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Gestion de l'eau : recharger les nappes alluviales en hiver grâce au projet R'Garonne

En Haute-Garonne, une expérimentation de recharge maîtrisée de la nappe de la Garonne a été lancée en 2023. Objectif : étudier la possibilité de recharger les nappes alluviales des fleuves en hiver pour restituer l’eau en été.

Le canal de Saint-Martory, qui longe la Garonne de Saint-Martory à Toulouse, alimente déjà de nombreux cours d’eau et fossés et est utilisé l’été pour ...
Le canal de Saint-Martory, qui longe la Garonne de Saint-Martory à Toulouse, alimente déjà de nombreux cours d’eau et fossés et est utilisé l’été pour l’irrigation.
© BRGM

« Le bassin Adour-Garonne est en France le bassin hydrographique le plus impacté par le changement climatique et par une croissance régulière de sa population, souligne Frédéric Tronel, directeur régional délégué du BRGM Occitanie. Selon les prévisions, le débit de la Garonne sera divisé par deux d’ici à 30 à 50 ans. » En 2023, un projet, R’Garonne, a été lancé par Réseau31, syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement de Haute-Garonne, et le BRGM Occitanie pour tester une solution innovante de recharge maîtrisée de la nappe de la Garonne en hiver.

« L’idée est de mobiliser une partie de l’eau de la Garonne en hiver et au printemps, à une période où il y en a beaucoup, et de la faire s’infiltrer dans la nappe alluviale de la Garonne pour que celle-ci puisse alimenter la Garonne en été, quand les besoins en eau sont les plus élevés », explique Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental de Haute-Garonne en charge de la transition écologique. Outre la réalimentation de la Garonne, pouvant éviter des restrictions d’eau en période de sécheresse, plusieurs avantages sont évoqués. « L’eau stockée sous terre ne s’évapore pas, note Jean-Michel Fabre. Et le stockage souterrain évite le réchauffement de l’eau, vrai sujet de préoccupation ces dernières années pour le milieu, la production d’eau potable et le fonctionnement de la centrale nucléaire de Golfech. »

Test sur un bassin d’infiltration

L’expérimentation, d’un montant de 1,87 M€ sur quatre ans, financée par Réseau31 et le BRGM, avec le soutien de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, de la région Occitanie et du département de Haute-Garonne, est menée sur une zone test de 100 km² à 60 km au sud de Toulouse. Elle s’appuie sur le canal de Saint-Martory, alimenté à partir de la Garonne et destiné initialement à la distribution de l’eau pour l’irrigation (10 000 ha de maïs et soja notamment), l’eau potable, le soutien d’étiage, les lacs d’agrément, la protection des milieux et la biodiversité… « Pour qu’une solution de recharge d’une nappe en hiver soit intéressante, il faut qu’il y ait de l’eau à cette période, que les aquifères soient perméables et que l’eau puisse être acheminée par gravité vers la zone d’infiltration, ce qui est le cas du canal de Saint-Martory via l’important réseau de canaux secondaires et en position plus élevée que la Garonne jusqu’à Toulouse », précise Frédéric Tronel.

L’infiltration devrait pouvoir se faire de novembre à mai, pour une restitution à la Garonne en période d’étiage, entre juillet et octobre. « Alors qu’une goutte d’eau passant dans la Garonne se retrouve dans l’océan en 8 à 10 jours, la bulle de recharge générée par le dispositif d’infiltration devrait bénéficier au cours d’eau durant les quelques mois d’étiage, précise Jean-Marie Gandolfi, du BRGM, en charge du projet. Il s’agit en fait d’un stockage provisoire de l’eau de surface dans les formations alluviales aquifères. » Plusieurs dispositifs d’infiltration pourront être étudiés, avec un monitoring de la bulle de recharge grâce à la mise en place de piézomètres : fossés recalibrés, canaux hors d’usage réhabilités, anciens puits et surtout bassin d’infiltration. « Les simulations montrent qu’une surface de 1 hectare dans des terrains favorables, à un taux d’infiltration de 500 litres par seconde, devrait avoir un impact de 2 millions de mètres cubes bénéficiant au cours d’eau en période d’étiage, alors qu’il faudrait un très grand linéaire de fossés pour atteindre ce volume, indique Jean-Marie Gandolfi. Le suivi de l’expérimentation sera aussi plus efficace avec un dispositif surfacique plutôt que linéaire. »

Évaluer tous les impacts

L’objectif de l’expérimentation est d’évaluer les contraintes techniques, la méthodologie la plus adaptée, les coûts et les bénéfices d’une recharge maîtrisée de la nappe en hiver. Un premier verrou identifié est l’accès au foncier pour les zones d’infiltration, rendu compliqué par la présence de nombreuses gravières exploitées par des entreprises de granulats et de nombreuses parcelles de culture.

Une évaluation des impacts sur l’agriculture, la faune, la flore et la qualité des eaux superficielles et souterraines sera également réalisée. « Le projet est suivi en toute transparence avec les collectivités locales, l’Agence de l’eau, la chambre d’agriculture et les associations environnementales », assure Jean-Michel Fabre. Si l’expérimentation s’avère concluante, une phase opérationnelle de réalimentation permanente sera alors engagée sur des secteurs adaptés. Et un retour d’expérience sera fait pour éventuellement dupliquer le dispositif sur d’autres fleuves.

Cinq à vingt millions de mètres cubes mobilisables

Déjà pratiquée en Californie, Israël, Australie, la recharge maîtrisée d’une nappe pour le soutien d’étiage d’un cours d’eau est encore très rare. « C’est la première expérimentation grandeur nature en Europe », assure Jean-Marie Gandolfi. Si l’expérimentation R’Garonne est concluante, la recharge de la nappe de la Garonne devrait permettre de mobiliser 5 à 20 millions de mètres cubes d’eau à partir d’une quinzaine de dispositifs d’un hectare, limitant sensiblement le recours aux lâchers de barrage en période d’étiage. « En 2022, quand la Garonne était la plus basse, la moitié de l’eau du fleuve était de l’eau provenant de barrages, précise Jean-Michel Fabre. Un apport de 5 à 20 millions de mètres cubes serait donc très intéressant. Mais ce n’est qu’une solution parmi d’autres du projet global Garon’Amont. »

Piloté par le conseil départemental de Haute-Garonne, le projet Garon’Amont a débuté par un travail avec les partenaires locaux et un panel de citoyens qui a abouti à 130 propositions. Plusieurs solutions ont été retenues en plus du projet R’Garonne : une utilisation plus importante de l’eau des réserves hydroélectriques, une collaboration avec la chambre d’agriculture pour accompagner 200 exploitations sur une bonne utilisation de l’eau ou encore la remise en état de réserves avec les agriculteurs.

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