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« Mes 55 hectares de plants de pommes de terre représentent un investissement de 1,5 million d'euros »

La filière du plant de pomme de terre cherche de nouveaux agriculteurs multiplicateurs pour répondre à la demande croissante de l’industrie en pommes de terre. Source de diversification potentielle pour des exploitations situées dans les territoires propices, faire du plant est un véritable métier, impliquant savoir-faire et bonne capacité d’investissement.

<em class="placeholder">Gilles Delannoy, agriculteur multiplicateur de plants de pommes de terre à Doullens dans la Somme</em>
Produire des plants est un métier très différent de celui de producteur de pommes de terre, estime Gilles Delannoy.
© MC.Bidault

Gilles Delannoy, agriculteur à Doullens dans la Somme, fait partie des 692 producteurs français de plants certifiés de pomme de terre, qui ont produit 640 000 tonnes de plants sur 22 211 ha en 2024. Les agriculteurs multiplicateurs sont chargés par les collecteurs de produire les différentes générations de tubercules jusqu’au plant certifié qui sera commercialisé. La production se fait surtout dans le Nord et la Bretagne, un peu dans le Centre-Sud, régions qui bénéficient d’un climat frais et humide, propice à la culture d’un plant de qualité, qui répond aux exigences d’une certification très rigoureuse.

La filière plant recrute des agriculteurs multiplicateurs

La production de plant certifié, encadrée par des contrats annuels, est longue, coûteuse et ponctuée de contrôles sanitaires nombreux. La forte prise de risque technique et financière demandée à l’agriculteur multiplicateur explique en partie la baisse des surfaces en 2022 (-3 %) et 2023 (-11 %), dans un contexte de hausse des prix des intrants et de l’énergie. Les multiplicateurs se sont détournés de la production de plant, devenue moins rentable. Les surfaces sont reparties à la hausse en 2024 et 2025, grâce à une revalorisation de la rémunération des producteurs, mais la France doit produire davantage pour accompagner la hausse de la demande en plant certifié (+ 30 % attendus dans les 5 ans à venir), car les industriels affichent des besoins croissants en pommes de terre.

Le collecteur Desmazières (62), dont le métier est d’approvisionner le marché en plant, cherche de nouvelles surfaces. « 80 % de nos producteurs travaillent depuis plus de 10 ans avec nous, mais nous avons besoin aussi de recruter de nouvelles générations », indique Édouard Fourrier, directeur général. « Nous leur proposons au départ une variété que l’on connaît bien, sur une petite surface (5 ha), pour tester leur capacité à conduire la culture et le contexte pédoclimatique de l’exploitation. » Des prêts de matériels et de bâtiments sont proposés pour que les nouveaux producteurs n’investissent pas dès le démarrage. Les organisations de producteurs tels que le Comité Nord (l’une des trois organisations de producteurs de plant en France), accompagnent ceux qui se lancent dans l’acquisition des compétences.

Un chiffre d’affaires de 14 000 euros par hectare pour la production de plant de pomme de terre

« Mes 55 hectares de plants de pommes de terre représentent un investissement de 1,5 million d'euros, soit un engagement financier considérable », explique Gilles Delannoy, qui évoque les besoins en matériels et bâtiments très spécifiques. À cela s’ajoutent des coûts de production importants, notamment en main-d’œuvre saisonnière, car les tâches à effectuer sur les tubercules, en partie manuelles, sont nombreuses : plantation, épuration, pesées et comptages, défanage, et récolte qui a lieu début septembre. Viennent ensuite le calibrage, le tri, le conditionnement et le stockage des lots en chambre froide. « C’est un métier passionnant, mais très prenant, qui nous occupe toute l’année », résume l’agriculteur multiplicateur, qui considère que ses quatre salariés sont « une ressource et non une charge » et qu’une des finalités de son métier est aussi de « fournir du travail sur son territoire. » Gilles Delannoy indique qu’il dégage « un chiffre d’affaires de 800 000 € », en précisant que la production de plant génère généralement un chiffre d’affaires deux fois plus important que celui de la pomme de terre de consommation (environ 14 000 €/ha contre 8 000 €/ha), mais pour un métier « beaucoup plus exigeant et risqué. »

Tout part d’une bouture indemne de maladie

Le processus de production d’un plant certifié est très long. Le matériel végétal de départ des multiplications est issu de cultures in vitro produites en laboratoire. Les vitroboutures obtenues sont ensuite utilisées pour démarrer la première année de multiplication, à l’abri des contaminations, sous serre ou tunnel. Cette phase permet d’aboutir à la production de mini-tubercules constituant la génération G0. Parmi les agriculteurs multiplicateurs, il faut des producteurs de plant de base ou génération G0 (50 % des producteurs), à l’image de Gilles Delannoy, qui explique que son travail commence dans sa serre de 300 m2. « Je fais pousser pendant une saison 8 500 boutures de pommes de terre qui vont constituer la génération G0. Le coût d’achat d’une bouture est d’environ 3 €. » Les vitroboutures, fournies par le laboratoire du Comité Nord​​​​​​, sont plantées dans des cagettes, sur du terreau hors-sol pour réduire le risque de développement de pathogènes. La qualité de cette génération G0 est régulièrement contrôlée par un agent du Soc France (Service officiel de contrôle).

Un cycle de 6 à 8 générations pour obtenir un plant commercialisable

À partir de cette G0, s’ensuivent 6 à 8 générations de multiplication au champ, car il n’est pas possible de produire des quantités importantes de plant certifié immédiatement à partir d’un seul plant sain. Il faut plusieurs générations pour atteindre un volume suffisant de plant pour une commercialisation à grande échelle. Chez Gilles Delannoy, une partie des G0 est vendue à des agriculteurs multiplicateurs qui n’en produisent pas eux-mêmes, et le reste est planté l’année suivante sur les 55 hectares dédiés à cela. Plusieurs générations coexistent, qui, en fonction du niveau de qualité, correspondent à une classe dans laquelle le plant pourra être certifié et commercialisé.

Pour pouvoir respecter une rotation de 6 ans, le producteur loue chaque année 40 hectares de terres à des voisins, car les 145 hectares de l’exploitation ne suffisent pas. Les inspecteurs, agissant pour le compte de Soc, réalisent des inspections méticuleuses de chaque parcelle, de la levée jusqu’à la destruction du feuillage. Ces contrôles permettre de garantir que le plant reste génétiquement fidèle à la variété d’origine et sain. Cela implique aussi des refus de certification (3 à 5 % par an), des pertes sèches pour le producteur…

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