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Jaunisse sur betterave : « Il faut être très vigilant avec les pucerons, car cela va très vite ! »

Depuis l'interdiction des néonicotinoïdes, la lutte chimique contre les pucerons verts repose sur deux produits, le Teppeki et le Movento, qui a obtenu une dérogation pour la deuxième année consécutive. L'enjeu est la lutte contre la jaunisse, maladie très pénalisante pour la betterave.

La jaunisse a été contenue l'an passé, mais l'ITB appelle à maintenir la vigilance en raison des impacts potentiels de la maladie. © ITB
La jaunisse a été contenue l'an passé, mais l'ITB appelle à maintenir la vigilance en raison des impacts potentiels de la maladie.
© ITB

An deux pour l’après-néonicotinoïdes en betteraves. L’année dernière, la pression de la jaunisse est restée relativement discrète sur la majeure partie du territoire, mais ce n’est pas une raison pour baisser la garde. Cette maladie, provoquée par un virus, peut être présente dans les différentes zones de production, avec les régions côtières en première ligne, et l’hiver doux que nous avons connu augmente le risque de pullulations de pucerons.

« Lutter contre la jaunisse, c’est avant tout lutter contre les pucerons », rappelle Henry de Balathier, responsable régional de l’Institut technique de la betterave (ITB) Île-de-France. Et, plus précisément, il s’agit de contrôler les pucerons verts, vecteurs du virus. La stratégie pour se prémunir de ces indésirables a été totalement remise à plat avec l’interdiction des néonicotinoïdes. Ces produits apportaient une protection efficace contre les pucerons pour une durée de trois mois. Dorénavant, en cas d’attaque, il faut s’en remettre aux traitements en végétation, avec un arsenal limité.

Le Teppeki et le Movento, seuls insecticides autorisés

Concernant les pucerons verts, c’est le Teppeki, à base de flonicamide, qui constitue l’arme de pointe. Le Movento (spirotétramat), lui aussi efficace, a obtenu le renouvellement de la dérogation sur betterave qui lui avait été accordée l’an dernier. « Les synthèses de cinq essais confirment l’efficacité de Teppeki et de Movento », souligne Cedric Royer, spécialiste de la protection des plantes à l’ITB. Le Teppeki à pleine dose (0,14 kg/ha, pour un coût d’environ 20 €/ha) associé à une huile homologuée affiche une efficacité de 90 %, et de 70 % en ce qui concerne Movento à 0,45 l/ha utilisé en conditions poussantes (autour de 45 €/ha). En revanche, pas de soutien à attendre de la part des produits à base de pyréthrinoïdes, tels que les Karaté K et Mavrik Jet, confrontés à la résistance de pucerons. Pire : non seulement le Karate K n’est pas efficace sur ces derniers, mais il détruit les auxiliaires (larves de coccinelle et de chrysope notamment) utiles pour contenir les ravageurs.

Traiter lorsqu’un aptère vert est présent pour dix plantes

Le traitement est recommandé lorsqu’une betterave sur dix présente au moins un puceron vert aptère. La théorie est simple, la mise en application un peu plus compliquée, car les pucerons sont difficiles à repérer, et la loupe est de rigueur ! Il est donc important de suivre l’évolution des populations de pucerons verts grâce au réseau de surveillance national mis en place par la filière. Une carte interactive mise en ligne par l’ITB permet d’être informé du dépassement du seuil d’intervention. Une fois le seuil de risque atteint, il est indispensable d’aller vérifier si un traitement est nécessaire dans ses parcelles. L’an passé, le premier traitement a eu lieu toute fin avril en Normandie, et aux alentours du 10 mai en Ile-de-France. Cette année, au 21 avril, le seuil d'intervention était dépassé dans un grand nombre de sites dans toutes les zones de production françaises.

« Ça va être la galère jusqu’à l’arrivée des variétés de betteraves résistantes ! »

Prudence, car la situation peut varier nettement au sein d’une zone restreinte. Emmanuel Sagot, exploitant à Villeconnin, dans l’Essonne, et prestataire en ETA, l’a constaté. « L’an dernier, j’ai semé 150 hectares de betteraves sur quatre sites distants au maximum de 40 kilomètres, explique l’agriculteur. J’ai positionné un Teppeki le 13 mai au stade 6 feuilles. Sur l’un des sites, il y avait des pastilles de jaunisse et pas sur les autres, malgré une conduite identique. » Pour Emmanuel Sagot, la situation est délicate : « nous n’avons pas de solution agronomique face aux pucerons, et la fin des néonicotinoïdes impose des traitements difficiles à positionner et générant un surcoût. Ça va être la galère jusqu’à l’arrivée des variétés de betteraves résistantes ! »

Limiter l’apparition des résistances

Le Teppeki est la pierre angulaire de la stratégie de traitement. Celui-ci est autorisé à partir de 6 feuilles vraies des betteraves. « Le Teppeki n’est autorisé que pour une seule application, même modulé, rappelle Henry de Balathier. Il est donc recommandé de l’utiliser à pleine dose pour bénéficier de toute son efficacité et de sa durée d’action de 14 jours minimum. La modulation de la dose réduirait également sa rémanence. » Une dose réduite pourrait en outre favoriser l’apparition de résistances. « Nous avons une molécule qui marche et il faut la préserver », met en garde Cédric Royer. Le Teppeki n’ayant droit qu’à une seule cartouche, il est important de le positionner au mieux. Le Movento permet de positionner une deuxième intervention si cela s’avère nécessaire, voire un traitement avant le stade 6 feuilles, en cas d’attaque précoce. « La dérogation du Movento est valide à partir du stade 2 feuilles, mais il est plus performant avec des températures douces et des conditions poussantes, ce qui n’est pas toujours le cas à un stade aussi précoce », prévient le spécialiste de l’ITB. Pour les interventions concernant les autres insectes, il faudra agir avec discernement : tout usage de pyréthrinoïdes a un effet délétère sur les auxiliaires, alliés précieux dans la lutte contre les pucerons.

Attention au charançon !

 

 
Le charançon est reconnaissable grâce à ses bandes blanches sur chaque flanc. © ITB

 

C’est une menace grandissante pour les betteraves tricolores. Le charançon (Lixus juncii) progresse vers le Nord du pays. Après avoir colonisé la Limagne, ce ravageur, reconnaissable aux bandes blanches sur les flancs, a atteint l’Yonne et le Loiret en 2019. Il apparaît en mai, quand les températures remontent, et pond ses œufs dans le pétiole de la plante. Les larves descendent ensuite jusqu’au collet en créant des galeries qui peuvent coûter 5 à 7 % de rendement. Plus grave, c’est une porte d’entrée pour le rhizopus, ce qui peut diviser le rendement par deux. L’insecte est difficile à capturer car se laisse tomber au sol, sur lequel il est peu visible. En complément de la lutte agronomique (broyage régulier des bords de champ en cas de présence), seul le produit Karaté Zeon est recommandé, d’abord uniquement en bord de champ. L’objectif est d’éviter toute ponte.

Avis d’agriculteur : Alexandre Pelé, à Congerville dans l’Essonne

« Il faut être très vigilant, car cela va très vite ! »

« L’an dernier, on a vu des ronds de jaunisse dans la région, mais sans trop d’impact. Il faut maintenir la vigilance, car le jour où la maladie sera vraiment là, ça fera mal ! Chez moi, j’ai fait un passage unique à base de Teppeki à pleine dose. Je suis l’évolution des populations de pucerons grâce au réseau national, puis je surveille mes parcelles lorsque des vols sont annoncés. Au champ, ce n’est pas simple, car les pucerons verts sont de la couleur des feuilles. Il faut bien observer sous les feuilles et dans le cœur de la betterave. L’avantage, c’est que cela survient au moment du désherbage, à l’époque où l’on est dans les champs pour surveiller les levées d’adventices. Il faut en profiter pour jeter un œil sur les betteraves. Il faut être très vigilant, car cela va très vite. Vous pouvez avoir très peu de pucerons un jour, et deux jours après c’en est plein ! La question est également de savoir quoi faire si l’on a de nombreux pucerons noirs entre 4 et 6 feuilles. Les pucerons noirs ne transmettent pas la jaunisse, mais cela peut conduire à des plantes atrophiées. Si l’on utilise un Karate K, cela détruit les auxiliaires. Pour les autres insectes, je décide d’intervenir selon le niveau d’infestation et l’état de la culture. Le problème, c’est que l’on travaille avec les mêmes pyréthrinoïdes de synthèse depuis quinze ans, avec des résistances qui se développent. Lorsque l’on voit ce qui se passe sur colza, c’est inquiétant ! »

Betteraves : 45 ha, blé dur : 65 ha, orge de printemps : 30 ha, blé améliorant : 45 ha, pois semences : 19 ha, colza : 36 ha.

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