et bientôt le haricot rouge », explique l’exploitant agricole. « Je produis de 5 à 12 ha de lentille chaque année associée à une autre culture (l’avoine cette année, après la cameline pendant plusieurs années) », complète-t-il. Comme il l’explique à Sur le Front, « la lentille qui s’implante en février-mars est une super culture, c’est de l’engrais vert, elle enrichit les sols ».

Les rendements sont variables, de 5 à 20 quintaux par hectare, avec des années trop humides où on peut faire chou blanc

Attention toutefois « les rendements sont variables, de 5 à 20 quintaux par hectare, avec des années trop humides où on peut faire chou blanc (deux années dans son cas, nlr) », nuance Benoît Merlo. Et face à la concurrence canadienne, la rémunération reste faible (entre 1000 et 1600 euros/t hors taxe) si la lentille est vendue directement à la coopérative ou au négoce.

Lire aussi : Accord Mercosur : Emmanuel Macron se dit « plutôt positif », les syndicats agricoles s’indignent

Une stratégie collective pour améliorer la rémunération

Du coup pour s’en sortir, avec trois autres exploitations agricoles bio, Benoît Merlo a mis en place une stratégie collective pour aller démarcher directement industriels, grossistes et restauration collective (pour une rémunération jusqu’à 4000 euros/t de laquelle il faut déduire les coûts du tri et de la logistique). « Nous avons pris le taureau par les cornes et créé l’an dernier une SAS », explique-t-il. Retenue par FranceAgriMer, la SAS, qui a déjà des capacités de stockage, devrait investir d’ici fin 2026 dans une ligne de tri

Lire aussi : Sur le Front : les sept affirmations d’Hugo Clément qui irritent le monde agricole

« La balle est dans le camp des politiques et du consommateur »

Qu’est-ce que Benoît Merlo attend de la diffusion de l’émission Sur le Front qui montre aussi la concurrence déloyale que subit la filière noisette française face aux noisettes turques ou encore la filière ovine face aux agneaux néozélandais ? « La balle est dans le camp des politiques et du consommateur. J’espère que le consommateur va plus regarder les étiquettes et que les politiques vont comprendre qu’il faut arrêter d’importer des produits interdits chez nous », commente l’agriculteur qui a récemment signé une lettre commune avec des agriculteurs français et allemands alertant les ministres de l’Agriculture français et allemand su les dangers de l’accord UE-Mercosur. 

On nous dit aujourd’hui qu’il faut plus de légumineuses mais si en parallèle on ne met pas en place de protectionnisme rien ne se passe

« Le CETA nous a impacté sur la lentille. On nous dit aujourd’hui qu’il faut plus de légumineuses mais si en parallèle on ne met pas en place de protectionnisme rien ne se passe. Il faut monter au créneau », fulmine Benoît Merlo qui ajoute « il y’en a marre que l’agriculture soit la variable d’ajustement de ces accords de libre-échange faits d’un seul bloc ». « Tout est fait pour que l’agriculture française coule, nous ne sommes pas dans un cadre favorable », déplore-t-il encore précisant ne pas être contre les échanges commerciaux.

Lire aussi : « Ne laissez pas l’accord UE-Mercosur être signé ! » : 50 agriculteurs français et allemands interpellent leurs ministres de l’agriculture

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