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S’installer en lait mais pas à n’importe quel prix

Lionel Morel et Morgan Chambas ont choisi de s’installer sur une exploitation laitière des monts du Lyonnais, sur un système très pâturant, avec transformation à la ferme et participation dans un magasin de producteurs.

Morgan Chambas et Lionel Morel. « Dans un environnement tel que les monts du Lyonnais, soumis à des contraintes, à 700 mètres d'altitude, avec des sécheresses marquées... il fallait une structure qui valorise ces contraintes à travers la transformation et qui dégage de la valeur ajoutée. »
Morgan Chambas et Lionel Morel. « Dans un environnement tel que les monts du Lyonnais, soumis à des contraintes, à 700 mètres d'altitude, avec des sécheresses marquées... il fallait une structure qui valorise ces contraintes à travers la transformation et qui dégage de la valeur ajoutée. »
© J. Burel

L’histoire n’est pas banale. Morgan Chambas et Lionel Morel sont deux hors-cadre familiaux qui ne se connaissaient pas et qui ont été mis en relation en 2018 par Chantal Besson et Pierre Michel, les deux cédants du Gaec des deux chapelles qui sont partis en retraite en janvier 2021 et janvier 2022. « Ça a tout de suite pris entre nous deux, et avec les cédants », raconte Lionel.

Morgan connaissait la ferme depuis longtemps. Il avait effectué ses stages de bac pro à la fromagerie des deux chapelles. « Puis, je me suis formé à l’Enil (école nationale d’industrie laitière) et pendant quatre ans j’ai vécu une expérience très enrichissante dans une grande société fromagère en Belgique. Mon association avec Lionel était évidente, nous avions chacun les mêmes envies, la même philosophie de travail », raconte Morgan Chambas.

Prendre le temps de choisir

Lionel travaillait dans d’autres domaines avant de se reconvertir avec un BPREA. Puis, engagé dans un service de remplacement dans le Finistère pendant plusieurs années, il s’est mis à chercher une ferme dans sa région d’origine, les monts du Lyonnais. « Mais je ne me serais pas installé pour m’installer. Il fallait que ce soit un projet pour gagner de l’argent, dans un système qui me plaît, en l’occurrence très pâturant. » Il visite plusieurs fermes et choisit celle-ci. « Avec plus d’offre de fermes à reprendre que de demandes, le porteur de projet est en position de force », assure Lionel.

Entre janvier 2018 et janvier 2021, « nous avons souvent échangé entre nous et avec les cédants sur nos attentes, notre projet », mentionnent Morgan et Lionel. « Ce qui est particulier avec cette transmission, c’est que les cédants ont accompagné le projet des deux jeunes en investissant par anticipation dans une cave d’affinage », souligne Damien Raffin, conseiller Cerfrance Rhône ayant accompagné la transmission. « D’autre part, le cédant de l’exploitation voisine qui a été reprise par les deux jeunes, a accepté de vendre plus tôt que prévu et de devenir salarié du Gaec. Et il a engagé sa conversion bio pour que les terres soient bio au moment de la cession », ajoute-t-il. Les cédants ont aussi fait attention de laisser les comptes associés le plus bas possible.

Demander la valeur économique

La valeur patrimoniale évaluée par le Cerfrance était de 335 000 euros. Les deux jeunes ont demandé à tenir compte de la valeur économique. La négociation a très vite abouti à un compromis entre les deux, à 260 000 euros. Les parts sociales de Chantal ont été reprises et financées par les deux jeunes. Le Gaec finance celles de Pierre : cela réduit le capital du Gaec et le risque financier pour les jeunes.

Morgan a trouvé une ancienne cave à fromages (90 m2) restée complètement naturelle. Il y a fait des tests et a été conquis. Le Gaec l’a acheté en juillet 2020. « Si le Gaec n’avait pas pu ou voulu investir, la commune avait proposé d’acheter la cave et le foncier autour et de les louer au Gaec », se souvient Pierre Michel.

 

 
La cave d'affinage achetée en 2020 par le Gaec, avant l'installation des deux jeunes.
La cave d'affinage achetée en 2020 par le Gaec, avant l'installation des deux jeunes. © M. Chambas

 

Investir dans ce qui rapporte

La reprise de la ferme du voisin est une opportunité qui s’est présentée pendant la préparation de l’installation. « Au début, nous n’étions pas prêts à nous agrandir. Puis, on s’est dit que cela sécuriserait notre système par rapport au changement climatique. Le travail est aussi facilité par cet apport de foncier : il n’y a plus besoin de bétaillère pour déplacer les animaux en pâture. Et le pâturage est optimisé. » Cet investissement est intégré dans le plan d’entreprise des deux jeunes. Cela gonfle la mise de départ, mais c’est un vrai plus pour assoir la rentabilité de la ferme. C’est le Gaec qui l’acquiert, par emprunt.

Lionel et Morgan ont conclu un an de parrainage en 2020, perturbé par la Covid-19. « À cause du confinement (en Bretagne), je n’ai pu venir que six mois ; c’est un peu court. Heureusement que Pierre est resté encore un an. C’est important ce moment de transition, où on est initié au fonctionnement de la ferme et du magasin. » Pierre Michel a apprécié cette année où il était encore un vrai associé participant aux réflexions. « J’ai pu aussi leur montrer l’importance de la Cuma et de l’entraide. Ils avaient les idées claires, ils avançaient vite dans leur projet. »

L’objectif des deux jeunes est de se dégager du revenu et de se préserver du temps libre : cinq semaines de congé par an, un week-end sur trois, fin des journées à 18 h 30. Un pari qu’ils tiennent en majorité en cette phase d’installation.

Une installation doublée d’un agrandissement

La ferme en 2018

2 associés et 2 salariés.

Certifiée bio.

53 ha quasiment tout herbe.

32 vaches Prim’Holstein et Montbéliardes.

120 000 litres transformés sur 230 000 litres produits. En yaourt, faisselle, fromages lactiques type rigottes : des classiques dans les monts du Lyonnais.

La ferme en 2022

2 associés et 3 salariés.

89 ha dont 65 ha accessibles aux vaches, 12 ha de fauche, 12 ha de céréales.

55 vaches Montbéliardes et croisées trois voies.

Objectif de 200 000 litres transformés (160 000 l en 2021) pour 340 000 litres produits. Depuis 2021, gamme élargie avec des fromages affinés.

Un montant d’investissement à relativiser

Tout compris, la mise de départ est d’environ 450 000 euros, pour un EBE attendu de 150 000 euros. Et des investissements à venir contenus.

L’investissement de départ est composé de 260 000 euros de parts sociales du Gaec, reprises en deux fois (janvier 2021 et janvier 2022). Les parts du magasin de producteurs sont incluses.

 

 
En périphérie de Lyon, le magasin de producteur Uniferme (premier créé en France) offre une part de marché, une plus-value sur les produits, un volume de vente presque unique en France. Il représente plus de 75% du chiffre d'affaires du Gaec.
En périphérie de Lyon, le magasin de producteur Uniferme (premier créé en France) offre une part de marché, une plus-value sur les produits, un volume de vente presque unique en France. Il représente plus de 75% du chiffre d'affaires du Gaec. © M. Chambas

 

S’y ajoutent 180 000 euros de reprise de l’exploitation du voisin : 36 hectares (en location), stabulation et surface dessous, 17 vaches et quelques génisses, un peu de matériel. Plus des investissements de remise en état de l’exploitation. Le total atteint environ 450 000 euros, soit 225 000 euros par associé, ou près de 1 300 euros pour 1 000 litres.

Le foncier est entièrement en location, sécurisé par des baux de longue durée. « C’est intéressant pour ne pas gonfler la mise de départ », indique Damien Raffin, conseiller Cerfrance Rhône. Si un des propriétaires voulait vendre ses terres, Lionel et Morgan essaieraient de les acheter, « mais pas à n’importe quel prix ». La reprise de la ferme du voisin offre une marge de sécurité par rapport à une éventuelle future perte de foncier.

Une des forces de l’exploitation est de disposer de peu de matériel en propriété (trois tracteurs, une faucheuse, un andaineur, une faneuse ainsi qu'un roundballer en copropriété). « La cuma (ensilage) est très dynamique. Pour d’autres travaux, nous recourons à des ETA », indiquent les deux associés.

Une bonne valeur ajoutée

Ces montants d’investissement sont à relativiser. « Il s’agit d’une ferme bio, avec transformation et vente directe, rappelle Damien Raffin. Il faut donc les mettre en regard d’un chiffre d’affaires attendu de 490 000 euros au bout de quatre ans d’installation, et d’un EBE attendu de 150 000 euros, soit un ratio EBE/produit de 30 %. » En 2021, l’EBE était de 118 900 euros pour 364 900 euros de chiffre d’affaires (33 % EBE/PB), « ce qui est conforme au business plan, avec un peu d’avance », pointent les associés. Le temps de retour sur investissement est estimé à 14 ans. Par ailleurs, les investissements à prévoir ne représentent pas de grosses sommes qui pourraient peser significativement sur le poids des annuités, aujourd’hui à 49 % de l’EBE.

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