ÊTES-VOUS ROBOT COMPATIBLE ?
Le robot de traite est un investissement important, avec
de nombreux impacts : au niveau financier, sur le système de
production, la conduite du troupeau, l’organisation au quotidien…
Avant de se lancer, une réflexion approfondie s’impose.
Pour Vincent Jégou, conseiller développement en productions bovines à la Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor, « la première chose à faire lorsqu’on entame une réflexion sur l’acquisition éventuelle d’un robot de traite, c’est de bien définir ses attentes. » Dans la grande majorité des cas, la question du robot se pose pour répondre à un problème de main-d’oeuvre. Mais, en pratique, cette question peut renvoyer à différentes choses : s’agit-il d’un problème de charge globale de travail et, si oui, de quelle importance, ou plutôt d’un souhait de réduire l’astreinte, voire les deux ? Le problème se pose-t-il toute l’année ? À certaines périodes ? Le week-end?.… « Selon les réponses à ces questions, le robot peut être une solution plus ou moins bien adaptée. »
En supprimant l’astreinte de la traite, l’automate apporte une souplesse indéniable dans l’organisation du travail, mais il ne fait que la traite. Par contre, un salarié peut réaliser d’autres tâches mais au moins une partie de l’astreinte de traite, notamment les week-ends, reste à la charge de l’éleveur. « En fait, il semble qu’il y ait trois grands profils d’exploitations pour lesquelles le robot de traite parait constituer une opportunité réelle. Le premier concerne les structures multi-productions où l’automate est une solution pour maintenir les différents ateliers en allégeant l’astreinte, notamment le week-end, ce qui permet aux associés de se libérer un peu. Le second profil concerne des élevages laitiers spécialisés de dimension assez importante où le robot peut être une alternative à une salle de traite bien équipée avec un salarié. Enfin, le troisième grand type de structures où le robot semble répondre à une attente concerne les exploitations laitières spécialisées de plus petite dimension mais où l’éleveur est seul, avec une problématique qui porte alors clairement sur la réduction de l’astreinte."
Si le robot répond bien aux attentes de l’éleveur, le second point à vérifier concerne la capacité de l’exploitation à supporter l’investissement. Le coût d’une stalle de robot peut être estimé entre 120 et 150 000 €. « Mais il peut être supérieur s’il y a des modifications à réaliser au niveau des bâtiments, voire un bâtiment neuf. » Ces montants importants génèrent des annuités élevées. Dans le cas d’un investissement de 180 000 € financé par un prêt à 5 % sur dix ans, par exemple, les nouvelles annuités sont d’environ 23 000 €. Et il faut alors déterminer si ce remboursement est envisageable compte-tenu de la taille de l’exploitation, de son efficacité économique, des annuités déjà existantes et des investissements éventuels à réaliser dans les années à venir.
Est-ce que l’exploitation ne sera pas trop fragilisée et capable d’encaisser une éventuelle baisse du prix du lait ? « Une première approche approximative peut être réalisée par l’éleveur pour vérifier que l’acquisition du robot est possible. Elle sera ensuite complétée par une étude individuelle plus précise. » « Dans le contexte actuel où demeure un certain nombre d’incertitudes, notamment sur l’évolution des droits à produire, mieux vaut également s’assurer que la mise en place d’un robot ne bloque pas les possibilités d’évolution de l’exploitation », remarque Vincent Jégou.
Et pour le technicien, cela dépend essentiellement de la situation initiale de l’exploitation. Un éleveur qui installe un robot avec un quota de 600 000 litres peut difficilement envisager de produire plus, sauf à acquérir une deuxième stalle. Par contre, si le robot est installé avec un quota de 300 ou 400 000 litres, l’éleveur a une marge de manoeuvre réelle avec la possibilité de produire jusqu’à 550 0000 voire 600 000 litres. Sous réserve, bien sûr, que toutes les autres conditions nécessaires au niveau des moyens de production (places en bâtiments, surface fourragère) soit remplies ou que l’exploitation dispose de la capacité financière pour les acquérir.
AVEC LE ROBOT, UN TRAVAIL DIFFÉRENT
Pour éviter d’éventuelles déconvenues ou mauvaises surprises, il est également important d’envisager le plus précisément possible les conséquences du robot sur la conduite de l’élevage au quotidien. « Tous les éleveurs ont en tête que le robot libère de l’astreinte de traite, mais ils n’ont pas forcément conscience de la nécessité d’avoir en permanence sur l’élevage ou à proximité quelqu’un qui puisse intervenir en cas de problème. Cette problématique se pose surtout pour les éleveurs seuls sur leur exploitation et qui n’ont pas dans leur environnement proche de voisins possédant un robot avec qui ils pourraient s’entraider pour assurer cette veille. »
Le robot implique aussi une façon différente de travailler, moins physique, mais reposant davantage sur l’utilisation de l’informatique. Les logiciels utilisés sont devenus très conviviaux, mais il faut néanmoins que l’éleveur apprécie cette façon de travailler. De plus, le robot peut induire des évolutions du système fourrager et alimentaire, avec des conséquences parfois non négligeables sur le coût de production. « Cet impact n’est pas toujours facile à évaluer car il dépend de divers éléments, notamment la part de pâturage dans le système initial mais aussi la quantité de lait que l’éleveur veut produire avec son robot. Plus on est proche de la saturation de la capacité de traite de l’automate, plus le temps d’occupation de ce dernier doit être optimisé et moins le pâturage peut être important », souligne le conseiller. La taille du troupeau et la nature du parcellaire, tout particulièrement la surface accessible aux laitières dans un rayon maximal de 800 m, entrent également en ligne de compte. De même que les objectifs que se fixe l’éleveur pour la gestion de son robot de traite : est-il prêt à aller chercher certaines vaches en pâture, à accepter une baisse, même réduite, de la fréquentation du robot ?.…« Il est important d’essayer d’appréhender au mieux l’incidence sur le sytème fourrager pour éviter de subir des évolutions non souhaitées. » ■ Véronique Rychembusch
Quel volume de lait pour une stalle ?
C’est une question qui revient souvent. S’il s’agit de déterminer à partir de quel volume de production un robot peut être envisagé, c’est avant tout la capacité financière de l’entreprise qui intervient. Car l’automate, lui, fonctionne aussi bien avec 300 000 l à traire qu’avec 500 000 l. Par contre, pour ce qui est de la capacité maximale d’une stalle, il est plus difficile de donner une réponse précise valable dans toutes les situations. Même si des repères existent. Compte tenu des arrêts obligatoires lors des phases de nettoyage du matériel ou du passage du laitier, un robot peut effectuer entre 130 et 160 traites journalières, soit 50 vaches traites 2,5 à 3 fois chacune (et à un volume de lait maximal récolté d’environ 2 000 l/j). L’aménagement de l’étable et la circulation des vaches, le régime alimentaire et la part de pâturage, le niveau de production des animaux et, dans une moindre mesure, leur vitesse de traite peuvent moduler ces repères. C’est ce qui explique que dans certaines exploitations l’effectif maximum par stalle soit de 50 vaches alors dans d’autres il peut atteindre 70 voire 75 laitières, mais avec une conduite différente.
Y a-t-il un profil de vaches mieux adaptées au robot?
Il n’existe pas véritablement un profil-type de vaches adaptées au robot. Même s’il est évident qu’il vaut mieux des laitières aux mamelles bien conformées. Des défauts (trayons croisés, très courts, plancher de mamelle très haut ou, au contraire, pis décroché…) peuvent poser problème aux robots, de même que les animaux très nerveux. Mais la plupart des vaches s’adaptent sans gros problème. On observe souvent une augmentation du taux de réforme suite à l’introduction du robot, elle n’est que temporaire. Par contre, on constate une certaine évolution des critères de sélection, avec une prise en compte plus importante des index fonctionnels et une attention accrue à la qualité des membres. Ces derniers sont en effet plus sollicités dans ces systèmes souvent intensifs avec une durée de présence en bâtiment importante. La vitesse de traite peut également être prise en compte, notamment dans les situations en limite de capacité du robot. Il faut rester prudent sur ce critère, car il est corrélé négativement avec la résistance aux mammites.
Page 34 : Une circulation des vaches bien pensée pour un robot bien fréquenté
Page 36 : Un projet de robot mûrement réfléchi, chez Philippe Heurtel dans les Côtes d’Armor
Page 40 : Un prix à payer pour gagner en souplesse - Enquête dans 33 élevages
Page 42 : « Une porte intelligente pour orienter nos vaches », au Gaec de Kervos dans les Côtes d’Armor
Page 44 : Au Gaec Maupas dans l'Orne, les paddocks ont été créés autour du robot
Page 48 : Cinq constructeurs dans un marché en pleine effervescence