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A l’EARL Bernard, dans le Finistère
« Travail, produits, charges : j’essaie de tout optimiser »

Seul sur son exploitation, Pierre Bernard livre 400 000 litres de lait avec un système simple privilégiant la recherche de marge. Un parcellaire groupé, des bâtiments fonctionnels et une organisation sans faille permettent d’optimiser le travail.

 « Lorsque je me suis installé en prenant la suite de mes parents en 1996, j’avais une idée claire de ce que je voulais faire, explique Pierre Bernard avec conviction : mettre en place un système simple qui me permette d’être efficace et productif dans mon travail quotidien, tout en maîtrisant mes coûts de production. »  Vingt ans après, l’objectif est visiblement atteint puisque sur le dernier exercice (clos au 31 mars 2016) l’éleveur, seul sur l’exploitation, a livré 400 000 litres de lait, avec un niveau de marge brute lait à 268 €/1000 l, un EBE à 45% du produit et une organisation du travail sans faille. Pour y parvenir, Pierre Bernard a patiemment construit son système. «  Au départ, explique-t-il, l’exploitation familiale comptait une trentaine d’hectares avec une référence laitière d’environ 200 000 l et des légumes d’industrie. Un système économiquement performant mais très chronophage. Une première opportunité d’évolution se présente en 2005, avec la possibilité d’acheter 14 ha sur lesquels il n’y avait pas beaucoup de lait mais qui étaient contigus à mon site d’exploitation ». « J’y ai aménagé 800 mètres de chemins empierrés et un pont pour les rendre facilement accessibles au troupeau, ce qui m’a permis de commencer à faire évoluer mon système. » Dans la foulée, l’éleveur fait la mise aux normes de son exploitation et en profite pour revoir le logement des animaux. Il opte pour un bâtiment en aire paillée avec couloir d’exercice sur caillebotis (associé à une fosse couverte de 600 m3) et permettant de rassembler sous le même toit vaches et génisses, logées de chaque côté d’un couloir d’alimentation central.

Une plus-value « matière utile » de 14 000 euros

Pour améliorer son efficacité, Pierre Bernard souhaite se spécialiser en production laitière. « Mais, compte tenu des investissements réalisés, je voulais d’abord conforter ma référence. » Avec 270 000 litres de quota, l’éleveur ne fait pas partie des prioritaires pour les attributions gratuites et il ne veut pas reprendre du lait avec du foncier éloigné. Il conserve donc son système « lait et légumes », en peaufinant la conduite des surfaces et du troupeau. « Ce sont les transferts de quota sans terre qui m’ont permis d’évoluer de nouveau. Pendant les quelques années où ils ont été en vigueur, j’ai acheté le maximum de ce qui était possible, environ 100000 l. Un choix que je ne regrette pas car cela m’a permis de consolider la référence qui a été prise en compte pour mon contrat de livraison Sodiaal. L’élevage dispose ainsi d’un contrat portant sur 420 0000 litres de lait, dont 40000 litres de volume de développement, payé en B. »

Côté troupeau, Pierre Bernard a opté pour la Pie-Rouge des Plaines. « C’était la race de mes parents et elle me convient bien. En la conservant, j’ai pu poursuivre le travail de sélection qu’ils avaient engagé, notamment sur les taux, et en tirer parti au niveau de la valorisation du lait. Sur la dernière campagne, la soixantaine de Pie Rouge de l’élevage à un peu moins de 7000 kg de moyenne d’étable (6220 litres livrés par vache), ont produit un lait à 45,8 g/l de TB et 34,4 g/l de TP avec, à la clé, une plus-value liée à la matière utile d’un peu plus de 14 000 €. Les Pie-Rouge sont aussi des vaches calmes, qui vêlent facilement et sont assez rustiques. Mis à part les fièvres de lait qui font l’objet d’une prévention systématique  à partir du troisième vêlage, elles sont peu sensibles aux maladies métaboliques. » Un atout pour la maîtrise des frais vétérinaires, limités à 9 €/1000 l et pour l’organisation du travail. « Enfin, ce sont des vaches avec de bonnes pattes, qui sont donc bien adaptées à mon système où elles sortent en pâture une bonne partie de l’année. Depuis 20 ans je n’ai pas paré un seul pied », remarque l’éleveur.

De l’herbe, oui, mais pâturée !...

Sur les 48 ha accessibles de l’exploitation, une petite moitié est en herbe, sous forme de prairies de ray-grass anglais et trèfle blanc, 17 ha sont en maïs ensilage et 7,5 ha en céréales. « Outre la paille qu’elles fournissent, ces céréales ont un intérêt dans la rotation. Elles permettent de limiter la monoculture de maïs et de bien nettoyer les parcelles. La surface en herbe permet d’avoir environ 35 ares pâturés par vache. Avec cette surface, je peux normalement fermer mon silo de maïs pendant au moins deux mois, sans pour autant avoir d’excédent à faucher. " Car pour Pierre Bernard, l’herbe est intéressante si elle est pâturée. « Étant données nos conditions météo, les fauches d’herbe et leur qualité sont aléatoires et je préfère ne pas en faire." Une logique que l’éleveur pousse jusqu’au bout. "Si je vois qu’à un moment je risque d’être débordé par l’herbe sur les parcelles des vaches, je préfère y amener un lot de génisses prêtes plutôt que de faucher. Elles retourneront sur leurs parcelles plus tard, avec de l’herbe plus avancée. Mais comme leurs besoins sont limités ce n’est pas un souci. » (Les génisses de l’élevage vêlent à 27 mois de moyenne). « Les seules fauches que je fais sont dédiées à la confection du foin pour les veaux sur quelques hectares de ray-grass d’Italie en interculture."

« Sur l’exploitation, le rendement valorisé en herbe atteint les 10 tonnes de MS/ha », évalue Jean-Luc Nézet, conseiller d’élevage BCEL Ouest. Le pâturage est tournant sur des paddocks prévus pour 3 à 4 jours mais divisés par un fil avant, déplacé matin et soir. « Pour moi, le fil avant est indispensable pour bien gérer l’herbe et ne pas gaspiller, surtout en période de forte pousse. Cela évite que les vaches ne se répartissent sur toute la parcelle et bousent un peu partout en créant des zones de refus qui compliquent ensuite la gestion du pâturage. Les vaches disposent aussi à chaque repas d’herbe fraîche, ce qui contribue à stimuler l’ingestion. Au niveau travail, ce n’est pas contraignant puisque pendant que j’avance le fil, les vaches commencent à retourner  vers le bâtiment et je les retrouve près de la salle de traite. »

17 hectares de couverts pâturés à l'automne et en fin d'hiver

Les prairies d’association sont complétées par 17 ha de ray-grass d’Italie semés en interculture, entre le blé et le maïs ou entre deux maïs. Sous réserve d’être implantés suffisamment tôt, « avant le 15 octobre derrière céréales », ces couverts — issus de semences fermières — fournissent un appoint fourrager appréciable et très compétitif en termes de coût. Accessibles aux animaux, ils permettent d’allonger la période de pâturage, à l’automne et en sortie d’hiver.

Grâce à des terres qui ressuient vite et au parcellaire aménagé, les vaches commencent en général à sortir dès la mi-février. Elles dépriment les parcelles de ray-grass-trèfle puis passent sur les couverts, ce qui laisse aux prairies le temps de bien démarrer. « Elles sont nuit et jour dehors au moment du passage à l’heure d’été, avec fermeture du silo courant avril. Lorsque le silo est fermé, les vaches n’ont aucun fourrage complémentaire, ni concentré. Le temps d’astreinte est réduit au minimum et le coût alimentaire au plus bas."

Sur l’élevage, les vêlages sont assez étalés, « mais j’essaie d’avoir une bonne production laitière sur les mois d’août, septembre et octobre, pendant lesquels tout le lait livré est payé en A », remarque Pierre Bernard. Le silo est réouvert pour soutenir les débuts de lactation quand la pousse d’herbe ralentit. « Cette année, comme j’ai eu peu de vêlages en juin, j’ai pu attendre mi-juillet, au retour de ma semaine de vacances pour rouvrir le silo, ce qui me permet d’être plus serein par rapport aux stocks disponibles pour aller jusqu’au prochain ensilage. D’autant que cette année, l’ensilage sera précoce.»  Sur l’élevage, le chargement et la production élevée à l’hectare (plus de 8500 litres/ha SFP) nécessitent un suivi précis et une gestion rigoureuse des stocks.

Uniquement un correcteur azoté du commerce 60% soja-40% colza

Pendant les trois mois d’hiver où elles ne sortent pas, les vaches sont alimentées avec du maïs plat unique. Les génisses reçoivent également du maïs rationné avec un peu de correcteur azoté. La ration est distribuée matin et soir au godet désileur. « Il me faut six godets pour les vaches et un bon godet pour les génisses. Comme les silos sont adossés au mur arrière de la stabulation, la distribution ne me prend pas plus d’une heure par jour. » La complémentation est assurée par un DAC trois stations. Depuis 2013, elle est uniquement azotée, avec un correcteur du commerce (constitué de 60% de tourteau de soja et 40% de colza) distribué au-delà de 20 kg de lait. Les vaches en reçoivent entre 1,5 kg et 4 kg/jour pour les plus fortes productrices. « C’est un concours de circonstances qui m’a amené à arrêter la distribution de concentré de production qu’au départ je pensais temporaire, remarque l’éleveur. Mais avec Jean-Luc, le contrôleur laitier de l’élevage, nous nous sommes rendu compte que la suppression de ce concentré de production n’avait pas eu d’incidence sur la production ni sur les taux, et qu’elle avait permis une nette amélioration de la marge sur coût alimentaire, un atout appréciable dans le contexte actuel. Lorsque je regarde la comptabilité des deux derniers exercices, au niveau des produits, il n’y a que des moins. Même en serrant les coûts de production, cela se ressent sur les résultats. » 

Du fait des investissements bâtiments réalisés au cours des dix dernières années, le niveau d’annuités de l’exploitation, à 43 000 €, est assez élevé. « Mon objectif est de produire le maximum de lait possible pour diluer les charges de structure sans déstabiliser le système, pour éviter tout dérapage du coût de production. Les annuités baisseront de moitié dans deux ans car j’aurai fini de payer la mise aux normes. Avec mes équipements et mon foncier, je pense pouvoir produire 450 000 litres, en maintenant l’équilibre fourrager actuel. Pour cela, je diminuerai un peu la surface de céréales au profit de la surface fourragère, notamment en herbe. Et pour optimiser la valorisation de ces nouvelles surfaces fourragères, près de 200 m de chemin vont être créés cet automne. Aménagé au milieu d’une parcelle, ce nouveau chemin va me permettre d’accéder de façon plus simple et rapide à un bloc de parcelles auxquels j’accédais jusqu’à présent en passant sur la route. »

« Ce qui m’intéresse, c’est la marge. »

Seulement 2000 litres de gazoil consommés par an !

Avec l’augmentation de sa référence laitière, Pierre Bernard a progressivement délégué à l’entreprise un certain nombre de tâches comme le vidage de la stabulation paillée, les épandages de fumier et lisier, les récoltes —moisson, ensilage — les labours et la culture des céréales. « À 120 euros de l’hectare pour labourer et semer les céréales, ce n’est pas la peine que je le fasse, estime l’éleveur. D’autant que j’ai eu une hernie discale et je souhaite préserver mon dos, en limitant les heures de tracteur. Déléguer me permet de gagner du temps, d’être plus présent sur l’élevage et d’éviter d’investir dans du matériel qui servirait peu étant donné ma surface. Au niveau traction, par exemple, j’ai un tracteur avec chargeur de 85 cv de 20 ans avec lequel je fais environ  600 heures par an et un vieux Fendt de 70 cv qui fait environ 50 heures par an. Moins de matériel, c’est aussi moins de temps et d’argent consacrés à l’entretien et moins de carburant consommé. Au final, je pense que le bilan est très positif. »

Un bloc traite très apprécié

S’il est attaché à la maîtrise des coûts, Pierre Bernard a pourtant investi, sans regret, un peu plus de 300 000€ dans un bloc traite, laiterie, nurserie et box d’isolement. La salle de traite est une TPA 2 x10 double équipement de plein pied.  « Avant sa mise en service, en 2013, je trayais dans une Epi 2x4 simple équipement et il me fallait cinq heures par jour. Maintenant, cinq heures c’est le temps d’astreinte total autour des animaux pendant l’hiver ! La traite, elle, me prend  trois quarts d’heure. »  Un gain de temps très apprécié par l’éleveur qui peut ainsi le matin s’occuper de ses deux garçons et les emmener à l’école avant de commencer à traire, vers 8h45, en ayant fini avant le passage du laitier, à 10 heures. « En général, j’ai même le temps de donner à boire aux veaux pendant la traite des deux dernières bandes », remarque l’éleveur. La mise en service de ce bloc traite a également permis d’optimiser la contention. Les deux couloirs de retour permettent en effet d’accéder à cinq box paillés pour isoler et intervenir facilement et en toute sécurité sur les animaux. « Lorsque je veux y envoyer une vache, il me suffit de lever manuellement la lice avant qui la bloque pendant la traite. »

Un budget remplacement d’environ 2500 €

« J’aime mes vaches et mon métier d’éleveur mais je veux pouvoir me dégager du temps pour ma famille. J’essaie de prendre 15 jours de vacances et un à deux week-end par an. » Pendant ses périodes d’absence, l’éleveur fait appel au service de remplacement, dont il est adhérent depuis dix ans. « Le coût, 2500 à 3000 €/an, n’est pas négligeable. Mais c’est un confort appréciable et le crédit d’impôt  en couvre une partie. »

Chiffres clés
48 ha de SAU dont 17 ha de maïs fourrage, 23,7 ha de RGA-TB et 7,3 ha de céréales vendues. 17ha de dérobées (RGI)
64 vaches Pie-Rouge à 6220 litres vendus/VL
20 génisses gardées par an
420 000 litres de lait contractualisés en 2015-2016, dont 40 0000 litres en volume de développement
2,2 UGB/ha (hors dérobées) de chargement
1 UMO
Avis d'expert

Un système productif et économe.

Seul sur son exploitation, Pierre Bernard a mis en place un système qui lui permet aujourd’hui de produire près de 415 000 litres de lait avec de bonnes conditions de travail et à coûts maîtrisés. L’éleveur s’appuie notamment sur un parcellaire groupé et aménagé pour pouvoir largement profiter du pâturage. Sur ces terres à bon potentiel, le maïs reste cependant bien présent et contribue à assurer un haut niveau d’intensification fourragère. Éleveur et gestionnaire attentif, Pierre Bernard essaie d’optimiser tous les postes de produits et charges de son exploitation. Les bâtiments, fonctionnels et mis en place progressivement pour ne pas fragiliser l’équilibre économique de l’exploitation, contribuent à optimiser l’organisation et la productivité du travail, tout en facilitant son remplacement. L’éleveur a aussi fait le choix de déléguer à l’entreprise les gros travaux et une partie des travaux de culture, ce qui lui permet de maîtriser ses charges de mécanisation et de se dégager du temps et de la capacité d’investissement pour l’élevage. Tous ces facteurs participent à la rentabilité de l’exploitation qui, même si elle diminue dans le contexte dégradé actuel, reste très satisfaisante et permet d’envisager l’avenir sereinement.

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