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Matériel agricole : faut-il s’habituer aux prix élevés ?

La hausse des prix et les problèmes de disponibilité du matériel agricole ont des conséquences pour tous les maillons de la filière. Une situation qui oblige agriculteurs et entreprises de travaux agricoles à s’adapter pour continuer à investir.

concession de matériels agricoles toutes marques entreposés dans la cour
Paradoxalement, malgré les prix très élevés du matériel agricole, le commerce est allé bon train en 2022. L'année 2023 s'annonce plus incertaine.
© M. Portier

L’année 2022 va rester comme un cru hors normes pour le marché du matériel agricole. « Il s’est fait du commerce, malgré la hausse des prix », constate Alexandre Mortier, vice-président du Sedima (syndicat des distributeurs de matériel agricole) et concessionnaire en Bourgogne. Le marché du matériel neuf réalise un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros en 2022, soit une hausse en valeur de 19 % par rapport à 2021, indique-t-on du côté d’Axema (syndicat français des industriels de l’agroéquipement). En parallèle, la hausse des prix sortie usine annoncée par le syndicat est en moyenne de 12 % en 2022. Une moyenne qui cache des disparités car, d’après les différents réseaux de vendeurs sur le terrain, selon le type de matériels, cette hausse a parfois été beaucoup plus forte, atteignant 20 ou 30 %.

Selon Axema, la hausse du prix des matières premières (acier, inox) et des composants électroniques ainsi que le coût du fret sont les principales causes du renchérissement des prix du matériel agricole. En outre, la très forte poussée de la demande et les tensions sur la disponibilité ont aussi favorisé l’augmentation des tarifs par les constructeurs. La demande agricole a été portée par la très bonne année réalisée en 2022 en grandes cultures mais aussi par le volet agricole du plan de relance qui a permis de subventionner l’achat de matériel.

Des commandes en retrait depuis le début de l’année

En 2023, la situation est inversement proportionnelle à l’euphorie de l’an dernier. Le retour de bâton s’est fait sentir dès le début d’année avec une importante baisse des commandes. Pour l’instant, grâce à l’inertie de l’année 2022, les carnets de commandes sont pleins à échéance cinq-six mois mais la donne pourrait fortement changer d’ici à la fin de l’année. Une situation qui commence à inquiéter les distributeurs. « Face aux importants délais de livraisons, du matériel a été commandé d’avance par les concessionnaires pour constituer des stocks mais les prises de commandes sont en berne », relève Alexandre Mortier. « Le ralentissement s’explique à la fois par les niveaux de prix excessifs, la hausse des taux d’intérêt et les perspectives de baisse de revenus pour les agriculteurs », estime Didier Charles, directeur général du concessionnaire Lesieur (Fendt) basé à Mayenne dans les Pays de la Loire.

La baisse d’activité reste toutefois à relativiser aux dires de certains. « C’est vrai que le portefeuille de vente diminue, mais on est revenu à une année normale », considère Nicolas Primault, concessionnaire sur huit départements basé dans la Marne (Claas). Toutefois, Axema indique que les commandes au premier trimestre 2023 sont en retrait de 30 % par rapport à la même période en 2019.

Si les problèmes de disponibilité du matériel sont encore bien présents, ils devraient se résorber d’ici quelques mois. Pas sûr qu’il en soit de même concernant les prix dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale et de forte inflation. « Les prix de certains matériels vont sans doute baisser mais on peut penser que ça ne sera pas le cas pour le matériel à fort besoin de renouvellement comme les tracteurs ou les moissonneuses-batteuses », note Régis Macé, vice-président de la Fédération nationale des entrepreneurs de territoire (FNEDT), à la tête d’une ETA en Bretagne. « On ne constate pas beaucoup de changements dans le paysage, confirme Christophe Marchal, directeur commercial chez Agrivision (John Deere), réseau de distribution dans le Sud-Ouest de la France. On continue de recevoir des avis de hausse malgré la baisse des cours des matériaux. » Du côté d’Axema, David Targy estime pour sa part que « l’augmentation des prix du matériel agricole devrait se contenir à un niveau inférieur à l’inflation ».

Une hausse des prix d’une ampleur inédite

Dans ce contexte, les acheteurs n’ont pas d’autres choix que d’adapter leur stratégie pour pouvoir investir. La particularité de cette hausse des prix est en effet son ampleur quasi inédite. « Depuis une vingtaine d’années, nous étions habitués à une augmentation linéaire des prix qu’il était possible de répercuter sur nos tarifs », constate Régis Macé. Depuis quelques mois, c’est du jamais vu estime-t-il : « certains matériels agricoles ont vu leur prix multiplié par deux, sans qu’il soit possible de leur faire faire le double de surfaces. Les hausses sont d’une telle ampleur qu’il n’est pas possible de les répercuter en intégralité sur nos tarifs, ça ne serait pas tenable pour nos clients ».

L’enjeu est de rentabiliser le matériel en lui faisant faire plus d’hectares. Cela peut passer par de l’achat groupé pour les agriculteurs (Cuma, copropriété), ou l’agrandissement des zones d’intervention pour les ETA. « Sans ce type de solutions, cela va devenir impossible d’investir dans du matériel, s’inquiète Régis Macé. Les machines vont aussi devoir durer plus longtemps avec une politique d’entretien du matériel qui soit plus que du simple dépannage. »

Côté financement, les vendeurs constatent un allongement des durées d’emprunt pour faire face à l’augmentation des prix. « On peut voir des tracteurs financés sur six ou sept ans aujourd’hui contre cinq ans auparavant », note Nicolas Primault. Le basculement vers le leasing ou crédit-bail est observé pour les investissements individuels comme pour les Cuma. « Certaines Cuma se lancent dans la location, y compris pour les tracteurs, parfois avec option d’achat, cela offre une sécurisation par rapport à l’entretien ou le changement des pneumatiques », avance François Ferrando, animateur de la FRCuma Centre-Val de Loire. En outre, l’augmentation des tarifs et les délais de livraison ont parfois obligé les acheteurs à ne pas être trop regardants sur la gamme ou les options de leur matériel. « Certains ont été contraints de prendre ce qui se rapprochait le plus de leur besoin, ou bien d’accepter le délai du constructeur », avance Alexandre Mortier.

« D’ici la fin de l’été, les agriculteurs vont rentrer dans une période d’observation avant de décider de leur stratégie d’achat de matériel pour la fin de l’année », suppose Cyril Durand, consultant au Cerfrance Alliance Centre.

Conséquence pour le marché de l’occasion

Le marché de l’occasion est aussi concerné par l’augmentation des prix. « Certains clients ont revendu leur tracteur plus cher qu’ils ne l’avaient acheté il y a trois ans », témoigne Didier Charles, directeur général du concessionnaire Lesieur (Fendt) basé à Mayenne. Plusieurs professionnels du réseau de distribution soulignent aussi une situation compliquée concernant les reprises du matériel par les concessionnaires. « Une fois le prix de reprise fixé, certains tracteurs ont effectué un nombre important d’heures supplémentaires du fait des délais de livraison », avance Didier Charles. De nombreux concessionnaires ont par ailleurs fait le choix de garder des tracteurs pour dépanner des clients en attente de leur livraison. D’après Alexandre Mortier, vice-président du Sedima, certains matériels d’occasion plutôt récents ont trouvé preneur auprès d’agriculteurs qui ne pouvaient plus se permettre de s’orienter vers du neuf. Les concessionnaires ont, en outre, des craintes concernant le renchérissement du matériel d’occasion plus ancien qui trouvait jusqu’ici un débouché à l’export.

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