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Colza : stimulez sa croissance grâce aux légumineuses associées

L’association de légumineuses au colza a fait ses preuves dans les contextes pédoclimatiques difficiles pour cette culture. À condition de faire les choix appropriés à la situation. Témoignages.

Des légumineuses associées au colza (en semis direct ici) dynamisent la croissance de la culture. © G. Sauzet/TerresInovia
Des légumineuses associées au colza (en semis direct ici) dynamisent la croissance de la culture.
© G. Sauzet/TerresInovia

Entre 200 000 et 250 000 hectares : les colzas associés occupent une place non négligeable dans les campagnes, en particulier dans les zones où les conditions pédoclimatiques limitent le potentiel. Associer une ou plusieurs légumineuses au colza peut être compliqué à mettre en œuvre au moment du semis et cela peut constituer un frein à son développement.

« Mais cette association apporte de petits bénéfices dans tous les domaines : le contrôle des ravageurs et des adventices, la nutrition azotée, la bonne croissance du colza à l’automne…, énumère Gilles Sauzet, spécialiste de ce sujet chez Terres Inovia. Mais il faut avoir réussi la levée avant. » La technique ne dispense surtout pas d’utiliser les autres leviers pour réussir l'implantation du colza : préparation du sol avant semis, fertilisation, choix des variétés…

Des plantes plus saines au printemps grâce aux légumineuses

Gilles Sauzet suit cette technique depuis de nombreuses années avec un groupe d’une quinzaine d’agriculteurs dans le Berry (Indre, Cher) en collaboration avec les Chambres d’agriculture et les coopératives du secteur. Fort de ces années de tests en parcelles agriculteurs, il présente des résultats éprouvés sur la durée. Exemple sur les légumineuses qui auraient un effet perturbateur sur les attaques d’altises.

Qu’en est-il ? « Le colza associé permet de gagner 10 % en plantes saines d’attaques d’altises et de charançons à la reprise au printemps par rapport à un colza seul, explique Gilles Sauzet, graphe à l’appui. L’association avec des légumineuses permet de passer le cap des 90 % de plantes saines au printemps, c’est-à-dire de plantes non buissonnantes. À ce niveau, l’impact sur le rendement des grosses altises et du charançon du bourgeon terminal n’est pas significatif, au contraire des colzas seuls où ces plantes saines représentent 75-85 % des pieds. À l’automne, deux tiers de ces parcelles saines chez les agriculteurs suivis n’avaient pas reçu d’insecticides », ajoute l’expert de Terres Inovia.

Une économie possible d’une trentaine d’unités d’azote au printemps

Autre sujet : l’azote. Dans quelle mesure la légumineuse associée apporte-t-elle cet élément au colza ? « La culture bénéficie de l’ordre de 30 à 40 unités d'azote au printemps provenant de ces légumineuses, estime Gilles Sauzet. Les colzas associés présentent toujours un meilleur indice azoté que les colzas seuls à la sortie de l’hiver. » Le spécialiste met également en avant le gain de rendement entre ces deux types de colza : « on augmente de 10 % le potentiel de rendement tout en pouvant baisser la quantité d’azote apportée. Sur 159 situations de l’Indre et du Cher entre 2013 et 2017, la moyenne de rendement se situe à 36,2 q/ha en colza associé contre 33,7 q/ha en colza seul avec 84 % des cas où le colza associé dépasse le colza seul dans les essais de comparaison. »

La liste des légumineuses pouvant être associées au colza est large. La féverole est très prisée, notamment du fait de la facilité à en produire des semences de ferme et à réduire les coûts de semis. Elle développe rapidement un pivot racinaire sur les dix premiers centimètres du sol. Son effet perturbateur sur les ravageurs a été observé mais elle ne concurrence pas les adventices. Pour cela, il faudra recourir à des légumineuses couvrant bien le sol comme le fenugrec, le trèfle d’Alexandrie, la lentille…

Parfois faire le choix entre les légumineuses et les adventices

Dans son guide sur les colzas associés, Terres Inovia identifie quatre critères pour choisir sa légumineuse : les températures à l’automne, la disponibilité en azote, la pression des adventices et l’intensité des épisodes de gel en hiver. À titre d’exemple, les effets positifs des légumineuses seront mieux valorisés dans les situations à faible disponibilité en azote qui se rencontrent dans des régions de grandes cultures aux sols argilo-calcaires : Poitou-Charentes, Centre, Grand-Est, Bourgogne Franche-Comté… Les parcelles à risque élevé en adventices dicotylédones sont à proscrire pour le colza associé. Le désherbage chimique qu’il faut privilégier dans ce cas détruira les légumineuses avant qu’elles n’aient produit un réel effet.

La gestion des mauvaises herbes mérite que l’on s’y attarde. « Si le couvert concurrence bien les adventices, il peut ne pas être nécessaire de réaliser un désherbage en post semis-prélevée, observe Gilles Sauzet. Ensuite, un traitement sera possible à vue sur des adventices présentes en post-levée. Mais dans ce cas, il vaut mieux attendre le 15 novembre pour laisser le temps aux légumineuses de faire leur travail bénéfique, sauf si la pression adventice est trop forte. »

Un mélange tout fait pour simplifier le semis

Pour rendre plus simple le semis de colza associé, Semences de France propose CoverMix, un mélange tout fait de semences de colza (parmi six variétés au choix), de trèfle d’Alexandrie et de fenugrec. « Ce trèfle a un effet efficace de couverture du sol et d’apport d’azote. Le fenugrec assure plutôt un rôle de perturbation des insectes ravageurs et il dynamise la croissance du colza », présente Alexandre Rolier, chef produit oléagineux chez Semences de France. Les graines de fenugrec, avec leurs bords anguleux, limitent le phénomène de stratification dans le semoir. Le mélange CoverMix a été commercialisé l’an passé avec une utilisation sur 6500 hectares. Avec cette association, le désherbage doit être adapté en conséquence : pas de produit à base de clomazone, non sélectif du trèfle. Les herbicides de post-levée de type Ielo, Biwix, Mozzar seront à utiliser le plus tard possible car ils détruiront le couvert. D’autres herbicides sont sélectifs comme le métazachlore. « En cas de non destruction du couvert associé faute de gel, il est possible d’utiliser le produit Lontrel au stade boutons accolés du colza pour le détruire », précise Alexandre Rolier.

Thierry Geoffroy, agriculteur à Saint-Lactencin (Indre)

« La féverole booste le colza »

 

« Depuis presque dix ans, j’associe le colza à de la féverole. Grâce à son pouvoir racinaire fort, la féverole booste le colza dans son démarrage et son implantation. Le colza sera alors plus robuste face aux insectes, avec un objectif d’arriver à 4 feuilles avant le 20-25 septembre. Après un apport d’engrais 18-46 en plein, je sème avec un semoir à dents à double cuve accueillant les graines de colza et de féverole. J’effectue un roulage immédiatement après pour garder l’humidité du sol. En termes d’adventices, mes parcelles sont relativement propres et un traitement à 1,2 l/ha de Novall suffit. Cet herbicide n’a pas d’impact sur la féverole. Le gel assure la destruction de celle-ci plus tard. Si ce n’est pas le cas, je détruis la féverole en décembre ou janvier avec le produit Ielo, qui sert aussi d’anti-graminées. Même s’il n’y a pas vraiment de transfert direct de l’azote fixé par la féverole vers le colza, il est possible d’économiser 20-30 unités d’azote sur la culture. Le colza produit plus de biomasse à l’hectare grâce à la féverole et a donc moins besoin d’azote ensuite. »

280 hectares dont 20 de colza, blé tendre, orges d’hiver et de printemps, féverole, pois, lin, millet, maïs, pois chiche

Xavier Arnould, producteur à Nant-le-Grand (Meuse)

« Abandon momentané de la féverole pour pouvoir traiter les géraniums »

 
Xavier Arnould, producteur à Nant-le-Grand (Meuse) © X. Arnould

« J’ai fait du colza associé jusqu’à cette année où la nécessité de détruire des géraniums avec le produit Mozzar m’a obligé à ne pas recourir à la féverole comme je le faisais précédemment. J’ai fait également un important apport de compost AgroVert juste après moisson en comptant dessus pour une fourniture d’azote et d'autres éléments nutritifs tout au long de la campagne de culture. Le résultat est mitigé à cause d’importantes attaques de ravageurs à l’automne. Précédemment, j’ai implanté de la féverole avec le colza. L’impact sur les ravageurs n’est pas évident même si, dans ma démarche Ecophyto, je réduis le recours aux insecticides à l’automne. La féverole permet de déplafonner le rendement plutôt que de faire des économies d’azote et l’intérêt de cette légumineuse est de pouvoir utiliser des semences de ferme. J’ai fait d’autres essais de plantes compagnes. La luzerne a bien fonctionné avec le colza, mais la légumineuse a concurrencé le blé qui a succédé au colza. Avec les aléas climatiques et les attaques d’altises, le rendement du colza se retrouve de plus en plus impacté et il faut donc trouver des solutions agronomiques pour réduire nos charges tout en protégeant la culture. Ceci reste un beau challenge. »

470 hectares via deux SCEA : 1/3 blé, 1/3 orge de printemps, dernier tiers avec tournesol, colza (65 hectares) et pois

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