« J’ai atteint mon objectif de 200 litres par brebis manech tête noire »
Grâce à une maîtrise de la fertilité de son troupeau de manech tête noire, le Gaec Bagaya s’approche des coûts de production de l’interprofession lait de brebis de son département.
« J’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé à mon installation : de 200 litres par brebis et je n’irai pas au-delà », déclare fermement Bettan Aguer, 34 ans, associé depuis 2016 du Gaec Bagaya, à Camou-Cihigue, dans les Pyrénées-Atlantiques. Il élève avec sa mère, Monique Aguer, des manech tête noire, race rustique, réputées peu productives.
Réussir l’insémination animale
Il trait environ 205 sur ses 250 brebis adultes de mi-novembre au 10 mai. En effet, il a constaté qu’en les tarissant deux semaines avant l’insémination animale (IA), il avait doublé sa fertilité sur IA, qui est en moyenne triennale de 61 %. Chaque année, il met à l’IA environ 180 brebis, l’équivalent de 70 % de son troupeau, dont toutes ses brebis de renouvellement. Les antenaises y passent en premier, le 15 mai et les autres quelques jours plus tard.
Afin de mettre toutes les chances de son côté, il traite avec un antiparasitaire avant le passage de l’inséminateur et à la descente d’estive.
« Il y a deux saisons : la lactation qui ne devrait pas durer plus de six mois, et la gestation, au cours de laquelle la brebis se reconstitue, à condition d’être bien nourrie », affirme-t-il, convaincu que pousser les brebis plus longtemps n’augmentera pas leur productivité et le revenu de leur éleveur.
S’adapter à la ressource fourragère
Au menu, sur le tapis d’alimentation, 600 grammes par jour d’un aliment acheté auprès de sa coopérative Mendikoa (Ardi tradi), 700 grammes de luzerne plus 700 grammes de regain (doublé en cas de pluie les empêchant de sortir). À la salle de traite, la ration journalière est complétée par 200 grammes d’Ardi mais pas personnalisée. À partir du quatrième mois de lactation, vers le 15 mars, le concentré baisse de 200 grammes tous les mois.
En dehors de la lactation, la manech tête noire s’adapte parfaitement à la moyenne montagne. « Toutes les brebis peuvent brouter les pelouses d’altitude, mais elles ne sont pas toutes capables de crapahuter en moyenne montagne, dans les pentes et landes fermées, comme savent le faire les têtes noires », constate l’éleveur.
Il en est convaincu, une bonne gestion de la ressource fourragère confère un bon état à la brebis, gage de réussite de l’agnelage et de la lactation. Toutes ses parcelles sont au moins fauchées et pacagées deux fois, ce qui y réduit la pression parasitaire, dont il ne souffre pas par rapport à d’autres éleveurs du secteur.
Complémentarité ovin-bovin
« De plus, les vaches peuvent être envoyées sur des parcelles plus éloignées du siège d’exploitation, contrairement aux brebis, qui demeurent à proximité de la salle de traite », rappelle Bettan qui met en valeur 12 hectares dans le village voisin d’Ossas-Suhare, à 5 kilomètres. C’est pourquoi, à partir de fin février les 25 bovins sortent de l’étable pour pâturer ces parcelles éloignées, inaccessibles aux brebis. Ce passage avant épiaison permet à Bettan d’y faire des foins moins grossiers, sans avoir à gyrobroyer.
Diversifier le revenu et les risques sanitaires
L’étable ancienne, où les vaches sont entravées à l’attache ne lui permet pas de garder les mères plus de 10 ans. Leurs veaux partent en broutard et les velles sont vendues pour la reproduction. Il n’engraisse que deux veaux par an pour la coopérative locale Axuria.
« Au départ, le maintien des vaches visait à diversifier notre revenu. Mais vu la conjoncture sanitaire, je me dis de plus en plus qu’elles permettront aussi de partager le risque sanitaire, je n’envisage absolument pas de les éliminer », conclut-il. D’autant plus, que ses vaches, après insémination artificielle, vêlent quasiment seules, dehors d’août à octobre. En dehors du correcteur azoté des veaux engraissés et d’épis de maïs broyés, les charges alimentaires sont minimes pour cet atelier.
Mieux valoriser son lait dans le projet Buru Beltza
Le lait de la race manech tête noire, « Buru Beltza » en basque, a de bonnes propriétés fromageables. La laiterie de Bettan Aguer ne collecte pas séparément les fermes qui pourraient fournir du lait de haute qualité, destiné à des fromages au lait cru. Cependant, facilitatrice, elle accepte qu’il livre ailleurs pour cette valorisation.
En tant que fervent défenseur de cette race, Bettan est administrateur de l’association Buru Beltza. Cette dernière s’est lancée il y a trois ans dans une démarche particulière : la marque Buru Beltza. Elle vise à revaloriser les produits de la filière en complétant le cahier des charges de l’AOP Ossau-Iraty.
Des manech tête noire en système transhumant
De février à avril, 1 200 litres de lait environ sont collectés après analyses, une fois par mois, chez une dizaine d’éleveurs pour être transformés en prestation de service par la coopérative Azkorria et la Fromagerie de Saint Michel. Ils sont affinés à la fromagerie Balaka, durant 6 à 10 mois, puis vendus principalement à des professionnels (crémeries, épiceries fines, restauration) entre 19 et 26 euros le kilo.
L’adhésion du Gaec Bagaya à cette démarche a permis de 2023 à 2025, une majoration de 0,50 euro le litre par rapport au prix AOP payé par la fromagerie sur 2 600 litres. En 2024, 600 kilos de fromage ont été vendus sous cette marque collective.
Chiffres clés
320 ovins manechs tête noire
205 brebis en lactation/an
25 vaches Blondes d’Aquitaine
2 UTH
70 ha de prairies admissibles à la PAC
25 DPB estive rapatriés
35 ha fauchables