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Maladie du pois : un début de solution contre l’aphanomyces

Sur pois de printemps, l’aphanomyces est une maladie du sol qui donne du fil à retordre aux pathologistes et généticiens. Des outils de suivi apportent un diagnostic sur son sol et la sélection variétale commence à porter ses fruits.

La nouvelle variété de pois Karacter (à gauche) montre une moindre sensibilité à l'aphanomyces que la référence Kayanne. © Terres Inovia
La nouvelle variété de pois Karacter (à gauche) montre une moindre sensibilité à l'aphanomyces que la référence Kayanne.
© Terres Inovia

Maladie d’origine tellurique, l’aphanomyces a contribué à la chute des surfaces de pois de printemps dans les années 90, en plus d’autres facteurs climatiques et économiques. Avec sa présence dans le sol, ce pathogène est devenu un frein à l’implantation du pois de printemps. « Le risque à la parcelle peut être connu et géré grâce à un test biologique basé sur le prélèvement et l’analyse de sol, rappelle Anne Moussart, chargé d’études à Terres Inovia. Existant depuis plusieurs années, ce test informant du potentiel infectieux (PI) du sol a été très peu utilisé et c’est dommage car cela aurait évité la culture de pois dans des parcelles fortement contaminées. »

Terres Inovia a planché sur la question de la prévention des risques. Un outil plus simple de diagnostic en est sorti, sous forme de grille de risque reprenant les facteurs impliqués dans le potentiel infectieux des parcelles. La base de dix ans de données de parcelles infestées a permis d’affiner l’analyse. La grille a été validée après enquêtes et campagnes de test. Pour cette première campagne, elle doit être mise en ligne sur le site web de Terres Inovia.
Pour cette grille, l’agriculteur doit renseigner le type de sol, l’historique de pois sur quinze ans et si la parcelle est irriguée ou non. Avec la localisation du champ, ces informations indicatrices doivent suffire à mettre la parcelle dans l’un des deux niveaux de risques définis. Lorsque ce risque s’avère moyen à élevé, il est conseillé de faire le test biologique si l’agriculteur veut avoir la certitude qu’il faut éviter de cultiver du pois de printemps.

Lentille, luzerne et gesse également sensibles à l’aphanomyces

Pois protéagineux de printemps et pois de conserve sont sensibles à l’aphanomyces. D’autres légumineuses présentent également une sensibilité comme la lentille, la gesse et la luzerne pour toutes les variétés testées. C’est un élément à prendre en considération dans le cas de présence d’une de ces cultures dans la rotation culturale avec le pois. D’autres légumineuses se montrent résistantes ou non hôte de l’aphanomyces : lupin, pois chiche, fenugrec, lotier… La féverole, le soja et le sainfoin sont des espèces hôtes mais les variétés disponibles en France pour ces espèces présentent des niveaux élevés de résistance. Le pois d’hiver n’est pas pénalisé par l’aphanomyces, grâce à son cycle qui lui permet d’échapper partiellement au pathogène et de ne pas en subir d’impact. Parmi les trèfles et les vesces, il existe des variétés sensibles et d’autres résistantes.

Des travaux de sélection pour la résistance à l’aphanomyces ont démarré à la fin des années 90 avec l’Inra et le GSP, groupement de sélectionneurs de protéagineux (GIE). « Cela a commencé par la recherche de sources de résistance, plutôt rares et retrouvé dans du matériel sauvage ou potager de pois, remarque Anne Moussart. Puis une fois que les régions du génome impliquées dans des caractères de tolérance ont été localisées, l’Inra de Rennes a mis en œuvre dans les années 2010 un programme de sélection assistée par marqueurs et a produit une centaine de lignées quasi isogéniques comportant des zones du génome impliquées dans la résistance. Ces lignées ont été livrées aux sélectionneurs de façon à être utilisées dans des croisements pour obtenir des variétés au caractère amélioré vis-à-vis de l’aphanomyces. »

Trois variétés préservant le rendement en situation de contamination faible

On commence à en voir les effets concrets puisque deux variétés inscrites récemment montrent une réduction de l’impact de l’aphanomyces sur leurs rendements. Il s’agit de Karacter et Kagnotte, d’obtention KWS Momont. Le CTPS préfère parler de « notes de préservation de rendement » plutôt que note de tolérance car celle-ci reste encore d’un niveau peu élevé pour ces variétés. Sur une échelle de 1 (tolérance nulle) à 9 (résistance forte), ces variétés sont notées à 3. Elles ne constituent pas encore la solution sur des parcelles moyennement à fortement contaminées. « En revanche, sur des parcelles faiblement infestées (PI < 1), elles apportent une sécurité en cas de situation climatique très favorable à la maladie et elles assureront un rendement meilleur qu’une variété de pois sensible », met en avant Anne Moussart. Une troisième variété, Poséidon (Agri Obtentions), s’est vue attribuer également la note de 3 de comportement face à l’aphanomyces. « Ces évolutions sont porteuses d’espoir, juge la spécialiste de Terres Inovia. À terme, des variétés de pois vont arriver avec encore de meilleures notes de comportement. »

En chiffres

Régression des variétés de printemps parmi les protéagineux

179 000 ha de pois d’hiver + printemps, dont majorité de variétés de printemps. Mais le pois d’hiver progresse ;

60 000 ha de féverole d’hiver et de printemps dont 60-65 % en variétés de printemps (et 15 000 hectares en bio, plutôt d’hiver) ;

3 000 ha de lupin qu' il ne faut pas oublier dans les protéagineux.

Apprendre à vivre avec le pathogène

Le champignon Aphanomyces euteiches est responsable de la pourriture racinaire du pois. Il reste dans le sol de nombreuses années et il est quasiment généralisé dans les zones de production. Il faut apprendre à vivre avec sans prendre de risques graves, c’est-à-dire en cultivant un pois dans une parcelle au potentiel infectieux réduit. Les attaques du pathogène se présentent sous forme de foyers dans le champ avec des plants atteints de nanisme et de jaunissement. Ces pieds produisent un faible nombre de gousses et de grains. Au niveau des racines, on remarque un brunissement, une texture molle et l’absence de nodosités fonctionnelles. Sur les parcelles fortement infestées, les pertes de rendement peuvent atteindre 60 %. La maladie est favorisée par une pluviométrie importante et une irrigation précoce.

Un progrès génétique peu visible au champ

Analyse de l’offre variétale en France chez le pois et la féverole de printemps par Arnaud Van Boxsom de Terres Inovia.

Pois de printemps

« Il y a eu une amélioration dans le potentiel de rendement et de protéines ces dernières années même si le progrès génétique est moins notable qu’en pois d’hiver. Mais souvent masqué par les aléas climatiques, il n’est pas toujours perçu par les agriculteurs. Des variétés anciennes comme Kayanne (inscrite en 2008) sont très utilisées. Mais une variété récente comme Bagoo montre de bonnes performances depuis trois ans. On a pléthore de variétés récentes qui se comportent bien dont trois variétés inscrites en 2019 : Orchestra, Ostinato et Kagnotte. Orchestra a une teneur en protéine élevée, 2 % supérieure à celle de Kayanne en 2019. Ces résultats restent à confirmer. Par ailleurs, la tenue de tiges s’est améliorée au fil des variétés obtenues. Il n’y a plus de variétés qui se couchent et cela réduit les risques de maladie. »

Féverole de printemps

« Elle a connu une baisse importante de surfaces ces dernières années, à cause des aléas climatiques et sanitaires. La sélection variétale reste active sur cette espèce avec un progrès génétique malgré tout. Nous avons maintenant des variétés à faible teneur en vicine convicine comme Tiffany arrivée en 2014. C’est une avancée importante pour soutenir le débouché de l’alimentation animale (volaille surtout), voire humaine. La variété Espresso inscrite il y a dix-sept ans est toujours très cultivée. Selon une enquête réalisée en 2018, 40 % des agriculteurs y ont recours, en majorité en semences de ferme. Des nouveautés comme Victus apportent un progrès notable en rendement (+ 5 %). Il en est de même pour Trumpet, plus régulière en production et avec un gain de teneur en protéines d’un demi-point. Il est rentable d’investir dans de la semence de nouvelles variétés. »

Application myvar.fr pour consulter les informations sur les variétés.

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