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Au Gaec de l’Érosion, en Haute-Loire
« Le maïs épi sécurise notre exploitation au potentiel limité »

Laurent et Gérard Mirmand achètent du maïs épi pour produire plus de lait que ne le permettrait leur système herbager. Un choix gagnant grâce à une bonne maîtrise technique et à des produits bien valorisés.

Deux passions. L’élevage et la génétique pour l’un. La mécanique et le matériel pour l’autre. Laurent et Gérard Mirmand sont éleveurs au Monastier-sur-Gazeille, en Haute-Loire. Cette complémentarité entre les deux frères ne suffirait pas à faire de cette exploitation laitière de 100 hectares et 45 vaches montbéliardes en production « un système robuste », comme le souligne Claude Roche, conseiller Inosys à la chambre d’agriculture. Ces éleveurds font preuve d’une bonne maîtrise technique et les produits sont bien valorisés. L’exploitation est située à 1 000 mètres d’altitude sur un plateau volcanique aux sols superficiels et caillouteux, peu propices aux cultures. Le parcellaire est groupé mais morcelé par des murettes en pierre. Moins de quinze hectares sont labourables, dont 7 à 8 hectares de céréales et 6,5 hectares de prairies temporaires (luzerne et ray-grass hybride - trèfle violet). Tout le reste est en prairie permanente. Les luzernes sont chaulées tous les ans (1,5 t/ha de carbonate).

Les éleveurs tirent parti de ce système herbager autant qu’ils le peuvent. Mais, avec son potentiel agronomique limité, il n’est pas taillé pour produire les 400 000 litres de lait (8 500 l/VL) qui sont livrés annuellement par le Gaec de l’Érosion. D’autant qu’une partie de la surface est utilisée par un petit cheptel allaitant de quatorze Charolaises, vestige d’une époque où le quota ne permettait pas de produire suffisamment de lait. Les deux frères se sont installés en 1996 avec une référence de 120 000 litres. Ce qui reste de ce troupeau valorise aujourd’hui les surfaces les plus accidentées. En outre, passion de la génétique oblige, toutes les génisses laitières sont élevées et une majorité sont mises à la reproduction.

Le maïs épi apporte l'énergie manquante

Depuis dix ans, les deux frères achètent du maïs épi, qui est distribué pendant toute l’année à raison de 4 kilos (brut) par vache et par jour. « Nous voulions augmenter la production et les taux, expliquent-ils. Il nous manque dix hectares de prairies de fauche et nous sommes sur un secteur séchant. Le maïs épi sécurise notre système par rapport aux aléas climatiques et permet de faire un bon mélange avec l’herbe. Nous achetons, mais nous achetons le meilleur du maïs. »

« Le potentiel agronomique est valorisé à son maximum. Aller chercher des surfaces supplémentaires augmenterait les charges de structures. Et le maïs épi ramène ce qui manque le plus dans la ration : l’énergie », approuve Claude Roche. Le maïs provient de la plaine du Forez, dans le département voisin de la Loire. Il est conditionné en balles enrubannées et coûte habituellement 130 euros par tonne, mais 154 euros cette année. Le Gaec en achète 70 tonnes par an. L’achat de maïs pèse bien sûr sur le coût alimentaire, d’autant que s’y ajoutent un mélange pulpes de betterave-maïs grain (22 t) et du foin (25 à 50 t/an). En 2017, ces achats de fourrages représentaient 19 000 euros (soit 190 €/UGB). Ils étaient aussi importants qu’en 2018 car l’automne 2017 avait été très sec sur le secteur. Le foin est acheté à la récolte (110 €/t en 2018).

Vente de jeunes vaches en lait

« Même s’ils dépensent un peu plus sur la partie alimentaire, les exploitants ont su transformer cette charge en lait, taux et coproduit viande », analyse le conseiller. Le lait est payé 40 à 45 €/1 000 l au-dessus du prix de base, grâce à des taux très élevés (41 g/l de TB, 36 g/l de TP), une qualité irréprochable et diverses primes de la laiterie (Danone). Le coproduit viande est excellent aussi (90 à 100 €/1 000 l). Toutes les vaches laitières de réforme sont engraissées. Une finition effectuée sur 60 jours environ avec du foin et de l’enrubannage à volonté, 4 kilos par jour de céréales et 4 kilos d’aliment broutard (24 % MAT). Le Gaec vend aussi, selon la demande, des génisses et surtout des jeunes vaches en lait. « En faisant vêler les génisses à 26 mois, ça va vite, disent-ils. Financièrement, c’est intéressant : on trait la vache pendant un mois, on la vend et on a en plus l’argent du veau. » Les veaux, dont 20 à 25 croisés, sont vendus sur le marché local du Monastier-sur-Gazeille, qui les valorise bien. Le Gaec tire aussi quelques bénéfices de la génétique, notamment un taureau diffusé à l’IA (2 200 € en 2017). Quant au cheptel charolais, tous les produits sont valorisés au mieux de leur potentiel : broutards lourds (420 kg), génisses de 30 mois et vaches de réforme grasses. Le troupeau allaitant est conduit en vêlages groupés pour faire un seul lot de broutards.

« Quelques signes acidogènes mais pas de dysfonctionnements »

Si les achats de fourrages sont importants, les consommations de concentré sont bien maîtrisées (210 g/l hors pulpe-maïs). En hiver, la ration des vaches en lactation comprend 10 kg (brut) d’enrubannage de prairies naturelles, 5 kg d’enrubannage de luzerne, 3 kg de foin de regain, 1 kg de foin de luzerne, 4 kg de maïs épi, 1 kg de céréale, 1 kg de pulpe-maïs et 1,5 kg de complémentaire azoté tanné. Les fourrages sont déroulés devant le cornadis et les concentrés distribués avec un godet. La ration est équilibrée pour 25 litres. Les vaches entre 25 et 30 litres sont complémentées avec 3 kilos maximum de mélange fermier céréale-tourteau (équivalent d’une VL18). Au-delà, elles reçoivent une VL20 du commerce (maxi 2,5 kg) et de la smartamine. Ces deux aliments sont individualisée au cornadis. Ni mélangeuse, ni DAC donc. « Nous nous interrogeons sur le fait de remplacer le complémentaire azoté par du soja et du colza, explique le conseiller. Il y a 2 000 euros à gagner. Mais, quand ça fonctionne bien, c’est difficile de changer. »

« Au départ, nous avons démarré le maïs épi à 6 kilos par jour, raconte Laurent Mirmand. C’était une erreur. Cela coûtait cher et nous avions des problèmes métaboliques en fin de lactation et des difficultés au vêlage. Avec des vêlages étalés, nous avons tous les stades de lactation. » « Chaque exploitation doit trouver le bon compromis technique et économique et savoir réajuster si besoin, recommande Claude Roche. Ici, 4 kilos, c’est le bon équilibre. On observe quelques signes acidogènes mais qui ne se traduisent pas par des dysfonctionnements alimentaires. » Les frais vétérinaires ne sont pas élevés (13 €/1 000 l) et les résultats de reproduction sont bons (70 % de taux de réussite en 1re IA sur les vaches, 372 jours d’IVV). Le fait aussi d’une bonne minéralisation (150 g/VL/jour de 8-18 + biotine toute l’année).

Les vaches pâturent jour et nuit

Au printemps, l’herbe pâturée assure l’essentiel de la ration (10 kg MS) mais les 4 kilos de maïs épi et les 3 kilos de foin sont maintenus. Les vaches pâturent jour et nuit du 15 mai au 15 septembre. Début avril, après une mise à l’herbe progressive, elles tournent sur 10 hectares (20 ares/VL) avant de passer sur les regains début juin. La distribution d’enrubannage reprend à la mi-juillet. « C’est le lait qui coûte le moins cher et nous n’en faisons pas moins », soulignent les deux frères. « L’herbe est vraiment valorisée », observe Claude Roche. Les vaches sont complémentées avec 1 kg de céréale (dans le godet de maïs) et 1 à 3 kg de mélange fermier (50 % céréale, 50 % pulpe-maïs, 25 % complémentaire azoté) à l’auge. La ration est distribuée après la traite avant que les vaches ne ressortent.

Outre l’alimentation, le Gaec achète aussi beaucoup de paille (75 t en plus des 30 t récoltées). Les vaches sont logées sur aire paillée avec couloir d’alimentation caillebotis. « C’est sans doute le dernier hiver que les vaches vont passer sur l’aire paillée », prévoient les deux frères. La flambée du prix de la paille cet automne a achevé de les convaincre de la transformer en logettes. La configuration du bâtiment permettra de le faire assez facilement. Et, comme pour tous les bâtiments qui ont précédé, il feront tout eux-mêmes. « Depuis que nous construisons des bâtiments et des maisons, nous n’avons jamais fait venir une cuve de béton, hormis pour les fosses, racontent les deux frères. Nous avons investi petit à petit sans trop nous en mettre sur les épaules. Avant l’aménagement de la stabulation des vaches en 2012, qui a d’abord servi pour les génisses, nous avons produit jusqu’à 250 000 litres de lait dans une étable entravée de 32 places. » Une maîtrise des charges de structure pour pouvoir mieux appuyer sur le champignon de la production laitière.

Les génisses vêlent à 26 mois « depuis longtemps »

« Pour qu'elles vêlent à 26 mois, il ne faut pas louper les génisses la première année », explique Laurent Mirmand. L’élevage des génisses est pour lui une « passion ». Les veaux femelles sont nourris au lait entier et au lait en poudre. Pendant un mois et demi, elles ont deux repas de lait. « Le premier mois, on les pousse pas mal, précise l’éleveur. Elles ont jusqu’à 8 litres de lait par jour. Au bout d’un mois et demi, on passe à un repas par jour. À 2,5 ou 3 mois, on ne donne  plus que 3 litres. » Elles ont alors du foin et un aliment fermier à volonté composé de 25 % de céréale, 25 % de mélange pulpe-maïs et 50 % d’aliment broutard (24 % MAT), soit l’équivalent d’un aliment à 20 % de MAT. Elles sont sevrées entre 3 et 3,5 mois, « à l’œil ». Tout au long de la première année, qu’elles soient au foin ou à la pâture, elles sont complémentées avec 1,5 kg d’aliment fermier composé de céréale (2/3) et de tourteau de colza et de soja (1/3). La deuxième année, elles sont complémentées en hiver seulement (1 kg). « Quand je ne suis pas sûr qu’elles soient prêtes pour l’IA, je les mesure au ruban. Il faut qu’elles fassent 173 cm. »

Semence sexée et croisement

Le Gaec de l’Érosion met à la reproduction une soixantaine de femelles, dont vingt génisses. Environ 60 % - principalement des primipares et quelques très bonnes vaches - sont inséminées avec de la semence sexée (Milton, Lelabel, Lonestar, Malavita, Marley). Quelques doses de taureaux non sexés mais jugés « intéressants » (Mauléon, Maximo, Helas) sont également utilisées. Les autres vaches (une vingtaine), y compris quelques génisses, sont inséminées avec des taureaux charolais (Hardi, Usufruit, Eperon). Depuis deux ans, toutes les génisses sont génotypées. « Cela permet de mieux trier, de mieux accoupler et ça évite de vendre les meilleures. Nous travaillons sur la morphologie, le lait et les caractères fonctionnels, en correctif ou en cumulatif », explique Laurent Mirmand. Un taureau issu de l’élevage - Gazeil - a été diffusé pendant deux ans par Umotest. Un deuxième est entré en station à l’automne dernier. L’élevage participe régulièrement aux concours de race et se retrouve souvent sur les podiums.

Chiffres clés
100 ha, dont 8 ha de céréales, 4,5 ha d’association à base de luzerne, 2 ha de ray-grass hybride - trèfle violet et 85 ha de prairies permanentes. L’utilisation de la SFP au printemps se répartit en trois parts égales : 32 ha de pâture, 29 ha d’enrubannage, 31 ha de foin 1re coupe.
48 Montbéliardes
386 854 l de référence (Danone)
2 UMO
1,1 UGB/ha SFP (chargement apparent)
Avis d’expert

Claude Roche, conseiller Inosys, chambre d’agriculture de Haute-Loire

« Une exploitation résiliente et robuste »

« Le potentiel agronomique de l’exploitation est contraint. Mais les éleveurs ont su faire d’une contrainte un atout, en valorisant au maximum l’herbe. Les charges alimentaires sont élevées, mais tant qu’elles sont valorisées par un bon produit, y compris sur l’atelier viande, ce n’est pas un souci. Il peuvent d’autant plus se le permettre que les charges de structure sont parfaitement maîtrisées (20 % du produit brut). Lorsqu’il y a une année difficile, il est plus facile d’ajuster les charges opérationnelles que les charges de structure. Cette exploitation se caractérise aussi par une trajectoire maîtrisée. Les investissements ont été réalisés progressivement. La structure est dimensionnée au collectif de main-d’œuvre et le niveau de rémunération est à la mesure des objectifs des agriculteurs. Ils privilégient la marge plus que le chiffre d’affaires. Ils sont motivés, ouverts, passionnés. La situation n’est pas tendue en termes de travail et de résultats. Ils peuvent se permettre de tester des choses sans mettre en difficulté les résultats. Nous avons affaire à une exploitation robuste et résiliente. »

La rentabilité du Gaec de l’Érosion 

Exercice du 01/01/2017 au 31/12/2017

Résultats technico-économiques

Lait produit : 410 446 litres

Lait vendu : 393 406 litres

Moyenne économique : 8 463/VL

Taux : TB :40,88 g/l - TP : 36,15 g/l

Taux cellulaire : 133 000 

Age 1er vêlage : 26 mois

Taux de renouvellement : 35 %

IVV : 372 j

Prix du lait :  370 € /1 000 l

Concentré : 2 011 kg/VL soit  238 g/l

Prix du concentré (dont 34 % prélevé) : 373 €/t

Coût des achats VL (fourrages + concentrés) : 92 €/1 000 l de lait vendu

Coût alimentaire VL :  131 €/1000 l de lait vendu (coût réel des fourrages)

Prix des réformes (9) : 1 037 €

Prix des reproductrices (7) : 1 136 €

Prix des veaux (33 dont 16 mâles et 9 femelles croisés) : 369 €

Le lait est payé 43 € au-dessus du prix de base, résultat de taux très élevés, d’une qualité toujours en super A et de primes spécifiques Danone (qualité, lait d’été).

Le coproduit viande est tout aussi bon : 94 €/1 000 l (référence départementale : 60 € en Montbéliarde).

Les aides (19 % du produit brut) comprennent principalement l’ICHN (23 800 €) et les aides découplées (21 900 €).

Les achats de fourrages (maïs épi, foin et mélange pulpe-maïs) représentent 42 €/1 000 litres et les achats totaux (avec concentrés et minéraux) 135 €/1 000 l (référence : 60 - 70 €). Les frais des surfaces fourragères sont très bas (19 €) et les frais d’élevage un peu élevés (55 €/45 € : référence) en lien avec le travail génétique.

Les charges de mécanisation avec amortissements (114 €) sont dans le haut de la fourchette départementale (90 à 110 €).

Malgré des frais d’alimentation importants, l’efficacité économique (43 % d’EBE/PB) reste excellente. Le revenu disponible est de 38 165 €/UMO. En 2016, en conjoncture difficile, l’efficacité était de 36 % pour un EBE de 87 264 € et un disponible de 23 690 €/UMO.

L’exploitation est peu endettée (34 % d’annuité/EBE), les emprunts portant surtout sur du matériel.

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