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« L’agrivoltaïsme n’est pas un mal nécessaire, c’est une opportunité pour les agriculteurs », selon Antoine Nogier

Le président de l’association France Agrivoltaïsme se félicite de l’encadrement de l’agrivoltaïsme par la loi d’Accélération de la production d’énergies renouvelables, à l’initiative de quelques sénateurs.  

Antoine Nogier, président de France Agrivoltaïsme
Antoine Nogier, président de France Agrivoltaïsme
© France Agrivoltaïsme

[Mis à jour le 15 décembre à 10h44]

L’introduction d’une définition de l’agrivoltaïsme, telle qu’adoptée en commission par l’Assemblée nationale dans le projet de loi d’Accélération de la production d’énergies renouvelables (AER), à l’article 11 decies vous convient-elle ?

Antoine Nogier : Il y a eu des tentatives de détricotage, la définition telle qu’adoptée par le Sénat nous convenait très bien, avec l’idée de services directs apportés par les panneaux photovoltaïques à l’agriculture et le fait que l’activité agricole reste principale sur la parcelle. Il s’agit d’une définition très proche de celle de l’Ademe. Pour rappel le texte actuellement à l’Assemblée nationale vient d’abord d’une proposition de loi portée par quelques sénateurs et adoptée à la quasi-unanimité après des travaux préparatoires importants. C’est le fruit d’une riche réflexion.
 

Va-t-elle suffire à rassurer les Jeunes agriculteurs inquiets d’une anthropisation des sols ?

La définition de l’agrivoltaïsme pose aussi le principe de réversibilité. L’agrivoltaïsme doit apporter un service direct à l’agriculture : amélioration du potentiel et impact agronomique, adaptation au changement climatique, protection contre les aléas ou amélioration du bien-être animal. On pose le principe que les cultures doivent rester prépondérantes dessous, c’est de nature à rassurer. Ce texte convient à la plupart des organisations syndicales agricoles.


Est-ce que le débat passionné autour de l’agrivoltaïsme vous a étonné, avec notamment des réactions très virulentes de la Confédération paysanne ?

Je ne suis pas étonné, c’est un sujet sensible. Il ne faut pas que cela devienne une boîte de Pandore. Il faut des projets qui ont du sens et ne pas juste donner de l’argent aux agriculteurs pour qu’ils donnent de la place au photovoltaïque. C’est une crainte légitime car il y a déjà un phénomène de spéculation sur les prix des terres. La préoccupation est d’autant plus légitime à l’heure où la France doit récupérer sa souveraineté alimentaire.

Il y a déjà un phénomène de spéculation sur les prix des terres

Ceux qui critiquent ont raison d’être vigilants car ça peut vite devenir n’importe quoi. A France Agrivoltaïsme nous pensons que l’agrivoltaïsme n’est pas un mal nécessaire c’est une opportunité. Nous pensons que l’agrivoltaïsme quand il est bien fait peut devenir une opportunité pour les exploitants agricoles qui rencontrent des difficultés vis-à-vis du changement climatique par exemple. Certes à première vue, le solaire et l’agriculture sont en concurrence avec le même soleil, c’est une réaction de bon sens. Mais on s’aperçoit que quand c’est bien fait il peut y avoir un intérêt à protéger des systèmes agricoles, animaux ou végétaux, de l’excès du soleil, à l’instar de l’agroforesterie.


Un amendement gouvernemental vise à supprimer l’introduction de l’agrivoltaïsme dans les objectifs de la politique énergétique de la France, une déception pour vous ?

Ce n’est pas tellement important, car le gouvernement raisonne par grandes filières, il n’y a pas de feuille de route sur l’agrivoltaïsme.


Que représente l’agrivoltaïsme en France aujourd’hui ? Est-ce facile d’en faire un bilan ?

Non c’est assez compliqué de faire un état des lieux, sachant que les projets agrivoltaïques peuvent provenir de trois voies. Si le mot agrivoltaïsme est apparu il y a déjà 12 ans, la première fois que l’administration l’a employé c’était dans le premier appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire en 2018. Des appels d’offres renouvelés chaque année sauf en 2022. Quelques dizaines de projets sont sortis de ces appels d’offres, certains sont terminés d’autres en cours de construction. Sur ces projets il devait y avoir une zone témoin, nous avons donc des données objectivables.

On a sans doute moins de 100 projets agrivoltaïques en France

D’autres projets se sont revendiqués a posteriori agrivoltaïques, par exemple des serres photovoltaïques, certaines ayant bien fonctionné d’autres non. Il n’y a pas d’inventaire spécifique. Puis quelques projets se sont développés au sol et là c’est difficile de savoir lesquels relèvent de l’agrivoltaïsme. Pour ces deux dernières voies, pas de données de comparaison. Pour résumer, on a sous doute moins de 100 projets agrivoltaïques en France.

Par ailleurs, l’Afnor a sorti l’an dernier un label sur la culture, pour des projets de classe A, qui permet de labelliser des projets à différentes étapes (conception, mise en œuvre, exploitation). Une extension doit sortir dans les semaines ou mois qui viennent sur l’élevage. Ce qui couvrira l’ensemble des secteurs de l’agrivoltaïsme. Cela permettra d’avoir des outils pour évaluer si les projets sont agrivoltaïques. C’est une bonne chose.


Selon vous que va changer l’inscription dans la loi de l’agrivoltaïsme en France dans son évolution ?

Cela va rediriger beaucoup de projets en agrivoltaïsme. Cela va permettre de clarifier ce que l’Etat souhaite faire dans les territoires. Cela va aussi permettre de développer des outils pour qualifier des projets, les évaluer. Tant qu’il n’y avait pas de règles cela pouvait ressembler au Far west. Aujourd’hui on voit de l’engouement dans les territoires et certains agriculteurs s’interrogent sur ce qu’ils doivent faire. Et puis cela donne le signal au monde agricole que l’on ne veut pas remplacer l’agriculture par l’agrivoltaïsme, c’est très important.

Tant qu'il n'y avait pas de règles cela pouvait ressembler au Far west

Aujourd’hui beaucoup de projets se développent sur de grands espaces de pâturages, des projets qui n’iront pas tous à leur terme. A France Agrivoltaïsmenous sommes vigilants. Emmanuel Macron a fixé l’objectif du solaire à 100 Gigawatts (GW) d’ici à 2050. On peut les faire avec 100 projets d’1 GW, ce qui correspond à 1000 à 2000 hectares ou avec 100 000 projets d’1 Megawatt (MW). Je pense qu’il faut plus se diriger vers de nombreux projets de taille petite pour qu’un maximum d’agriculteurs puissent en bénéficier. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de gros projets, mais il y a un équilibre à trouver.


Où en est la France sur le dossier par rapport à d’autres pays ?

Nous avons été parmi les premiers à conceptualiser l’agrivoltaïsme et les questions soulevées derrière. Nous avons été l’un des premiers pays européens à mettre en place des appels d’offre sur le solaire innovant. En Italie ça bouge beaucoup en ce moment. L’Allemagne a des objectifs très ambitieux dans le solaire. En dehors de l’Europe, Israël et plusieurs états des Etats-Unis s’y mettent. Et tous se posent la question de l’espace agricole dès que l’agrivoltaïsme se massifie. A France Agrivoltaïsme nous avons une commission internationale pour établir des ponts avec d’autres associations dans ces pays.

Pour nous l'agrivoltaïsme est une vraie filière

Pour nous, l’agrivoltaïsme est une vraie filière avec ses chercheurs, ses techniciens, ses agronomes, ses enseignants. Les publications scientifiques explosent, de nouvelles technologies émergent. Cela concerne l’ensemble de la chaîne de valeur agricole c’est assez passionnant !

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