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Intelligence artificielle dans les fermes françaises : quelles sont les solutions pour optimiser la gestion de l’exploitation ?

En France, différentes entreprises proposent des solutions pour optimiser la gestion des exploitations agricoles à l’aide de l’intelligence artificielle. Administratif, traçabilité :  comment l’IA aide-t-elle à la gestion de l’exploitation ?

Deux agriculteurs devant une parcelle, l'un utilisant son téléphone pour la gestion de son exploitation.
Sur l’administratif et la traçabilité agricole, des solutions d’IA sont développées, testées chez des agriculteurs, et certaines sont même déjà commercialisées.
© H. Challier

 

Comment l’intelligence artificielle rentre-t-elle dans la cour des fermes françaises ? En France, différentes entreprises mobilisent cette technologie avec l’objectif d’optimiser la gestion de l’exploitation. Sur l’administratif et la traçabilité agricole, des solutions d’IA sont développées, testées chez des agriculteurs, et certaines sont même déjà commercialisées. Pour y voir plus clair, nous avons rencontré différents acteurs, afin de comprendre comment et à quelle échéance l’IA peut devenir vraiment utile aux agriculteurs.

Revoir : L’IA au service des agriculteurs : où en est-on en 2025 ?

La traçabilité agricole facilitée par l’IA

Comment l’IA aide à la récupération des données du terrain ? 

La société Aptimiz propose depuis 2017 une solution permettant l’automatisation de la traçabilité agricole, à l’aide de capteurs installés sur les outils. L’IA aide à analyser l’intervention réalisée et à créer automatiquement la tâche correspondante dans l’application, sans saisie de l’agriculteur. « En fonction de l'outil et en fonction de la période de l'année, de la culture sur laquelle un tracteur intervient, l’algorithme est capable de détecter très précisément quel est le type de tâche » nous explique Armand Sachot, co-fondateur et directeur d’Aptimiz. « Ces algorithmes d'IA ont été entraînés en intégrant beaucoup de règles métiers pour être capables de détecter toutes les conditions de travail et apporter vraiment de la fiabilité sur la donnée enregistrée », soutient-il. Les capteurs permettent également de calculer le temps passé sur une intervention, afin d’aider à optimiser le temps de travail. 

Deux photos de la solution proposée par l'entreprise Aptimiz, à gauche un capteur installé dans une machine, et à droite un smartphone scannant un bidon de produit phytosanitaire.

Aussi, l’application Aptimiz intègre une fonctionnalité de scan de bidons de produits phytosanitaires. L’IA aide à la reconnaissance par image de ces produits et de leurs matière active. « Derrière, dans les parcelles dans lesquelles on va appliquer les produits, l’application vient automatiquement créer les activités avec le traitement, le produit, la matière active. Et donc, on va vraiment automatiser l'aspect traçabilité réglementaire » détaille Armand Sachot. 

Une fois ces données récoltées, elles peuvent être renvoyées automatiquement dans d’autres logiciels, que ce soit de paye, de facturation, mais aussi sur la traçabilité réglementaire. Par exemple, Aptimiz a développé des API (interface de programmation d'application) avec les applications Geofolia de la société Isagri et avec le logiciel Smag, permettant l’échange de données entre les logiciels. « C’est un point important pour nous, ce côté centralisation, pour justement faciliter l'interconnexion des logiciels et donc limiter les saisies administratives » affirme Armand Sachot. 

Lire aussi : Comment Aptimiz aide à optimiser le temps de travail en agriculture 

Un agent conversationnel dédié à la traçabilité agricole

Présente sur le marché depuis 25 ans, l’entreprise Smag travaille sur un agent conversationnel pour venir en complément de son logiciel de gestion agricole Smag Farmer. Intitulé SmagBot, cet assistant vocal a pour objectif de faciliter la traçabilité agricole en ciblant les tâches administratives les plus chronophages. « SmagBot se concentre pour l’instant sur la traçabilité des pratiques culturales, un sujet complexe mais essentiel pour nos utilisateurs » nous explique Aurélien Bourgeois, chef de produit chez Smag. « Plusieurs dizaines d’agriculteurs ont déjà testé SmagBot sur la fin de la campagne de récolte 2025, et une nouvelle phase va débuter à l’automne sur les interventions de mise en culture des cultures d’hiver », détaille-t-il. Les échanges avec l’assistant se font en langage « naturel », « comme une conversation téléphonique ». Et les données resteront dans le cercle privé de l’utilisateur. L’IA sert à la reconnaissance vocale, et à récupérer auprès de l’agriculteur toutes les informations réglementaires nécessaires à une intervention. « Chez Smag, nous avançons avec pragmatisme et ambition. Le premier cas d’usage retenu par nos utilisateurs est celui de la traçabilité vocale, et nous construisons SmagBot avec eux, étape par étape », justifie Aurélien Bourgeois. Le déploiement de SmagBot est prévu « pour l’année prochaine », précise-t-il, avec l’ambition de devenir « un compagnon vocal incontournable du quotidien agricole ». 

Captures d'écran de l'interface de l'assistant vocal sur l'application de Smag.

Relire : Smag : Une application pour les objets connectés

L’intelligence artificielle pour le conseil agronomique

L’IA est aussi utilisée par certaines entreprises compléter un conseil agronomique. C’est le cas de la société Isagri, avec son application Geofolia qui a intégré cette technologie dans différentes solutions de gestion parcellaires. 

D’une part, l’outil Spotifarm créé en 2019 permet un suivi des parcelles par imagerie satellite, afin d’apporter un conseil sur l’apport d’azote. « L'IA va regarder l'imagerie satellite des dernières semaines sur la parcelle, […] et elle va indiquer automatiquement les doses d’azote à répartir sur les zones de la parcelle », nous explique Cécilia Goret, responsable Marketing chez Isagri. Aussi, en cas de difficultés d’obtention d’une image de la parcelle à cause de la présence de nuages, l’IA analyse les zones voisines afin d’assurer l’obtention des données. « Cela nous permet d’assurer la promesse d’une image satellite par semaine », affirme Cécilia Goret. 

Des propositions d’assolements faites par IA

D’autre part, Isagri prévoit de lancer d’ici fin 2025 un système de création d’assolement piloté par IA. « En fait, l'IA va regarder la rotation des années passées, les habitudes de nos utilisateurs, et proposer un assolement pour l’année à suivre », détaille Cécilia Goret. Cette option sera intégrée dans l’application Geofolia, sans coûts supplémentaires pour ses utilisateurs. 

Téléphone avec l'application Geofolia de l'entreprise Isagri.

La comptabilité agricole facilitée par IA

L’entreprise Isagri a aussi développé en 2023 la solution Amicompta destinée à faciliter la comptabilité agricole. « Toute la facture est scannée et l’IA génère automatiquement une écriture dans la comptabilité », explique Cécilia Goret, « ce qui enlève cette lourdeur administrative et dégage du temps à consacrer à l'analyse ». Désormais, l’entreprise travaille sur un agent conversationnel dédié à la comptabilité, nommé SAMI, qui peut rechercher et mettre en forme des informations en fonction de la requête de l’utilisateur. 

Ordinateur avec l'application Amicompta de la société Isagri.

Lire aussi : « L’IA ouvre des perspectives pour la météo et la modélisation des maladies »

Des agents IA pour faciliter « toutes les tâches » de l’exploitation ?

« Un logiciel unique qui permet à l’agriculteur de prendre le pouvoir sur son exploitation », c’est la promesse que souhaite tenir la start-up TerraGrow, lancée en 2024. À la différence ces logiciels existant, la jeune structure mise tout sur l’IA : « Nous, l'IA générative, c'est le centre énergétique de la solution », nous affirme Charles Terrey, co-fondateur et directeur de TerraGrow, mais aussi agriculteur. Avec sa solution, la jeune structure propose une « plateforme tout-en-un » pour la gestion parcellaire, financière et administrative d’une exploitation agricole. Pour cela, TerraGrow mise aussi sur un agent conversationnel, avec lequel l’agriculteur peut échanger à l’oral ou à l’écrit en langage « naturel ». « Derrière, il y a une cinquantaine d'agents IA qui viennent interpréter ce que dit l'agriculteur, et activer la base de données », explique Charles Terrey. « On a des agents qui vont travailler sur l'administratif, sur les marchés, sur la gestion interne, etc. » détaille-t-il. Cette base de données sera alimentée par la data issue des machines agricoles, et contiendra une « ontologie métier ». « Toutes les données sont interconnectées, ce qui fait qu'elles se parlent presque entre elles […] la donnée s'unifie au service de l'agriculteur », affirme Charles Terrey. TerraGrow a officiellement commercialisé sa solution début septembre, et de nouvelles offres sont à prévoir, avec l’ambition de « révolutionner la gestion de l’agriculture ».

Téléphones avec l'application et l'agent conversationnel de la start-up TerraGrow.

Lire aussi : La Ferme Digitale présente GAIA au Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle

Des assistants pour les bons de livraison, les annonces d’emploi et le suivi quotidien des tours de plaine et de l’état de santé des animaux

La ferme expérimentale Hectar, lancée en 2021, développe aussi des chatbots IA pour gérer la traçabilité du quotidien. « Nous avons eu des échanges avec plus d’une centaine d’agriculteurs pour identifier ce besoin », nous explique Audrey Bourolleau, cofondatrice d’Hectar. La ferme pilote a depuis développé trois assistants, chacun dédié à une tâche précise. Un premier assistant s’occupe des bons de livraison, via une reconnaissance d’images. « Vous prenez une photo et toutes les informations peuvent être renvoyées à des logiciels de comptabilité, de suivi parcellaire, etc. », illustre Audrey Bourolleau. Un deuxième assistant récolte les données des tours de plaine et sur l’état de santé du troupeau au quotidien, via des commandes vocales. « Chez Hectar, nous voulons revenir à l’oralité du métier d’agriculteur, et éviter ainsi les ressaisies », soutient la cofondatrice de la ferme pilote. Un dernier assistant aide l’agriculteur à rédiger des annonces d’emploi, avec l’objectif d’améliorer l’attractivité d’un poste. « On a réussi à avoir des agents qui comprennent un contexte agricole […], à force on crée comme un dictionnaire, un thésaurus de mots techniques ou spécifiques au monde agricole », se félicite la cofondatrice d’Hectar. À la différence des autres entreprises, Hectar ne commercialise pas ses solutions. « On se considère nous-mêmes comme un agriculteur qui développe et utilise ses propres outils d'IA », affirme Audrey Bourolleau. La ferme expérimentale propose toutefois des « journées d’immersion » en groupe, souvent financées par une coopérative ou un industriel, afin de sensibiliser des agriculteurs à ces technologies. « À Hectar, on estime que l'IA est tout à fait prête pour les agriculteurs, et qu’il faut désormais voir si les agriculteurs sont prêts pour l'IA », soutient Audrey Bourolleau. Un cas concret d’usage des agents sur la ferme pilote est prévu dès ce mois de septembre 2025. 

Lire aussi : Intelligence artificielle : Hectar planche sur un chatbot agricole

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