Jaunisse de la betterave : l’accès à deux insecticides doit rester incontournable, selon un rapport de l’Inrae
Un rapport de l’Inrae publié le 28 octobre a listé les alternatives à l’usage des insecticides néonicotinoïdes (acétamipride) pour six filières de productions végétales dont la betterave. Il pointe la nécessité de garder deux insecticides différents pour lutter contre les pucerons vecteurs de jaunisse, alors qu’un produit a été retiré du marché. D’autres moyens de lutte montrent leur efficacité, comme la prophylaxie.
Un rapport de l’Inrae publié le 28 octobre a listé les alternatives à l’usage des insecticides néonicotinoïdes (acétamipride) pour six filières de productions végétales dont la betterave. Il pointe la nécessité de garder deux insecticides différents pour lutter contre les pucerons vecteurs de jaunisse, alors qu’un produit a été retiré du marché. D’autres moyens de lutte montrent leur efficacité, comme la prophylaxie.
L’Inrae a remis son rapport « Alternatives chimiques et non chimiques existantes à l’usage des néonicotinoïdes » le 28 octobre au ministère de l’Agriculture en réponse à une saisine le 16 mai 2025. L’institut de recherches s’est penché sur six filières : betterave, pommes, cerises, noisettes, navets et figues : c’était l’occasion de dresser « un inventaire complet des alternatives et recommandations contre les insectes ravageurs et d’éclairer les situations d’impasses avérées », a présenté Philippe Mauguin, PDG d’Inrae, lors d’un brief presse. L’acétamipride constitue l’insecticide néonicotinoïde qui est demandé par ces filières pour les aider à combattre les ravageurs.
La jaunisse de la betterave n’est pas dommageable chaque année
La filière de la betterave industrielle recherche des solutions efficaces et fiables pour protéger la culture des virus de la jaunisse transmis par des pucerons. « La jaunisse de la betterave n’est pas dommageable chaque année et, certaines années comme en 2025, elle cause des dommages en certains endroits et pas dans d’autres », souligne Christian Lannou, coordinateur du rapport et chercheur à l'Inrae, spécialiste de la santé des cultures. Le rapport dresse une liste complète de différents moyens de lutte en vigueur ou en cours de tests.
L’insecticide Movento retiré du marché
La lutte insecticide repose sur deux produits jusqu’à présent : Teppeki (flonicamide) et Movento (spirotetramate). Mais l’usage du produit Movento est interdit à compter du 31 octobre 2025 « en raison d’une absence de demande d’autorisation de renouvellement au niveau européen de la firme », selon le rapport. Or, pour Philippe Mauguin, « il est logique de demander à avoir deux molécules insecticides pour gérer les pucerons vecteurs de jaunisse. Il n’est pas envisageable d’assurer une protection viable avec le seul Teppeki, autorisé pour un seul passage. » La demande de la filière de recourir à l’acétamipride est bien justifiée.
Souhaitable de prolonger l’usage de l’insecticide Movento
Mais l’insecticide néonicotinoïde n’est pas « un produit miraculeux. En traitement foliaire sur betterave, l’acétamipride est un peu moins efficace que Movento selon des données relevées dans des pays où l’acétamipride est utilisé », précise Christian Lannou. Pour les producteurs de betterave, il reste un espoir de dérogation de l’usage de Movento encore pour 2026. Le rapport Inrae en fait la demande : « dans la mesure du possible, il serait souhaitable de prolonger l’usage de cette substance… »
Pour la campagne à venir, la société BASF a annoncé lors d’une conférence de presse le 23 octobre, qu’elle allait demander une dérogation pour son nouvel insecticide Axalion sur betterave. Mais la molécule n’est toujours pas approuvée au niveau européen. Une dérogation pour 2026 apparaît hypothétique. Selon le rapport Inrae, cette dérogation serait davantage envisageable en 2027 ou 2028. Autre insecticide qui aurait pu être envisagé, le flupyradifurone est interdit en France (tout comme le sulfoxaflor, non cité dans le rapport) alors que son usage est autorisé dans d’autres pays européens.
Le développement de la prophylaxie réduit les infestations de jaunisse
Le rapport met en avant d’autres moyens de lutte : produits de biocontrôle en cours de test ou déjà autorisés (mais coûteux), variétés résistantes à la jaunisse qui « demandent encore du développement, de l’ordre de cinq ans », le développement de la prophylaxie… Philippe Mauguin met en avant ce dernier levier de lutte : « Les recherches ont permis de montrer l’importance des résidus de récolte de betterave comme réservoirs à virus. Il est donc important de détruire ces résidus et de les enfouir dans le sol. Dans les zones où cela a été pratiqué, il y a eu des niveaux d’infestations très réduits en virus de la jaunisse », affirme-t-il. Le rapport attribue d’ailleurs au développement de la prophylaxie, l’abaissement des niveaux d’infestations depuis 2021.
Par ailleurs, il pointe du doigt les zones où les productions de betteraves porte-graine et betterave industrielle se côtoient. « La proximité de ces deux types de culture de betterave doit être évitée car ils jouent l’un pour l’autre un rôle de réservoir de maladie. »
Un système d’assurance « serait pertinent » sur le risque jaunisse
La réduction du risque jaunisse repose aussi sur la surveillance des pucerons de façon à bien anticiper le risque. Les experts qui ont rédigé le rapport insistent sur des stratégies combinant plusieurs moyens de lutte et cette surveillance.
Le rapport questionne en outre sur l’intérêt d’un système assurantiel « qui serait très pertinent sur betterave pour faire face au risque jaunisse, dans la mesure où il n’y a pas d’épidémie chaque année. » Ce type d’assurance existe pour les risques climatiques, pas pour les bioagresseurs. Un projet est à l’étude sur ce thème en vigne et colza : Arrup-vico.
Le rapport a listé les moyens de lutte et les impasses contre certains ravageurs dans les autres filières fruits et légumes, dont la noisette où les impasses techniques sont les plus compromettantes pour la rentabilité de la production. Mais l’acétamipride est dans l’impasse politique après la loi Duplomb et les changements de gouvernements en France. Les agriculteurs risquent de devoir s’en passer pendant un certain temps.