Prix du blé : quelles tendances pour les prochains mois ?
Les silos sont pleins, mais avec un prix en dessous des 200 euros la tonne, vendre son blé aujourd’hui n’est pas rémunérateur. Quand sera-t-il demain ? Les disponibilités mondiales abondantes pèsent sur les prix, et laissent peu de place pour l’instant, à une potentielle remontée des cours en 2025-2026, selon Argus Media France.
Les silos sont pleins, mais avec un prix en dessous des 200 euros la tonne, vendre son blé aujourd’hui n’est pas rémunérateur. Quand sera-t-il demain ? Les disponibilités mondiales abondantes pèsent sur les prix, et laissent peu de place pour l’instant, à une potentielle remontée des cours en 2025-2026, selon Argus Media France.

Si la campagne 2025 marque un retour à la normale en termes de volume de production, les producteurs de blé tendre français restent inquiets. Avec des cours qui restent en dessous des 200 euros la tonne (€/t), la vente de la récolte 2025 démarre dans des conditions compliquées. L’heure est donc plutôt à la rétention chez de nombreux producteurs, surtout si les trésoreries sont suffisantes pour commencer à investir dans la nouvelle campagne.
Un prix du blé non rémunérateur pour les producteurs
« L’apparent retour à la normale après une année 2024 catastrophique en France ne dissipe pas les inquiétudes des producteurs, dans un marché déprimé marqué par des soucis de rémunération » énonce Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France, lors d’une conférence de presse le 28 août 2025. Les coûts de production du blé tendre restent élevés partout dans le monde, et notamment en France où il est estimé à 200 €/t en 2025, en constante augmentation depuis 2020 (153 €/t en 2019 avec un pic à 248 €/t en 2024). « Avec un prix du blé à 193,50 €/t base juillet rendu Rouen, il manque 30 €/t pour couvrir la totalité des charges », estime Alexandre Willekens, analyste sénior, puisque cela fait un prix payé producteur aux alentours des 170 €/t.
Les cours mondiaux se sont effondrés, occasionnant des problèmes de rentabilité pour les producteurs des pays exportateurs. Juillet et août ont été marqués par une rétention des ventes de la part des producteurs, que ce soit en Europe ou sur la zone mer Noire. Sur ces deux zones, les prix du blé ont d’ores et déjà entamé leur chute. « Nous constatons une tendance baissière à court terme sur les prix du blé chez les grands exportateurs » explique Maxence Devillers, analyste sénior.
Des prix plombés par des stocks de blés élevés partout dans le monde
Pourquoi un prix du blé inférieur à 200 €/t ? La première raison évoquée est la hausse de la parité euro/dollar qui est passée de 1,04 en janvier 2025 à 1,16 aujourd’hui. La compétitivité du blé français s’érode face aux origines Mer noire. Ensuite, c’est une pression concurrentielle accrue sur le marché mondial, avec des récoltes 2025 confortables chez les grands pays exportateurs. La production au sein de l’Union européenne (UE) est sur de bons niveaux, supérieure à 150 millions de tonnes (Mt), avec des stocks quasi historiques à 19 Mt. C’est aussi le cas en Russie où la production est estimée à 86 Mt, tout comme en Ukraine (22 Mt) malgré une météo défavorable. Et les informations qui remontent de l’hémisphère sud, annoncent des disponibilités importantes, notamment en Australie et Argentine, même si les récoltes restent à faire.
Il y a donc des records de disponibilités chez les grands pays exportateurs, supérieurs à 450 Mt pour la première fois de l’histoire, les stocks sont hauts (69 Mt) et la demande mondiale (autour de 210 Mt), ne reprend que timidement. « Seuls un sursaut de la demande, une rétention prolongée, des mouvements sur les devises, un changement géopolitique majeur ou une météo 2026 défavorables pourraient raviver la volatilité des prix », estime Gautier Le Molgat.
Des exportations françaises timides comparées aux disponibilités
Avec une production 2025 estimée à 33,4 Mt, la France a produit 30 % de blé tendre en plus qu’en 2024, tout en restant inférieure de 4,5 % à la moyenne quinquennale (35 Mt). La raison en est un bon rendement moyen, estimé par Argus Média à 7,4 t/ha, à comparer aux 7,2 t/ha de la moyenne française 2017-2023, même si la campagne 2025 acte la troisième plus faible sole depuis plus de 20 ans à 4,49 millions d’hectares (Mha).
Dans un contexte de demande domestique et européenne stable, la hausse de la production française, qui répond en 2025 aux critères de qualité requis pour les marchés d’exportation, implique une nécessité d’exporter massivement vers les pays tiers. Avec une prévision d’exportation intra-communautaire à 6,8 Mt, pour équilibrer le bilan il faudrait vendre 9,5 Mt hors UE, explique Maxence Devillers. Or, Argus Média ne prévoit que 8 Mt d’exportations, un objectif déjà ambitieux, qui laisserait un stock final de 4 Mt, un niveau inédit depuis 20 ans en France.
En cause, la perte de deux débouchés majeurs, l’Algérie pour des questions diplomatiques, mais aussi la Chine, nouvel acheteur de blé français depuis 2019-2020, qui revoit aujourd’hui fortement à la baisse ses importations. « L’Algérie et la Chine représentaient 50 % des exportations vers les pays tiers. Pour 2025-2026, on ne pourra plus compter sur ces deux pays. Nous tablons sur un petit export vers la Chine de 0,5 Mt, mais avec de grosses incertitudes » explique Maxence Devillers. Argus Media prévoit néanmoins 900 000 t sur l’Égypte (sur laquelle la France a été compétitive en début de campagne), les expéditions vers le Maroc devraient rester soutenues à 2,5 Mt, et 2,4 Mt de blé tendre devraient être expédiées vers l’Afrique subsaharienne. Les analystes parlent également de nouveaux débouchés en Asie du Sud-Est. « La situation devrait rester lourde », analyse Maxence Devillers.
Peut-être un potentiel de hausse lié à la faible récolte annoncée en maïs
Le maïs peut-il changer la donne ? Alors qu’Agreste estime la récolte française à 13,7 Mt, soit un recul de 5,5 % sur un an, malgré la progression des surfaces de 2,3 %, en raison des pics de chaleur observés en particulier dans le Sud-Ouest, en Pays de la Loire et dans l’Est, elle est attendue également en nette baisse dans l’Union européenne à 55,1 Mt contre 58,5 Mt l’année précédente. « Les surfaces de maïs sont en recul dans les Balkans, en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie avec la succession d’incidents climatiques ces dernières années. Le blé pourrait entrer en substitution du maïs, mais l’abondance de la récolte de blé en Europe risque d’introduire une forte concurrence pour le blé français » indique Maxence Devillers. Par contre la récolte s’annonce record aux États-Unis, et l’Europe risque de recourir aux importations de maïs américain.
Au final, il va se jouer une bataille entre des stocks importants et une rétention de la part des producteurs, dans un climat de grande incertitude. Les anlaystes ne se risquent pas à formuler des prévisions d’évolution des prix du blé pour les prochains mois.