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Comment faire face à une trésorerie déficitaire ?

Les banques proposent différents leviers à actionner pour traverser cette période difficile. Plus on agit tôt, plus on a de chance de trouver des solutions d’accompagnement pertinentes.

© J.-C. Gutner

Sur le terrain, les lignes de trésorerie sont tendues. Les dettes fournisseurs s’accroissent et le malaise devient de plus en plus palpable dans les campagnes. Bon nombre d’éleveurs ont du mal à maintenir leur trésorerie à flot. La situation s’avère particulièrement difficile pour les jeunes installés et sur les exploitations qui ont investi récemment. De nombreux dossiers ont été constitués ces derniers mois pour prétendre aux différentes mesures annoncées dans le Plan de soutien du gouvernement. Les réunions se multiplient dans les cellules d’urgence, mais les effets concrets tardent à se faire sentir. Dans leur boîte à outils, les banques disposent de solutions à court et moyen terme pour gérer le trou ((le manque plutôt)) de trésorerie et répondre aux besoins des mois à venir. Mais certains regrettent qu’elles se montrent parfois trop frileuses et préfèrent gérer leurs risques. Faisons le point sur les solutions proposées.

Une ouverture de crédit bien dimensionnée

L’une des possibilités les plus souples et pratiques est le recours à l’ouverture du crédit. L’ouverture de crédit (OC) correspond à une autorisation de découvert, qui fait l’objet d’un contrat pluriannuel. « Il faut toujours préférer un découvert sur les comptes de l’exploitation que sur les comptes privés où les taux d’intérêt sont plus importants, rappelle Geneviève Lamour de la chambre d’agriculture du Morbihan. Et il est très important de bien connaître les conditions de son OC. » L’objectif d’une OC est d’absorber les conditions débitrices du compte. Les banques accordent en général une ouverture d’un montant équivalent à un dixième du chiffre d’affaires de l’activité laitière. « La première chose à faire est de vérifier que cette ligne de trésorerie est bien dimensionnée, car avec les évolutions de volumes, il est possible qu’elle n’ait pas toujours été réajustée », signale Jean-François Hervy du Crédit agricole du Morbihan. Les intérêts débiteurs sont calculés au jour le jour. Un dépassement de l’OC engendre des taux d’intérêt de 12-13 %, plus des frais supplémentaires en cas de rejet. D’où la nécessité d’échanger avec son conseiller pour optimiser ses lignes de trésorerie.

Les court terme financent un besoin ponctuel

Les emprunts court terme n’ont pas la même vocation que l’ouverture de crédit. Ils sont destinés à répondre à un besoin de trésorerie ponctuel, adossé à une recette certaine (DPU, TVA, subventions…). « Les court terme peuvent aussi financer les dépenses engagées pendant le cycle d’exploitation (achat d’engrais, semences, alimentation du bétail…), détaille Véronique Le Cras du Crédit agricole des Côtes-d’Armor. Le paiement des produits que vous vendez à l’issue du cycle permet en principe de rembourser ce prêt. » La durée d’un court terme n’excède généralement pas un an. Et les intérêts sont payés en fonction du montant débloqué. « En cas de crise conjoncturelle, il est exceptionnellement possible d’activer des emprunts de trésorerie sur cinq ans, signale Jérôme Guiard du Crédit agricole. À titre d’exemple, en 2015, un Flexiporc a été mis en place en Bretagne pour accompagner les éleveurs. Il s’agit d’un emprunt moyen terme sur cinq ans dont une année de différé à un taux de 2 %."

« Un emprunt court terme peut aider à passer une période délicate, à condition d’être vigilant sur son remboursement une fois la recette perçue sous peine de vous enfoncer dans des difficultés plus importantes, souligne Geneviève Lamour. Il est possible de demander à la banque d’indexer l’emprunt à l’Euribor (taux de prêt interbancaire) pour réduire le coût du crédit. » Pour le remboursement : deux solutions. Soit un remboursement in fine, correspondant au versement du capital et des intérêts en une seule fois à la fin de l’échéance. Soit un remboursement tous les mois d’une partie du capital emprunté (crédit amortissable). « Des frais de dossier sont exigés à chaque nouvelle souscription d’emprunt mais leur montant est négociable », mentionne Geneviève Lamour.

En cas de besoins de trésorerie récurrents, des lignes de billets peuvent aussi être proposées. Il s’agit en quelque sorte d’un mix entre une ouverture de crédit et un emprunt court terme. À révision périodique, une ligne de billets alloue une réserve disponible, à partir de laquelle il est possible de tirer des billets correspondant à des court terme d’un an maximum. Les intérêts sont payés en fonction du montant débloqué. Les frais de dossier ne sont débités qu’une seule fois.

Des reprises d’autofinancement sur moins d’un an

Si des investissements ont été autofinancés sur les douze derniers mois, les banques proposent de recourir à un emprunt à moyen ou long terme en post-financement, sur présentation de factures. Cela peut s’appliquer au croît interne du cheptel, au matériel, aux réparations diverses (bâtiment, matériel…), à une extension de la salle de traite, à de l’aménagement extérieur… Cette solution est envisageable dans les exploitations dont le niveau d’annuités reste contenu et où il ya une capacité à rembourser de nouveaux emprunts. Le prêt souscrit permet alors de récupérer des liquidités pour assainir la trésorerie.

Modulation et pause-crédit pour plus de souplesse

Il est bon de faire le point avec son banquier sur la possibilité de moduler le montant de certaines échéances et/ou d’en reporter une ou plusieurs en fin de tableau de remboursement.

La modulation est une option proposée gratuitement pour certains prêts (les prêts bonifiés sont exclus de ce dispositif), par certaines banques. « Dans la conjoncture actuelle, ce levier permet de réduire le montant des échéances dans une certaine mesure, en allongeant la durée de remboursement », présente Jean-François Hervy. Par exemple, au lieu de rembourser 10 000 euros d’annuité pour un emprunt donné, le remboursement pourra se limiter à 7 000 euros en 2016. Si ce levier permet de « soulager » la trésorerie, il augmente aussi inévitablement le coût final de l’emprunt en en rallongeant la durée. Dans la mesure où les possibilités de modification des échéances sont soumises à certaines limites, la modulation doit porter sur des annuités importantes pour qu’elle ait un réel impact sur la trésorerie.

« La modulation permet de ralentir les remboursements mais aussi de les accélérer si l’exploitant le souhaite. Dans ce cas, le coût du crédit se voit diminué. Vérifiez si cette option figure dans vos contrats de prêt. Si tel n’est pas le cas, un avenant payant peut la rendre possible. »

La pause-crédit est une autre option pouvant figurer dans le contrat de prêt. Elle consiste à suspendre momentanément le remboursement d’un prêt. Le crédit s’allongera alors d’autant que s’opère le report d’échéances ou s’amortira sur le nombre d’échéances restantes si l’éleveur veut maintenir la même durée de remboursement. Il est aussi possible de mixer ces deux solutions. Là encore, le coût final du prêt se voit augmenté.

"L’année blanche" fait partie des mesures d’urgence

L’année blanche figure parmi les mesures du Plan de soutien annoncé l’été dernier. Ce dispositif a pour objet de permettre aux éleveurs qui ont déposé un dossier avant le 31 janvier 2016, d’obtenir un nouveau fiancement bancaire permettant de reporter, en fin d’échéancier, tout ou partie des annuités d’un exercice, sous réserve d’éligibilité des prêts bancaires. Le surcoût équivaut alors à un an d’intérêts supplémentaires et d’assurance décès-invalidité. Dans le cadre du Plan de soutien, la prise en charge des intérêts générés par ce report sera supportée pour un tiers par l’exploitant, un tiers par la banque et l’autre tiers par le fonds d’allègement des charges.

Une restructuration bancaire en dernier ressort

Cette solution vise à reprendre tous les encours existants et opérer un rééchelonnement significatif, afin de baisser les échéances annuelles de remboursement en lissant sur une plus longue période. Ceci reste réservé aux cas les plus compliqués, notamment aux exploitations rencontrant des difficultés structurelles, dans le cadre de dispositifs particuliers (procédure Agridiff par exemple). Sa mise en œuvre se fait au cas par cas, en fonction de la situation de l’exploitation.

 

Ce qui peut soulager ponctuellement votre trésorerie…

- Négocier avec vos fournisseurs des délais et des étalements de règlements en établissant un échéancier de paiement.

- Des mesures fiscales de demandes de remises gracieuses ou d’étalement de l’impôt sont possibles quelle que soit la date. La MSA peut aussi être sollicitée pour des demandes d’exonération des cotisations sociales ou un plan d’étalement. Mieux vaut demander un rééchelonnement en amont que payer des majorations de retard. Et plus largement, opter pour le prélèvement mensuel peut se révéler judicieux.

- Pour le calcul des cotisations sociales 2016 (établi à partir des résultats de 2015), il reste possible d’opter de manière exceptionnelle pour l’assiette annuelle, si les résultats de 2015 sont inférieurs à 4247 euros qui représente 11 % du Pass 2016. La demande est à déposer avant le 30 septembre 2016.

- Opter pour un remboursement trimestriel de la TVA plutôt qu’annuel. Un formulaire spécifique est à remplir.

 

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