Insecticides/résistances : la protection du colza fragilisée
La diversité des solutions insecticides est en sursis chez le colza où les cas de ravageurs résistants aux pyréthrinoïdes se multiplient.
La diversité des solutions insecticides est en sursis chez le colza où les cas de ravageurs résistants aux pyréthrinoïdes se multiplient.
Le colza n’avait pas besoin de ça. À l’automne 2018, il ne restait plus que des pyréthrinoïdes (et le pyrimicarbe en association) comme insecticides pour combattre les pucerons. Or, la majeure partie des populations de puceron vert (Myzus persicae) en France sont résistantes aux pyréthrinoïdes et au pyrimicarbe. Cette espèce se rend responsable de dégâts directs sur colza en affaiblissant les plantes, et indirects en transmettant le virus TuYV de la jaunisse du navet. « Les produits Proteus et Horême V200 à base de néonicotinoïdes étaient les seuls efficaces contre ce ravageur. Après leur retrait, nous n’avions plus rien à l’automne 2018 », souligne Laurent Ruck, Terres Inovia. Puis a été homologué le produit Teppeki en décembre 2018 qui a apporté une solution efficace contre ces ravageurs pour la campagne suivante.
Depuis quelques années, des variétés de colza sont commercialisées en mettant en avant leur caractère de résistance partielle au virus TuYV. Ce type variétal rencontre un certain succès avec Architect qui fait partie des variétés de colza les plus cultivées en France pour la récolte 2019. D’autres variétés avec la résistance partielle au virus ont été inscrites et Terres Inovia en affiche six dans son tableau de variétés évaluées : Allison, Angelico, Architect, Coogan, Delice et Temptation. L’institut technique a pu démontrer que deux variétés supplémentaires, Kadji et Memori CS, présentaient de bons profils de rendement en présence de virus, parfois supérieurs à ceux d’inscription avec le caractère affiché de résistance. Sur l’essai 2018, les variétés sortant du lot avec une charge élevée en virus étaient Temptation, Kadji, Architect et Kadji. Les pertes causées par le virus TuYV sont de 2,5 q/ha en moyenne, avec une certaine variabilité d’impact selon les situations.
Inquiétudes sur la réhomologation des organo-phosphorés
Les ravageurs d’automne ne se résument pas aux pucerons sur colza, loin s’en faut. Altises et charançons du bourgeon terminal occasionnent également des dégâts importants. Davantage de solutions insecticides sont homologuées contre ces coléoptères : pyréthrinoïdes, organo-phosphorés, indoxacarbe. « Le retrait des néonicotinoïdes a enlevé un mode d’action contre ces insectes limitant la possibilité de jouer la stratégie d’alternance des familles d’insecticides, souligne Laurent Ruck. Les grosses altises et charançons du bourgeon terminal ont développé également des résistances aux pyréthrinoïdes. Par ailleurs, nous avons perdu une autre famille d’insecticide avec le retrait de Plenum (pymétrozine) ce printemps dernier alors que les organo-phosphorés et l’indoxacarbe sont en cours de réexamen au niveau européen pour leur réhomologation. Nous avons quelques inquiétudes au sujet des organo-phosphorés. » La question de la limitation des solutions insecticides concerne aussi les ravageurs de printemps avec encore des situations de résistances comme chez les méligèthes.
Un colza robuste se défend mieux
La lutte chimique et la stratégie variétale ne sont pas suffisantes pour contrôler l’ensemble des insectes du colza. La dynamique de croissance joue fortement sur la vulnérabilité du colza aux ravageurs. Un colza robuste dans ses premiers stades de développement se montre beaucoup moins vulnérable aux attaques de ravageurs. Pour ce faire, Terres Inovia conseille d’avancer les semis, d’y apporter un peu d’engrais et d’utiliser des plantes compagnes comme des légumineuses. « En fonction des conditions agronomiques et de la vigueur du colza, les seuils d’intervention contre les altises ne sont pas tout à fait les mêmes », ajoute Laurent Ruck, Terres Inovia. Une grille d’évaluation du risque agronomique a été revisitée par l’organisme pour établir la véritable nuisibilité des larves d’altises et de charançons du bourgeon terminal et décider s’il y a lieu de traiter ou pas.