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« Je produis 9 000 l de lait par hectare de SFP avec 600 chèvres en bio »

Produire fourrages et concentrés pour 600 chèvres en bio avec un coût alimentaire réduit, c’est l’objectif que s’est fixé Laurent Ruau, éleveur dans le Maine-et-Loire.

À quelques encablures de la Loire et au milieu des maraîchers, Laurent Ruau est installé depuis 2006 sur la commune de Blou, dans le Maine-et-Loire. L’éleveur angevin a repris l’exploitation de ses parents qui avaient créé le troupeau caprin en 1979. Avec 600 chèvres et 115 hectares de terres, certifié bio depuis 2020, l’éleveur essaie de tirer le meilleur parti possible de ses surfaces pour alimenter les animaux. « Je suis passé en bio parce que j’en avais assez de remplir le registre phytosanitaire, je n’étais pas très loin du cahier des charges, et le prix du lait est attractif (1067 €/1 000 L en moyenne 2021) », témoigne-t-il.

« Mon objectif est d’avoir des chèvres avec une bonne longévité, qui vieillissent bien grâce, notamment, aux conditions d’élevage, expose Laurent Ruau. En plus d’avoir des animaux en bonne santé, cela permet de limiter l’élevage de chevrettes pour le renouvellement. Lorsque je me suis installé, nous avons investi dans un nouveau bâtiment, conçu très simplement, lumineux, en ventilation naturelle. J’ai fait le choix du couloir central qui s’adapte à tout type de distribution de fourrage. Les chèvres s’y sentent bien, je n’ai pas de problème sanitaire et ne cherche pas à les pousser en production : la moyenne troupeau est à 800 kg par chèvre. »

Enrichir les terres sableuses

Aujourd’hui, les performances techniques du troupeau sont bonnes et stables. Laurent travaille à l’amélioration de l’autonomie et la réduction du coût alimentaire. S’il a suffisamment de surfaces, il doit faire avec des sols très variables, allant de l’argilo-calcaire au sable. Grâce à un puits privé, l’éleveur a la possibilité d’irriguer une partie des surfaces pour sécuriser sa production. « Mais je l’utilise assez peu, sur cinq à huit hectares en moyenne », précise-t-il. Dans certaines parcelles, on a l’impression de saisir du sable de plage entre ses mains ! Les refus sont mélangés au fumier et épandus sur les terres sableuses pour les enrichir en matière organique et améliorer la rétention de l’eau.

La ration des chèvres au pic, pour 3,7 kg de lait produit, est composée de 600 g de maïs grain, 600 g de chèvre laitière et en hiver enrubannage et foin de luzerne à volonté. Dès qu’il est possible d’aller dans les parcelles, les chèvres sont affouragées en vert. En fin de lactation, Laurent diminue les concentrés à 200 g de maïs et 200 g de chèvre laitière, en fonction de l’état et de la production. « Fourrages et concentrés sont distribués deux fois par jour, soient quatre passages en tout. Je veux que les chèvres aient du temps pour se reposer, ruminer ».

L’assolement des 115 hectares est de 55 ha de prairies temporaires, mélange luzerne-trèfle, 10 ha de maïs grain, 20 ha de blé, 20 ha de tournesol, et 8,5 ha en contrat de co-production avec un maraîcher voisin pour de la patate douce.

Orge et triticale plutôt que blé

Le maïs distribué aux chèvres est indirectement produit sur l’exploitation car aujourd’hui, Laurent ne peut pas les sécher, donc il vend en humide et rachète grain sec pour ration. Il a un projet d’investissement pour pallier cette difficulté. Le séchage à façon n’étant pas autorisé en agriculture biologique. Pour être autonome en 2023, Laurent souhaite aussi remplacer une partie du blé par de l’orge et du triticale autoconsommés. « Cela va diminuer les revenus du blé, mais je serai plus autonome. Si cela va dans le sens du cahier des charges bio, c’est aussi important de réduire sa dépendance aux achats lorsque c’est possible ».

Avoir des chèvres qui vieillissent bien pour limiter les problèmes de santé et le renouvellement

Le rendement des prairies est de 10 tonnes de matière sèche à l’hectare en moyenne. « J’ai fait le choix d’un mélange luzerne-trèfle pour mes prairies. J’avais beaucoup de refus avec de la luzerne pure, les chèvres consommaient les feuilles et laissaient les tiges. Avec le mélange trèfle-luzerne, elles ne laissent rien. Et le trèfle pousse même l’hiver, il permet de garder les parcelles propres en attendant la repousse de luzerne. Le rendement à l’hectare est un peu inférieur, mais avec moins de refus, je m’y retrouve. Je fais peu de graminées à cause des sécheresses estivales. Seule la luzerne passe l’été ici, même les trèfles font grise mine. » Les fourrages conservés sont analysés et pour le fourrage en vert, Laurent utilise la valeur moyenne au premier bourgeon.

« J’ai aussi fait des essais luzerne-fléole des prés. Mais avec une ration à fort dosage de légumineuse, on apporte plus de MAT que d’énergie. Donc il faut compenser avec le maïs grain. Avec un peu moins de luzerne dans mélange, on doit pouvoir baisser le maïs et la chèvre laitière », avance-t-il. « J’ai aussi certaines années pu cultiver des dérobées, comme du colza fourrager. Mais il faut pouvoir dégager du temps pour semer… »

Sept tonnes fauchées quotidiennement

Laurent Ruau a fait le choix d’investir dans le matériel pour être autonome et récolter les fourrages au meilleur stade. La remorque autochargeuse avec faucheuse frontale et pesée permet de limiter les pertes de feuilles et de valeur alimentaire. « Avec l’affouragement en vert, j’apporte le meilleur des prairies à mes chèvres. Elles en reçoivent 10 à 12 kg par jour, soit 7 tonnes récoltées quotidiennement. Et je n’ai pas de soucis de parasitisme. Certains hésitent parce que cela impacte le temps de travail. Mais si je calcule, je passe moins de temps à affourager en vert que pour du foin ou de l’enrubannage, si on compte l’ensemble du temps de travail. »

Laurent vise un coût alimentaire moyen annuel inférieur à 15 centimes par litre de lait produit. Si le coût de la ration est proche de 20 centimes par litre en hiver, il descend entre 11 et 13 centimes par litre au moment du pic de lactation grâce à l’affouragement en vert.

Objectiver les performances des animaux

La reproduction se fait en saillies naturelles autour du 15 septembre, pour faire correspondre pic de lactation et pic de pousse de l’herbe. Cela permet aussi d’avoir une température extérieure moins basse à la mise bas et d’avoir des chevreaux en meilleure forme. Chaque année, une quarantaine de chèvres non pleine sont maintenues en lactations longues.

Les chèvres sont traites avec un roto de 40 places. Laurent adhère à Seenovia, l’entreprise de conseil en élevage des Pays de la Loire, depuis deux ans. « C’est important d’avoir des données objectives sur les performances des animaux, notamment pour le choix des chevrettes de renouvellement, souligne-t-il. Très souvent on a de fausses idées. L’échange avec le conseiller permet d’ajuster régulièrement la ration, d’avoir un œil extérieur au fonctionnement de l’élevage. »

L’éleveur investit régulièrement pour améliorer le confort de travail et celui de ses animaux. Ainsi, il a doublé le nombre d’abreuvoirs en 2021, avec un pour 25 chèvres. L’eau est réchauffée, et un récupérateur de chaleur viendra bientôt se substituer à l’électricité. Depuis que Laurent a installé un brumisateur il y a deux ans suite à des plaintes de voisins, il n’a plus aucune mouche et plus de baisse de lait en été. « Le système est simple, ce sont des rampes qui courent sur toute la longueur du bâtiment, de chaque côté, avec des buses à intervalles réguliers. La brumisation se déclenche à partir de 26 °C à l’intérieur. »

La charge de travail est le point faible de l’exploitation. « L’objectif est d’avoir deux salariés à temps plein. Aujourd’hui, je n’ai qu’une seule personne. C’est difficile de trouver des salariés, et surtout des salariés motivés et sur lesquels on peut s’appuyer ».

 
 

Chiffres clés

600 chèvres
115 ha de SAU
1067 €/1 000 l : prix moyen du lait 2021
Certifié bio depuis 2020

150 000 euros pour un bâtiment chevrettes

Le nouveau bâtiment chevrette a été construit en 2012, un investissement de 150 000 euros. « Avant j’élevais les chevrettes sous un tunnel, la différence de croissance est flagrante et je n’ai plus de soucis respiratoires comme cela pouvait être le cas, avance Laurent Ruau. C’est indispensable pour qu’elles puissent exprimer tout leur potentiel une fois adultes ». Et depuis peu, l’éleveur a remplacé la paille associée à un asséchant par des granulés de paille et en est très satisfait. Toutes les chevrettes sont conservées, soit pour le renouvellement, soit vendues (200 à 300 par an).

Virginie Tardif, conseillère caprins à Seenovia

De très bons résultats techniques et économiques

« Laurent Ruau avait déjà de bons résultats techniques et économiques avant de convertir son exploitation en bio, avec un objectif de maîtrise des coûts alimentaires et de la marge brute à la chèvre et aux 1 000 litres. Il a très bien préparé la transition : ses résultats techniques ne se sont pas dégradés et en parallèle une amélioration du produit lui permettent de dégager un résultat très positif. L’exploitation a une bonne productivité laitière à l’hectare, entre 8 500 et 9 000 litres de lait produits par hectare de SFP grâce notamment à des rendements en luzerne intéressants. Cette très bonne base de luzerne est un de ses points forts. Son coût alimentaire global (aliments achetés, approvisionnement des surfaces, mécanisation et fermage) est à 476 euros pour 1 000 litres, très bien positionné par rapport à d’autres élevages laitiers bio. Un point d’amélioration pourrait être l’apport d’un fourrage en dérobé ou en interculture plus précoce que la luzerne afin de valoriser plus tôt l’affouragement en vert dans la ration. » 

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