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Etude Inrae
Comment l'agroforesterie impacte les sols agricoles ?

Les systèmes agroforestiers, associant arbres et cultures sur une même parcelle, accueillant ou non des animaux d'élevage, constituent des dispositifs complexes susceptibles d’introduire de l’hétérogénéité dans le fonctionnement biologique et de la stabilité écologique des sols qui les portent. Des chercheurs Inrae en ont fait leur sujet d’étude.

étude
Les systèmes agroforestiers n'ont pas encore livré tous leurs secrets.
© Christian Dupraz/INRAE

A quelques kilomètres de Montpellier, au cœur du domaine expérimental de Restinclières, prospèrent plusieurs systèmes agroforestiers, dont des parcelles où des rangées de noyers alternent avec des allées de grandes cultures. Des scientifiques de l'Inrae et leurs collègues ont étudié la qualité chimique (teneur en carbone, azote et phosphore, capacité à échanger des cations, pH…), physique (texture, densité…) ou encore biologique (biomasse, activité et diversité microbienne) des sols de ces parcelles, le long d’un gradient de distances, perpendiculaire aux rangées d’arbres. Il en résulte que le fonctionnement du sol de ces parcelles est hétérogène dans l’espace. L’effet de la ligne arborée (arbres et cortège d’herbes spontanées ou semées) sur le fonctionnement microbiologique du sol est perceptible jusqu’au sein des allées cultivées : les indicateurs de qualité du sol sont significativement améliorés jusqu’à 2 m de la ligne arborée, quelle qu’en soit la composante prise en compte -  chimique, physique ou biologique, voire 4 m lorsque l’on considère la composante biologique.

A partir des différents paramètres de la qualité du sol, ils ont construit un indice intégrateur de la qualité des sols, note générale unique, robuste et propice à des échanges faciles avec les acteurs de terrains.  Ils ont établi que la qualité du sol d’un système agroforestier mature (plus de 20 ans d’âge), dans sa globalité, était supérieure de 20 % à celle d’un système conventionnel de grande culture.

Des caractéristiques que peuvent expliquer l’absence de labour des lignes arborées, la présence d’un couvert herbacé permanent ou encore l’apport au sol des litières des différentes composantes végétales issues de la ligne d’arbres. Ces litières enrichissent le sol en matière organique laquelle est à l’origine de la plus forte activité biologique du sol et notamment des activités enzymatiques impliquées dans les cycles du carbone, de l’azote et du phosphore.

Dans ces agroécosystèmes sous climat méditerranéen, les communautés microbiennes du sol endurent de longues périodes de sécheresse, généralement combinées à de fortes chaleurs et fréquemment entrecoupées par des phases de réhumectation rapide du fait d’épisodes orageux plus ou moins intenses.

En conditions de stress, le système agroforestier exprime aussi son hétérogénéité spatiale. La ligne arborée présente une biomasse microbienne et des activités de minéralisation du carbone et de l’azote supérieures aux autres points de la parcelle. Face au seul stress hydrique, la résistance (capacité à encaisser un choc) des microorganismes du sol et leur résilience (capacité à revenir à l’état de fonctionnement initial après un choc) sont similaires, quelle que soit la position spatiale dans la parcelle agroforestière ou par comparaison avec une parcelle témoin conduite en grande culture conventionnelle. Face aux stress hydrique et thermique combinés, les microorganismes du sol au milieu de l’interligne ou dans la parcelle témoin présentent une résistance plus importante car les variations de température et humidité ne sont pas atténuées par les arbres. Ils présentent cependant une résilience plus faible que sur et à proximité de la ligne arborée ce qui signifient qu’ils sont moins aptes à endurer des effets climatiques extrêmes sans modifier les fonctions du sol. Selon les  chercheurs, le rôle des différentes composantes végétales de ce système (arbres, cultures, végétation sous-arborée…) dans la création de tels gradients reste encore à approfondir.

De l’effet de la ligne sous-arborée sur les organismes et la fertilité du sol

Dans le Gers, une deuxième équipe s’est intéressée à l’impact de l’hétérogénéité de systèmes agroforestiers dans lesquels alternent lignes d’arbres et allées cultivées, sur la matière organique et sur des organismes (microorganismes et macrofaune) du sol, cherchant à distinguer l’effet des arbres de celui de la végétation herbacée sous-arborée présente sous la ligne d’arbres.

Le linéaire herbacé sous-arboré a un impact positif significatif sur la biomasse microbienne et la teneur en carbone et phosphore du sol qui sont là plus importantes que sous l’allée cultivée. Par contre, son effet sur la faune du sol n’est pas si net et varie selon les organismes. Habitat privilégié potentiellement puits ou source de macrofaune, apports en matière organique différents par rapport à l’allée cultivée, perturbations réduites, présence d’une végétation permanente… Sans qu’on sache pourquoi, les cloportes et vers de terre épigés préfèrent la bande de végétation sous-arborée alors que les vers de terre endogés, qui évoluent en profondeur, penchent plutôt pour la bande cultivée.
 

Hétérogénéité dans le temps

Hétérogènes dans l’espace, les systèmes agroforestiers le sont aussi dans le temps, comme le montrent les observations réalisées sur une parcelle conduite en agroforesterie maraîchère située dans le Gard. Si la bande de végétation sous-arborée constitue un refuge certain pour la macrofaune (vers de terre, coléoptères, mille-pattes et autres macro-invertébrés) au printemps ou en été, la distribution de cette dernière dans la parcelle est plus homogène en automne.

Pour les chercheurs Inrae, les systèmes agroforestiers sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. La connaissance de leur organisation, de leur fonctionnement et de leurs propriétés appelle d’autres travaux auxquelles ils se consacrent déjà.

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