Aller au contenu principal

« Notre système compense le faible potentiel fourrager de nos terres »

Le Gaec Beneteaud, en Charente-Maritime, a misé sur un système intensif à base de maïs et ray-grass italien pour compenser le faible potentiel fourrager de ses terres et produire plus de lait. La technicité des éleveurs et une bonne génétique assurent de bons résultats.

« En Charente-Maritime, il n’y a plus beaucoup d’exploitations laitières, constatent Xavier Beneteaud et Estelle Frappier. Les terres, à vocation céréalière, ne sont pas idéales pour l’élevage. Sur l’exploitation, la dernière de la commune, les deux tiers sont très séchantes l’été, qui est souvent chaud et sec. La réserve utile des sols n’est que de 70 à 110 mm. Nous n’avons pas d’irrigation. Et il n’y a que 4,5 hectares accessibles aux vaches, ce qui ne permet pas le pâturage. »

En 2011, Xavier, 35 ans aujourd’hui, décide tout de même de s’installer sur l’exploitation de ses parents, à Saint-Médard d’Aunis, avec un BTS Acse et un CS lait en poche. Et après y avoir été deux ans apprenti puis salarié. « Je ne voulais pas que l’exploitation périclite, mais pas non plus m’user physiquement, précise-t-il. Il fallait travailler la qualité des fourrages pour apporter moins de concentré et augmenter la production pour diluer les charges de structure, car la mise aux normes en 2003 avait été lourde. Et cela sans dégrader le coût de production. »

Semer le maïs plus tôt pour éviter la sécheresse

En dix ans, l’éleveur a bien amélioré la situation, avec un salarié à mi-temps et, depuis peu, sa conjointe Estelle, 32 ans, installée en janvier 2021 après un BTS Acse, une licence pro Conseil et développement agricole et dix années comme chargée d’affaires agricoles dans une banque.

L’exploitation compte aujourd’hui 134 hectares et 100 vaches prim’Holstein et red Holstein, une passion pour Xavier et pour son père avant lui. La production est passée de 582 000 litres de lait pour 63 vaches en 2009, à près de 900 000 litres en 2021. La reprise de 30 hectares a permis de développer une production de blé tendre et de blé dur qui améliore les rotations, conforte le revenu et constitue une marge de sécurité pour l’alimentation du troupeau par un échange blé-maïs.

« Notre stratégie a été d’augmenter la production en saturant nos facteurs limitants, mais sans aller au-delà de nos capacités fourragères. » Des modifications ont été apportées sur le maïs. « Sur un tiers des terres, les rendements atteignent 12 à 13 tonnes de matière sèche par hectare. Mais sur les deux tiers de terres séchantes, ils ne dépassent pas 9 tonnes. Nous avons essayé le sorgho BMR, plus résistant à la sécheresse. Mais comme il se sème plus tard que le maïs, il arrivait vite en période sèche. De plus, il y a moins de solutions de désherbage qu’en maïs. »

C’est la rencontre avec un technicien qui lui a redonné le goût du maïs. « La génétique maïs a beaucoup évolué. Nous cultivons aujourd’hui des variétés plus résistantes à la sécheresse et plutôt typées grain, car la valeur est dans l’épi. Et nous semons plus tôt, mi-mars, des variétés d’indice 400-500. Cela permet d’exploiter au maximum la réserve utile du sol et de faire du rendement avant la période sèche. » Si l’essentiel est ensilé, 15 hectares sont récoltés en maïs épi depuis 2019. « Ainsi, nous sommes sûrs d’avoir une valeur de 1,1-1,15 UFL par kilo de matière sèche. Nous en apportons 2,4 kilos de matière sèche dans la ration. Nous avons beaucoup gagné en coût de ration, car avant, nous devions acheter du maïs grain laminé. »

Face à une capacité de stockage limitée, « il a fallu créer un troisième silo à maïs, en achetant des murs d’occasion, pour pouvoir le surstocker et que les vaches attaquent toujours un maïs déjà fermenté. Et nous avons créé un silo de 4 mètres de large pour le maïs épi en coupant en deux un vieux silo ».

Ray-grass italien et luzerne complètent le système

L’optimisation du potentiel fourrager passe aussi par 19 hectares de ray-grass italien exploité au maximum et bien fertilisés. Les coupes sont précoces afin de récolter un fourrage riche en protéines. « Nous implantons pour un à deux ans une variété diploïde non alternative, souple d’exploitation, précise Xavier. Nous faisons trois ou quatre coupes, avec un objectif de 3 tonnes de matière sèche par hectare par coupe. Parfois 4 tonnes en deuxième coupe. Les deux premières coupes, pour lesquelles nous visons 1 UFL par kilo de matière sèche et 19-20 % de MAT, sont ensilées pour les vaches. Les troisième et quatrième sont enrubannées pour les génisses. »

La production est soutenue par 90 unités d'azote par coupe sur les deux premières coupes et du lisier sur les deux autres. Les éleveurs achètent aussi 30 hectares de luzerne sur pied à des producteurs de semence tenus de faire une coupe avant le 10 mai. « Cela nous fournit un fourrage à 23-24 % de MAT. Mais les surfaces diminuent, les céréaliers préférant actuellement produire du blé. Nous avons donc implanté 5 hectares de luzerne. Nous ensilons la première coupe et faisons du foin avec les trois autres. »

La betterave, intéressante en quantité et qualité

Il y a deux ans, Xavier a aussi introduit 4 hectares de betterave, dont 1 hectare est vendu. « La betterave est résistante à la sécheresse et explose le potentiel fourrager, s’enthousiasme-t-il. Dans les bonnes terres, nous récoltons 18 tonnes de matière sèche par hectare. C’est aussi un aliment très riche en énergie, qui augmente le TB et l’ingestion. Au début, la récolte se faisait par ETA et nous subissions la date de récolte. Avec d’autres éleveurs, nous avons acheté une automotrice d’occasion en Cuma. » Le Gaec s’est également équipé d’un godet broyeur pour broyer les betteraves avant de les mettre dans la mélangeuse. Le surplus non consommé est intégré à l’ensilage d’herbe pour ne pas le perdre. Ainsi, les vaches en ont toute l’année.

Au final, la ration des vaches laitières comporte 9 à 11 kg de matière sèche de maïs ensilage, 5,5 kg de RGI ou luzerne, 0,6 kg de paille finement coupée à l’ensileuse, 0,8 kg de foin de luzerne, 2,4 kg de maïs épi, 1,5 à 2 kg de betterave du 1er octobre au 1er avril, 1,5 kg de soja et 0,6 kg de CMV, argile et bicarbonate de sodium. 1,2 kg en moyenne de concentré VL et 0,6 kg de correcteur azoté 70/30 sont apportés au DAC.

Travailler l’élevage des génisses

Xavier et Estelle travaillent aussi à l’amélioration du cheptel. Les vêlages sont répartis sur l’année pour lisser la production. Toute la reproduction se fait en insémination artificielle, avec sexage pour les génisses. « Mes parents ont travaillé la morphologie et nous continuons tout en recherchant plus de précocité, indique Xavier. Nous regardons les index de matière utile. Notre objectif étant d’avoir des vaches qui démarrent bien et valorisent au maximum les fourrages, tout en ayant une bonne longévité, avec des mamelles fonctionnelles et une bonne locomotion. » Tout cela en continuant à sélectionner le facteur rouge. « En rouge, il y a actuellement moins de choix de taureaux, admet Xavier. Mais avec la génomique, le choix s’élargit. »

Une grande attention est portée aussi aux conditions d’élevage, pour permettre aux vaches d’exprimer tout leur potentiel. En 2011, pour des aspects sanitaires et pour être moins dépendant en paille, la stabulation est passée d’une aire paillée à des logettes. L’économie de paille a payé les logettes en sept ans. « Aujourd’hui, nous sommes limités par le nombre de places au cornadis » observe Estelle. La stabulation a aussi été équipée de ventilateurs et d’abreuvoirs supplémentaires, pour aider les vaches à supporter les canicules.

Le Gaec n’achète aucun animal et élève 35 génisses par an, pour un besoin de renouvellement de trente. En 2015, une extension a été réalisée afin de mieux loger les génisses. Et en 2021, le Gaec a investi dans sept niches individuelles pour sécuriser l’élevage des génisses de 0 à 15 jours. « La nurserie est mal ventilée, précise Estelle. Avec ces niches bien ventilées et que l’on peut désinfecter, les génisses n’ont plus de diarrhées et leur croissance est meilleure. » L’éleveuse est aussi passée au Milk Bar, pour les aspects sanitaires et le confort de travail, et à six repas par semaine à partir de 3 semaines pour alléger l’astreinte le dimanche. Enfin, l’alimentation des génisses et la préparation au vêlage sont particulièrement soignées pour maximiser l’ingestion et favoriser un bon colostrum et un bon démarrage de la production.

Continuer à optimiser les charges

Quelques améliorations ont également été apportées à la salle de traite TPA qui date de 2003, avec un passage de 2x5 postes à 2x7 postes et l’ajout de vérins hydrauliques et de tapis. En comptant les nettoyages, la traite dure 1h50.

Une partie des travaux est réalisée par ETA (ensilage, enrubannage, broyage des pierres, moisson, traitements, binage). Le Gaec adhère aussi à plusieurs Cuma (déchaumeur, broyeur, tonne à lisier, préparation de sol) et loue un épandeur à lisier. Il dispose par contre du matériel de semis et de fenaison, seul ou en copropriété avec un voisin, pour pouvoir intervenir au bon moment. Il s’est même équipé d’une faucheuse frontale en plus de la faucheuse conditionneuse arrière pour pouvoir récolter l’herbe rapidement au meilleur stade. « Peu à peu, nous rachetons un peu de matériel pour le confort des vaches et le confort de travail, une mélangeuse pailleuse pour gagner du temps, une balayeuse à logette automotrice… »

En 2021, le Gaec a aussi investi 150 000 euros dans un hangar de 750 m² avec 100 kW de panneaux photovoltaïques. « Il sera amorti en douze ans. Et nous manquions de place pour stocker la paille et le matériel. » Pour l’avenir, les jeunes éleveurs veulent continuer à optimiser les charges, augmenter la productivité des vaches et améliorer l’outil et les conditions de travail. « Nous n’avons pas droit à l’erreur, car la transmission et l’installation d’Estelle ont engendré des emprunts privés. Il faut que ça marche ! »

Fiche élevage

SAU 134 ha dont 48 ha de maïs, 42 ha de céréales, 19 ha de RGI, 16 ha de prairies naturelles, 5 ha de luzerne, 4 ha de betterave
Cheptel 100 prim’Holstein et red Holstein à 9 900 kg
Lait livré 862 744 l
Chargement 1,45 UGB/ha SFP
Main-d’œuvre 2 associés + 0,5 UTH salarié

S’adapter à l’évolution de l’AOP

Le lait est commercialisé via Terra Lacta dans le cadre de l’AOP beurre Charentes-Poitou qui permet une valorisation plus élevée de la matières grasse. Cela permet en moyenne, pour le Gaec, un complément de prix de 20 à 30 €/1 000 l. Au 1er janvier 2023, le cahier des charges de l’AOP va évoluer. Les élevages fournissant du lait pour l’AOP auront notamment l’obligation d’avoir au moins 7 kg MS de maïs dans la ration. L’objectif est de permettre la fabrication d’un beurre à la texture fine et malléable, spécialement adapté à la fabrication de viennoiseries. Il faudra également consommer moins de 1 800 kg MS de concentré et moins de 1 200 kg MS de correcteur azoté par an tout en ayant une alimentation sans OGM. « Le sans OGM va augmenter le coût de production et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir nous en procurer », s’inquiètent Xavier Beneteaud et Estelle Frappier. L’augmentation constante du coût des concentrés est une autre source d’inquiétude. « Nous avons déjà supprimé les apports de colza extrudé, soulignent les éleveurs. Et depuis cette année, comme nous avons eu de bons rendements en maïs qui nous ont permis de récolter une partie en grain, nous avons remplacé les graines de lin extrudé que nous mettions dans le DAC par du maïs grain produit sur l’exploitation. Mais nous devons encore réduire les concentrés. »

Anne-Laure Gomas, de la chambre d’agriculture de Charente-Maritime

« Une production par vache élevée avec un coût d’alimentation limité »

« Le Gaec Beneteaud obtient des résultats technico-économiques intéressants, avec une logique intensive qu’il cherche à maîtriser le plus possible. Tout est réfléchi au niveau technique et économique. Dès qu’un investissement est envisagé, les éleveurs calculent l’impact qu’il aura. La grande force du Gaec est qu’il produit beaucoup de lait avec peu de charges de structure. Les éleveurs sont de bons techniciens, ont un bon troupeau et savent lui faire exprimer son potentiel avec un coût maîtrisé. Le coût des fourrages, de 333 €/ha SFP, est plus élevé que la moyenne du groupe, car la part de maïs est plus importante. Mais les quantités de concentré sont très raisonnables par rapport au groupe qui est plutôt intensif, grâce à la qualité des fourrages et au maïs épi. En quelques années, les éleveurs ont augmenté leur produit en gardant un niveau de charges équivalent. Le rapport EBE/produit est passé de 20 % en 2011 à 32 % en 2020. »

 

Les plus lus

Eleveur veau moins de quinze jours niche individuelle
Veaux laitiers : « Je ne connais ni les diarrhées ni les problèmes pulmonaires »

À la SCEA des vertes prairies, en Seine-Maritime, Nicolas Banville concentre ses efforts sur la préparation au vêlage et la…

Pièce de monnaie
Prix du lait : Sodiaal payera 485 €/1 000 l pour 2023 en conventionnel

En conférence de presse le 4 avril, Damien Lacombe, président de Sodiaal, a annoncé 14,4€/1000 litres de ristournes pour les…

Deux stalles de robot de traite GEA
Robot ou salle de traite, les indicateurs à calculer pour bien choisir

Les tensions sur la main-d’œuvre poussent de nombreux éleveurs à sauter le pas des robots de traite. Pourtant le retour sur…

veaux en igloo individuel
Les bons gestes pour des veaux laitiers en pleine forme dès la naissance

Il n’y a pas une seule et unique recette pour élever un veau. Ce qui est sûr, c’est que les premiers jours sont déterminants…

Éleveuse veaux pouponnière
« J’utilise zéro antibiotique pour élever mes veaux laitiers »

Dans les Côtes-d’Armor, le Gaec Restquelen enregistre 3,3 % de mortalité périnatale sur les quatorze derniers mois. Les…

Yohann Barbe, président de la FNPL élu le 8 avril 2024
Yohann Barbe, nouveau président de la FNPL : « Nous ne devons plus perdre ni litre de lait, ni actif pour le produire »

Yohann Barbe, éleveur dans les Vosges, a été élu président de la FNPL le 9 avril. Il livre sa feuille de route à Réussir Lait…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière