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« J'ai choisi de passer en bio pour répondre aux difficultés techniques sur poire »

Au fil des ans et de son expérience, Fabien Bono, arboriculteur en Provence, a appris à mieux maîtriser les équilibres de son verger. Mais il est conscient qu’il lui faudra continuer à s’adapter.

Fabien Bono a été l'un des premiers arboriculteurs de sa région à utiliser du kaolin dans ses vergers.
© E. Delarue

Fabien Bono, arboriculteur aux Paluds-de-Noves, près de Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), produit des pommes et des poires en agriculture biologique. Cette année, les volumes ont été un peu plus faibles que d’habitude, « peut-être un contrecoup de la sécheresse de cet hiver », présume-t-il. Mais la qualité a été au rendez-vous, meilleure que l’an passé, année marquée par la canicule qui avait pénalisé le potentiel qualitatif des fruits. L’arboriculteur est issu d’une famille d’agriculteurs venue s’installer sur ces terres fertiles, à une époque où la culture de la garance était encore, dans la région, plus importante que le maraîchage. C’est à partir des années 1950 et 1960 que l’arboriculture s’y est véritablement développée, avec la production de la poire notamment.

Troisième génération d’arboriculteurs sur le hameau, Fabien Bono a repris l’exploitation de son père en 1992. Pendant vingt ans, il a produit des pommes et des poires en conventionnel, avant de décider de se tourner vers la production bio en 2010. En passant en bio, il s’est débarrassé de certaines variétés, pas adaptées à ce mode de production ou obsolètes. Les surfaces ont ainsi été réduites, passant de 24 à 15 hectares. Aujourd’hui, Fabien Bono produit essentiellement des pommes et poires d’été qu’il vend à des producteurs-expéditeurs.

Une production raisonnée dès les années 1990

Les variétés de poires produites sur l’exploitation sont Guyot, William’s et William’s Rouge. En pomme, ce sont Valstar, Gala, Reine des Reinettes, Reinette grise, Story® et Juliet®. La récolte débute fin juillet et se termine début novembre, et mobilise jusqu’à dix personnes. Pourquoi le producteur a-t-il fait le choix du bio ? « Pas pour des motifs économiques, mais pour des raisons de santé, et parce que le conventionnel ne parvenait plus à répondre aux difficultés techniques, sur poire notamment », explique-t-il. Un paradoxe ! Pas pour celui qui, en mettant en place de nouvelles pratiques, a pu commencer à lutter efficacement contre un ravageur en particulier. Durant les années 1990, il est déjà engagé dans la production raisonnée et la production fruitière intégrée. Des concepts qui le conduisent à continuer d’intégrer des méthodes alternatives, comme la confusion sexuelle et le piégeage, pour faire face aux bioagresseurs.

Le verger de poirier est composé des variétés Guyot, William's et William's Rouge.

« Je me suis rendu compte, après des années de pratiques conventionnelles, que toute la faune auxiliaire qui faisait la richesse de l’écosystème des vergers disparaissait. Un phénomène qui s’est avéré particulièrement préjudiciable à la lutte contre le psylle du poirier. » Ainsi, dans la région, il est l’un des premiers à utiliser du kaolin sur les arbres. Les pulvérisations d’argile se sont, depuis, substituées aux traitements chimiques pour repousser les attaques sur les vergers en hiver.

Un engagement marqué dans la filière

Le clin d’œil de l’histoire est qu’il se retrouve aujourd’hui avec des pratiques qu’il observait chez ses parents il y a quarante ans. « Mon père ne désherbait pas le pied des arbres, mais faisait du chaussage-déchaussage. Ce que j’ai réappris à faire en me rééquipant pour travailler le sol après des années de désherbage chimique », rapporte-t-il. Malgré la tension sur les marchés et les difficultés d’écoulement de la production qu’il ressent ces dernières années, il est aujourd’hui pleinement satisfait de son processus de conversion. Sans être pessimiste sur l’évolution du marché du bio, il regrette seulement, qu’au fil des ans, les standards de la mise en marché des fruits bio aient évolué, et que la cosmétique du produit conditionne de plus en plus la rémunération.

Au début des années 2000, l’arboriculteur s’est pleinement investi dans différentes structures régionales, qui ont contribué à apporter de vrais progrès pour les exploitations dans les domaines techniques et économiques. Il a notamment été président du GRCeta Le Mistral, qui n’existe plus aujourd’hui, et a participé au développement de démarches qualité et à la valorisation commerciale des efforts de la production fruitière. Il ne regrette pas « cette expérience de vie et cet engagement dans la filière », mais il est très heureux aujourd’hui de « se consacrer à un verger à dimension familiale ». Pour la suite, Fabien n’exclut pas de diversifier ses productions, mais n’a pour l’heure arrêté aucun choix.

« Le conventionnel ne parvenait plus à répondre aux difficultés techniques sur poire »

 

Parcours

1992 Reprise de l’exploitation familiale de pommes et poires

années 2000 président du GRCeta Le Mistral

2010 Conversion en bio et abandon de certaines variétés

2023 15 ha de vergers

Gérer la pression de bioagresseurs

 

 
Les pommiers sont protégés par des filets Alt'carpo.
Les pommiers sont protégés par des filets Alt'carpo. © E. Delarue

La pression des bioagresseurs autour de la production des fruits bio reste forte, et certaines impasses subsistent comme pour l’agrile du poirier, l’hoplocampe ou encore le carpocapse, toujours plus actif. Les pommiers sont protégés des dégâts de carpocapse par des filets Alt’carpo. « De toute façon, le changement climatique continuera à poser de nouvelles problématiques, analyse Fabien Bono. On les voit déjà apparaître, malgré les équilibres que l’on peut recréer avec la combinaison de leviers pour contrôler les vergers. Quand j’ai commencé le métier, on n’observait qu’une génération de carpocapse. Aujourd’hui, on en est à quatre ! Il faudra continuer de s’adapter », témoigne-t-il.

Retrouver une agriculture plus durable

La suppression progressive des produits de synthèse a permis à Fabien Bono de retrouver une agriculture plus durable. « Je me suis aussi rendu compte qu’à une solution technique près, j’étais déjà quasiment en bio. » L’arboriculteur reconnaît alors être arrivé au bout de la chimie. Avec désormais trente ans d’expérience, l’arboriculteur défend une approche de l’agriculture respectueuse de la terre et de l’environnement. Assez éloignée de celle qu’il a découverte en apprenant le métier en lycée agricole dans les années 1980, formaté aux méthodes culturales conventionnelles. S’il admet ne pas être un « ayatollah du bio », il a décidé – en toute conscience – de changer de paradigme. Petit à petit, il a continué à « désapprendre et accepter un certain niveau de pression des ravageurs dans les vergers, ou encore de l’herbe entre les rangs », pour convertir son exploitation en bio à 100 %. « Le tout est de parvenir à un équilibre qui favorise d’un côté un bon écosystème pour une régulation des ravageurs, et le maintien d’un potentiel de production de l’autre », résume Fabien Bono.

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