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La culture en dérobé : une solution possible sous conditions dans le Sud-Ouest

Dans le Sud-Ouest, les cultures en dérobé sont réalisables à condition de ne pas être contraint par la ressource en eau et de respecter quelques bonnes pratiques. Exemple dans l’Aude.

On peut tirer 15 q/ha d'un tournesol en dérobé sans irrigation. © Chambre d'agriculture Vienne
On peut tirer 15 q/ha d'un tournesol en dérobé sans irrigation.
© Chambre d'agriculture Vienne

Faire trois cultures en deux ans. L’idée n’est pas neuve, mais un projet de recherche appelé 3C2A a été mis en place pour préciser les conditions de réussite de cette pratique dans le Sud-Ouest, en fonction des contextes pédo-climatiques. La région est la plus propice à cette technique grâce à un gros cumul de degrés jours jusqu’en octobre, et à une disponibilité en eau qui peut être importante. Outre l'acquisition de références sur des espèces comme le tournesol, le soja ou le sorgho entre autres, le programme vise à tester des espèces sortant des « classiques » (soja, tournesol, maïs et sorgho) : cameline, chia, sarrasin, moutarde graine...

« Nous sommes toujours en recherche de solutions nouvelles pour amener un peu de rentabilité à des exploitations qui en ont besoin », met en avant Gilles Terres, responsable technique grandes cultures à la chambre d’agriculture de l’Aude. « Dans le Lauragais, ce type de culture est une réponse pour couvrir le sol contre le risque d’érosion tout en le valorisant », observe de son côté Jean-Claude Lourties, responsable expérimentation à la coopérative Arterris.

Semer le plus tôt possible pour avancer la récolte

Pour rendre possible une culture en dérobé, le précédent cultural doit libérer les terres suffisamment tôt. « On positionne le dérobé derrière des espèces comme l’orge d’hiver ou un pois protéagineux semé en décembre dont les récoltes pourront se faire à la mi-juin », observe Jean-Claude Lourties. Pour Christophe Rivayran, responsable développement grandes cultures à la coopérative Arterris, l'objectif est de semer avant le 5 juillet pour récolter au plus tard début octobre.

Plus tôt est réalisé le semis, mieux c’est. « Un jour de gagné au semis, ce sont trois jours gagnés à la récolte », affirme Nicolas Ferrand, chargé de mission à la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. Les variétés précoces sont les plus adaptées à cette technique, « mais plus on sèmera tôt, plus on pourra recourir à des variétés plus tardives présentant un potentiel de rendement plus élevé. Semer le plus rapidement possible après la récolte du précédent vise aussi à éviter le desséchement du sol. »

Car l’eau est un autre facteur essentiel. « L’eau ne doit pas être limitante. Il faut être sûr d’y avoir accès sans trop de risques de restrictions pour le dérobé tout en veillant à ne pas pénaliser les cultures principales sur leurs besoins en eau », souligne Gilles Terres. Cela explique que les cultures en dérobé se sont développées dans des départements très arrosés comme les Pyrénées-Atlantiques, beaucoup moins dans l’Aude.

Irrigation nécessaire pour le soja et le sorgho, facultative pour le tournesol

« L’irrigation est vivement recommandée pour des espèces comme le soja, le sorgho et le maïs, mais ce dernier se cultive peu en dérobé dans l’Aude, explique Christophe Rivayran. Le soja est exigeant, avec un besoin de 30 mm tous les huit à dix jours. Le sorgho se contentera de deux à quatre tours d’eau, en veillant à bien encadrer la floraison. »

Le tournesol est la principale espèce cultivée en dérobé car la moins exigeante en eau. En terres profondes à forte réserve utile, il peut se passer d'arrosage. Une irrigation d’appoint est néanmoins bienvenue. « Si le tournesol reçoit 100 à 150 mm de pluviométrie, cela peut suffire à produire 15 q/ha. Mais il est souhaitable que ces pluies tombent après les semis pour la levée et au moment de la floraison », souligne Nicolas Ferrand.

Précautions avec l’impact des herbicides sur la succession culturale

La préparation d’un lit de semences est bien sûr nécessaire pour l’implantation de la culture en dérobé. Et en ce qui concerne la gestion des adventices ? « Si l'on utilise des herbicides, il faut prendre en compte la culture qui suivra le dérobé. Pour un soja, l’utilisation du produit Pulsar est conditionnée à une pluviométrie d’au moins 200 mm avant le semis de la céréale derrière, pour éviter tout risque de phytotoxicité », précise Christophe Rivayran.

Un précédent en céréales peut générer des repousses dans la culture dérobée. « Sur sorgho, il n’y a pas de solution (hors binage) détruisant ces repousses, relève le spécialiste d’Arterris. Il vaudra mieux éviter cette culture après une céréale et la placer plutôt après un protéagineux. » Une bineuse sera utile pour gérer repousses et adventices. Après une céréale, les pailles doivent être bien broyées et éparpillées pour ne pas gêner l’implantation de la culture en dérobé. Fertiliser le tournesol ou le sorgho est conseillé, en respectant les doses d'azote imposées par la directive Nitrates en zones vulnérables.

Du fait de ses moindres besoins en eau, le tournesol se prête bien à la culture en dérobé dans un département comme l’Aude, mais l’espèce est déjà très présente dans les rotations. Son irrigation associée à de la chaleur peut favoriser les infestations de phomopsis. Le choix de la variété devra se faire en conséquence.

L’organisation du travail et le temps consacré à ces cultures peuvent être délicats à gérer. « La récolte fin octobre peut tomber au moment des semis, remarque Nicolas Ferrand. Il faudra donc être capable de sortir la moiss’-batt', les bennes et le semoir en même temps. »

Le sarrasin offre une bonne tolérance au sec

« Le sarrasin est un bon candidat parmi les espèces possibles en dérobé en sec. Entre 100 et 150 mm suffisent à sa culture », remarque Nicolas Ferrand, chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. La première année d’essais dans le projet 3C2A a mis en avant de bons résultats pour le sarrasin au lycée agricole d’Auzeville, près de Toulouse. « Avec très peu de charges engagées sur cette culture (28 €/ha en charges opérationnelles se limitant aux semences), la marge semi-nette a avoisiné les 300 euros de l’hectare. Il est vrai que la culture avait reçu plus de 150 mm de pluie en 2019. » Le sarrasin présente l’avantage de ne pas coûter plus cher qu’un couvert d’interculture classique. « Il est assez étouffant pour les adventices, observe Nicolas Ferrand. Mais s’il n’est pas récolté, il peut occasionner beaucoup de repousses dans la culture qui suit comme le maïs, et engendrer un surcoût au désherbage. »

 

 

AVIS D'AGRICULTEUR

Didier Gazel, 200 ha à Castelnaudary dans l'Aude

« Une expérience positive avec le tournesol en dépit du phomopsis »

« L’an dernier, dans la foulée de la récolte d’une orge d’hiver le 12 juin, nous avons réalisé deux passages de déchaumeur et le semis de tournesol dans la même journée sur cette parcelle de 4,5 hectares. Le soir, il est tombé 8 mm de pluie. C’était propice à la levée de la culture mais pas suffisant. Quatre jours après, j’ai apporté 15 mm en irrigation. Il n’y a pas eu d’intervention contre les adventices. La quantité de mulch (paille) ne permettait pas le passage d’une bineuse. 40 unités d’azote ont été apportées au stade limite de passage du tracteur. Deux tours d’eau de 30 mm ont été effectués autour du stade bouton floral. Le tournesol a été récolté le 15 octobre pour un rendement de 18 q/ha. Il a été fortement attaqué par le phomopsis alors que la variété SY Arco que j’ai utilisée est classée peu sensible à cette maladie. Cela a été un peu une déception même si la marge a été positive (200 €/ha). J’avais comme objectif de produire plus de 100 q/ha sur la campagne sur la parcelle. Je l’ai raté à 2 q/ha près, l’orge ayant produit 80 q/ha. Après ce tournesol, j’ai semé un blé tendre en décembre après le passage d’un rolofaca pour détruire les cannes et un déchaumage. Cette année, j’aurais souhaité renouveler l’expérience de la culture en dérobé sur 10 hectares mais les conditions pluvieuses de l’automne en ont décidé autrement. Les semis de céréales n’ont pu être faits qu’à la mi-décembre. Elles seront récoltées trop tard pour pouvoir faire une culture en dérobé ensuite. L’expérience est positive mais il n’est pas possible de faire de culture en dérobé sans irrigation. Nous bénéficions de l’apport d’eau d’une retenue alimentée et gérée en réseau collectif par le groupe BRL. »

200 ha avec épouse et fils : blé tendre, blé dur, orge d’hiver, pois chiche, pois protéagineux, maïs semences, tournesol, sorgho, oignon semences ; quasi-totalité de la surface irrigable.

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