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Environnement/PAC : des jachères SIE pour une biodiversité utile en agriculture

Des jachères dites « mellifères » ont été conçues pour alimenter les insectes pollinisateurs avec des avantages en termes de déclarations SIE. D’autres jachères peuvent tout autant favoriser la biodiversité utile.

Un coefficient d’1,5 hectare de SIE pour 1 hectare déclaré, un apport de nectar et de pollen aux insectes pollinisateurs incluant les abeilles, un refuge pour la faune sauvage qui compte nombre d’auxiliaires utiles à l’agriculture… la jachère mellifère réunit plusieurs arguments qui devraient en favoriser l’implantation. En plus, la date butoir de présence obligatoire a été décalée du 28 février au 14 avril, de façon à faciliter l’implantation pour les agriculteurs et d’apporter des fleurs aux pollinisateurs en plein été, période où elles sont rares dans la plaine agricole.

Dans la zone de plaine du Calvados, près de Falaise, Rémi Marc installe ce type de jachères depuis plusieurs années. « En 2019, j’en ai semé juste le 14 avril. Ces jachères sont implantées sous formes de bandes et elles représentaient 1,75 hectare en tout (équivalent à 2,625 hectares de SIE). J’ai complété mes déclarations de SIE avec les cultures intermédiaires implantées avant mes cultures de printemps », explique l’agriculteur. Rémi Marc est sensibilisé au respect de la biodiversité et de l’environnement. Il fait partie d’un groupe Écophyto de fermes.

Il note la présence des abeilles sur ses bandes ainsi que de carabes. « Des prélèvements ont montré qu’il y en avait cinq fois plus sur mes parcelles que dans les champs voisins. Mes bandes sont disposées tous les 200 mètres, pas trop éloignées les unes des autres de façon à permettre aux carabes d’atteindre le centre des parcelles. » Mais l’agriculteur est moyennement satisfait de l’impact de ces jachères mellifères sur les pollinisateurs. « Les bandes ont fleuri trop tôt en juin-juillet, et non en août-septembre comme nous le souhaitions car c’est la période où la plaine est vide de fleurs et où les insectes pollinisateurs comme les abeilles en ont le plus besoin. Il serait souhaitable de pouvoir décaler le semis de ces jachères. »

Une jachère classique avec trois variétés de trèfle blanc

Non loin de là, à Versainville, Rodolphe Lormelet est tout autant sensibles aux questions de biodiversité, mais il a choisi de ne pas déclarer de jachères méllifères ni de couverts au titre des SIE. « Mes couverts répondent au cahier des charges de la directive Nitrates mais pas des SIE. J’ai donc moins de contraintes sur les dates et modalités d’implantation et de destruction. Au final, mes couverts sont moins une source d’inquiétude en cas de contrôle que s’ils étaient déclarés en SIE. »

Pour les SIE, Rodolphe Lormelet déclare 6 hectares de jachère classique et des haies. « Mes jachères se composent d’un mélange de fétuque élevée très favorable aux carabes et de trèfle blanc composé de trois variétés pour produire une floraison étalée, notamment durant l’été. Parfois, j’y ajoute de la phacélie ou de la luzerne pour les pollinisateurs, explique l’agriculteur. C’est un compromis vis-à-vis des jachères mellifères. Ces dernières ont tendance à être colonisées par des adventices comme les chardons, rumex, chénopodes, qui ont le même cycle de développement que les espèces implantées en avril. D’autre part, elles ne répondent pas de façon satisfaisante à la période de disette des abeilles qui se situe entre la mi-août et la mi-septembre. La floraison des jachères mellifères a lieu deux mois après leur implantation, c’est-à-dire en juin-juillet. » L’agriculteur réserve ses pointes de parcelles, ses zones de mauvaises terres et des bordures à ses jachères. Une partie en bande de rupture en milieu de parcelle est indemnisée par la Fédération des chasseurs du département à 250 euros de l'hectare.

Des jachères mises en place pour plusieurs années

Pour Charles Boutour, auteur d'une étude à l'ONCFS, « les jachères mellifères sont intéressantes s’il y a une diversité de composition qui permet de couvrir une longue période de floraison. Si tout fleurit en même temps, on aura une surabondance à un moment donné, puis une absence de fleurs. Dans le cas de bandes implantées annuellement, on n'aura des fleurs qu’en juillet et en août. Cela peut être un atout pour faire la transition avant l’arrivée des couverts d’interculture, mais en cas de sécheresse en juin, il n’y aura pas de pollen. En revanche, dans le cas des jachères pluriannuelles, on dispose de ressources alimentaires pour les auxiliaires et les pollinisateurs toute l’année ».

Rodolphe Lormelet remarque « la bonne perception par les chasseurs et les riverains de ces surfaces mises en place pour préserver la biodiversité, ce qui pondère tout conflit ». L’agriculteur réussit à faire un atout de ses SIE plutôt qu’une contrainte. Rémi Marc et Rodolphe Lormelet louent l’impact de leurs jachères respectives sur les limaces grâce aux carabes qui limitent la présence de ces ravageurs dans leurs champs. Aucun antilimace n’y est épandu. Un vrai plus pour l’environnement.

EN CHIFFRES

Deux mélanges d’espèces florales à l’EARL Marc Rémi

195 ha (Ouilly-le-Tesson) dont 70 de blé tendre en 2019, 30 de betteraves (jusqu’en 2019), 30 de colza, 25 d’orge d’hiver, 7,5 d’orge de printemps, 7 de lin textile, 17,5 d’herbage (élevage de 15 vaches allaitantes) ;

1,75 ha de jachère mellifère (2 mélanges floraux) avec 2 mélanges : à 5 espèces (60 % sainfoin, 20 % mélilot, 10 % trèfle violet, 5 % minette et phacélie) et à 8 espèces (30 % sainfoin, 20 % sarrasin, 10 % mélilot, trèfle incarnat, violet et de Perse, 5 % phacélie et bourrache officinale) ;

40 ha de culture intermédiaire (phacélie-vesce) déclarées en SIE.

EN CHIFFRES

Jachère de fétuque et trèfle blanc chez Rodolphe Lormelet

117 ha (Versainville) dont 40 de blé tendre, 30 de luzerne, 20 de colza, 20 de pois de printemps, 10 d’orge d’hiver ;

6 ha déclarés SIE en jachère classique (fétuque élevée + 3 variétés de trèfle blanc) en bandes de 6 m de large : 3 km en bordure de bois, 3 ha dans les parcelles, 0,5 ha en bordures d’habitations ;

1,5 km de haies déclarées en SIE.

Une jachère avec au moins cinq espèces mellifères

La réglementation sur les SIE impose que les jachères méllifères soient composées d'un mélange d'au moins cinq espèces de dicotylédones choisies parmi une liste nationale. Le but est d’obtenir une végétation diversifiée et une floraison étalée en associant, si possible, vivaces et annuelles qui se ressèmeront chaque année. Pour une déclaration SIE dans l’année, la présence du couvert est obligatoire entre le 15 avril et le 15 octobre. L’entretien ne peut se faire que par broyage ou fauchage. Durant une période de 40 jours entre mai et juillet (les dates variant selon les départements), toute intervention est interdite sur la jachère.

Ne pas détourner les abeilles de leur tâche sur les porte-graines

Dans certains secteurs de la Beauce, près d’un tiers de l’assolement est concerné par des cultures porte-graines. « Cela peut générer des conflits avec les jachères méllifères. Les agriculteurs louent en effet des ruches pour assurer la pollinisation de leurs cultures et voient d’un mauvais œil les abeilles partir sur les jachères mellifères, souligne Jérôme Lesage, directeur de l’association Hommes et Territoires. Nous avons donc créé un mélange qui attire surtout les pollinisateurs sauvages, testé depuis trois ans et qui va être lancé en région Centre où il sera distribué par des semenciers. » Le couvert se compose d’une dizaine d’espèces telles que le sainfoin, le sarrasin, le trèfle blanc, le souci, la bourrache, l’achillée millefeuille, la luzerne, le trèfle incarnat… Avec un prix à l’hectare élevé (plus de 150 euros), des financements sont recherchés dans le cadre de projets collectifs de territoires.

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