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Chronique Météo
[Mis à jour] Retour du gel d’avril en 2022 : va-t-on revivre le cauchemar d’avril 2021 ?

Après la douceur observée en février et mars, le froid annoncé à partir du 1er avril rappelle le scénario catastrophique d'avril 2021. Serge Zaka, agroclimatologue pour ITK, livre son expertise sur les prévisions météorologiques et les dégâts à prévoir pour le monde agricole.

Serge Zaka (ITK)
Serge Zaka, agroclimatologue chez ITK.
© ITK

[Mis à jour le 31 mars à 16h avec la dernière modélisation]

Depuis le 1er février 2021, les températures sont au-dessus des moyennes de saison. Ces derniers jours, les 20°C ont été atteints plusieurs jours d’affiler sur de nombreuses régions françaises… tout comme en 2021. Vous l’auriez compris : le schéma de 2021 se répète cette année. Une violente descente d’air froid est prévue à partir du 1er avril. Quels sont les dégâts prévus ?

Février et mars 2022 sous la douceur

Les nombreuses gelées au mois de janvier ont permis la levée de la vernalisation, c’est-à-dire le besoin en froid, des cultures. Ainsi, la douceur observée durant les mois de février et mars a permis le débourrement, c’est-à-dire l’ouverture des bourgeons. D’abord, dans la moyenne voire légèrement en avance, la végétation a pris beaucoup d’avance cette dernière semaine avec une douceur remarquable mais sans importants records battus. La figure 1 indique les écarts par rapport aux normes de l’indicateur thermique national.

Concrètement, Paris s’achemine en ce moment vers une série de 5 jours avec au moins 20 °C. En considérant des séries au moins équivalentes (avant avril), on s'aperçoit qu'il y en a eu 3 sur une période 130 ans à Montsouris (1873-2002), et que cette série est la 3ème en 20 ans (2003-2022). En 2021, record mensuel 26 °C !

 

Une violente descente d’air froid attendue pour le 1er avril

Avec une semaine d’avance par rapport à 2021, la configuration météorologique va changer du jour au lendemain. Entre le 29 mars et le 2 avril, nous pourrions perdre localement plus de 25°C. Cet air froid est propulsé depuis l’Europe du Nord-Est par une dépression déboulant d’Angleterre sur la France.

Ce froid sera, à priori, dans un premier temps humide et venteux. Le risque de neige est même présent sur certains modèles météo. Il s’agira d’un froid advectif (froid à toutes les hauteurs de l’atmosphère) contre lequel il sera très difficile de lutter. Puis dès le 2 avril, il sera plus sec et moins venteux. Cela permettra l’installation par la suite d’un froid radiatif (accumulation du froid au sol) accentuant le froid sur le quelques premiers mètres de l’atmosphère.

Situation météorologique au 27 mars 2022.

 

Situation météorologique prévue pour le samedi 2 avril 2022 par le modèle GFS


Il existe encore beaucoup d’incertitudes sur ces modélisations météo notamment :

  • La présence d’une couverture nuageuse et/ou de vent peut bloquer l’aggravation due à l’installation d’un froid radiatif.
  • La présence de la neige au sol peut faire baisser dramatiquement les températures. Cette couche de neige protège cependant les grandes cultures mais beaucoup moins bien l’arboriculture.
  • Tous les modèles ne sont pas en accord sur les valeurs de températures minimales. Le gel est acquis mais l’intensité n’est pas encore stabilisée. Le modèle américain GFS est nettement plus froid que son confrère européen CEP. En effet, le modèle européen prévoit un air plus maritime (moins froid et plus humide) que l’américain (plus froid et sec).
  • La basse vallée du Rhône sera à priori protégée par le Mistral (brassage de l’air qui freine la baisse des températures). Il faudra surveiller cependant la haute vallée du Rhône où le vent permettra l’installation d’un gel noir potentiellement dévastateur : à part l’aspersion, il n’existe aucun moyen de lutte contre le gel noir.
  • L’extension du gel vers le sud-ouest est encore mal définie par les modèles.
  • La durée de l’évènement est encore mal définie. Il devrait à priori concerner la France jusqu’au 4 avril minimum.

Ces prévisions seront donc à affiner dans de prochains bulletins.


Cet évènement sera-t-il similaire au gel de 2021 ?

Pour le moment, la durée et l’étendue s’apparentent à celles de l’évènement du 6 au 8 avril 2021. Il existe tout de même une incertitude sur les valeurs de gel prévues. Pour les abricots, pruniers, poiriers, kiwis voire cerise, si les prévisions se confirment, cet évènement d’avril 2022 sera comparable à celui d’avril 2021.

Dans le pire des scénarios (celui de GFS), voici à quoi pourrait ressembler la carte agro-climatologique des dégâts dus au gel sur les arbres fruitiers (hors vigne et pommiers). Il est, pour le moment, impossible de préciser d’avantage le zonage des dégâts tant que tous les modèles ne sont pas en accord.

Scénario pessimiste

 

Scénario optimiste

 

 

Mise à jour de la carte le 31 mars

 

 

Les gelées d’avril, un évènement habituel en météorologie ?

Ce n’est pas le gel qui est à l’origine de ces évènements agroclimatiques exceptionnels aux conséquences dramatiques sur les productions, ce sont les hivers doux permettant à la végétation de sortir en avance.

Le changement climatique nous envoie un nouvel avertissement. Un article scientifique du Wolrd Weather Attribution a d’ailleurs attribué au changement climatique l’épisode d’avril 2021. Il indiquait une hausse de 60% de la probabilité d’obtenir un épisode similaire d’ici 2050 avec le changement climatique en cours.

Prevent : un nouvel outil signé ITK

Depuis le gel d’avril 2021, la société ITK travaille sur la prise en compte des effets du gel sur les productions, qu’elle rend disponibles depuis son application Prevent. Elle quantifie et caractérise l’intensité d’un aléa à venir, qu’elle combine avec des données de sensibilité des cultures en fonction des stades de développement, parcelle par parcelle. Elle préconise également différentes mesures de protection à mettre en place en fonction de l’intensité et des conditions météorologiques. Des alertes gel sont paramétrées et envoyées en fonction du niveau de prévisions de perte de rendement calculé par l’outil. Compte tenu des conditions météorologiques annoncées, la vigne et le pommier, déjà inclus dans Prévent, pourront être pilotés avec la plus grande précision.
 

Retrouvez toutes les chroniques de Serge Zaka

 

 

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