« J’ai inventé une balance d’autopesée pour mes chevrettes »

Pour suivre la croissance des chevrettes, il est préconisé de les peser toutes les semaines. L’enjeu est de taille car en les sevrant jeunes on peut espérer économiser des sacs de poudre de lait. Mais peser les chevrettes de remplacement toutes les semaines est une vraie astreinte. « Ça va quand on a trente ans mais quand on en a cinquante-cinq comme moi, qu’on a 140 chevrettes à peser et que les enfants ne sont plus là pour nous aider, c’est autre chose », relate Laurent Poulet, éleveur ardéchois et inventeur du système d’autopesée des chevrettes.

L’idée de la balance automatique lui est venue en observant les chevrettes qui montent facilement sur les bidons pour jouer. « Il suffirait de mettre une balance sous le bidon », se dit l’éleveur de 180 chèvres qui veut utiliser la curiosité des chevrettes pour qu’elles se pèsent toutes seules. Mais la concrétisation est plus complexe à mettre en œuvre. Très bricoleur, il réalise plusieurs prototypes avant d’arriver à un appareil fonctionnel. « J’ai fait des prototypes en bois. Je regardais comment les chevrettes montaient, comment elles sortaient. Et quand j’ai trouvé un système qui n’était pas trop mal, je les soudais avec de la ferraille. »

En partenariat avec le conseil élevage

L’éleveur s’est notamment creusé la tête pour que les chevrettes aient envie de monter mais pas forcément envie d’y rester trop longtemps. Deux planches en V empêchent qu’elles se couchent sur l’appareil. Même en grossissant, elles vont pouvoir continuer à monter sur la balance jusqu’à l’âge de quatre mois pratiquement. Avec l’âge, les chevrettes ont aussi tendance à moins grimper sur les points hauts.

Laurent Poulet a pris quelques cours d’électronique et de programmation mais la partie de lecture de boucle et de gestion des données est trop ardue pour continuer seul. Administrateur d’Adice, le conseil élevage de l’Ardèche, de la Drôme et de l’Isère, l’éleveur se met en relation avec l’une de leur entreprise partenaire Okteo. Leurs informaticiens se prennent au jeu et ils équipent le prototype de l’électronique de pesée et créent une interface de gestion des données.

Encore en développement

L’appareil d’autopesée doit en effet peser et identifier les chevreaux mais un algorithme est aussi nécessaire pour supprimer toutes les données aberrantes. Par exemple quand le chevreau n’a pas toutes ses pattes sur le plateau ou quand un autre chevreau est aussi sur la plateforme. Pour l’instant, la balance s’active cinq secondes après avoir bipé la boucle électronique mais cela pourrait évoluer à l’avenir.

L’interface sur téléphone ou tablette indique le poids moyen et le gain moyen quotidien (GMQ) du lot ou de chaque chevrette. « Je peux aussi trier mes animaux par poids, ce qui simplifie la création de lots », apprécie l’éleveur.

Laurent Poulet et son partenaire Adice s’attellent maintenant à une troisième version avec un nouvel algorithme « et je pense qu’il n’y aura plus grand-chose à toucher après ». Dans la prochaine version, les données seront récupérées par Wi-Fi ou grâce à une carte SIM et stockées sur un serveur externe. Des brevets ont été déposés par Adice et la possibilité de commercialiser l’appareil est en cours d’étude. Laurent, lui, s’est mis en mode start-up et il accompagne le développement de son bébé. Il va par exemple tester cet automne si une balance est suffisante pour un lot de 100 chevrettes. « Par la suite, le projet pourrait être adapté aux adultes et même étendu au suivi de croissance des veaux », rêve l’éleveur ardéchois.

Des économies à la clef en allotant mieux

À l’avenir, le logiciel pourrait envoyer des alertes s’il repère des chevrettes qui ne grossissent plus, qui maigrissent ou qui ne montent plus sur la balance. Les chevrettes seraient aussi signalées quand le poids de sevrage est atteint. « Si on fixe le poids de référence à 16 kilos, l’écran nous listerait les chevrettes à changer de lot. Pour ma part, je les sèvre à 14 kilos. C’est tôt mais les croissances sont correctes et je ne passe que 13 kilos de poudre de lait par chevrette alors que la moyenne est presque à 20 kilos. Si on arrive à gagner 5 kilos de poudre par chevrette, cela fait entre 10 et 15 euros d’économisés, soit 1 000 à 1 500 euros pour cent chevrettes. », calcule Laurent Poulet.