Aller au contenu principal

Charrue déchaumeuse : le bon compromis agronomique grâce au labour à faible profondeur

Efficiente dans la gestion des adventices grâce au retournement du sol, mais tout en conservant la matière organique dans les premiers centimètres, la charrue déchaumeuse fait des émules, y compris chez des adeptes du non-labour.

Elles allient haut débit de chantier et économie de carburant, lutte contre les mauvaises herbes et perturbation minimale des horizons du sol. Elles, ce sont les charrues déchaumeuses, qui ont connu un regain d’intérêt il y a une dizaine d’années et suscitent toujours plus d’intérêt. Dix ans, c’est le recul dont dispose Hugues Demarest, installé à Annois, dans l’Aisne, pour juger de l’efficacité de sa charrue Kverneland huit corps. « Le premier avantage, c’est de pouvoir travailler sur une grande largeur », explique l’exploitant. Sa charrue permet un passage de 3 mètres, qu’il réalisait au départ avec un tracteur de 150 chevaux. Pour Hugues Demarest, l’intérêt agronomique de la charrue déchaumeuse est certain. « Je travaille sur 15 centimètres environ. Cela enfouit, mais peu profondément, avec une matière organique bien répartie. Elle ne se retrouve pas au fond de la raie, mais sur les 15 centimètres, ce qui permet une bonne dégradation grâce à une meilleure oxygénation. » Le portefeuille est lui aussi oxygéné : l’agriculteur estime à environ 30 % l’économie de carburant par rapport à un labour classique. Grâce à une vitesse de travail de 10 kilomètres à l'heure, « je peux faire 20 hectares dans la journée quand les conditions sont bonnes », apprécie Hugues. Depuis l’introduction obligatoire des couverts, le tableau n’est toutefois plus tout à fait aussi rose. « Auparavant, c’était la garantie d’un sol propre, mais c’est un peu plus compliqué avec l’obligation des couverts végétaux. Certains présentent une masse végétale importante et un chevelu racinaire dense, et le retournement se fait alors moins bien, constate-t-il. Depuis cette obligation, je suis confronté au développement des vulpins et je dois appliquer du glyphosate plus régulièrement pour lutter contre le verdissement du labour. »

Un atout contre l’érosion en zone sensible

Bien plus au sud, à Monestrol, dans le Lauragais, Baptiste Marquié s’est lui aussi laissé séduire par la charrue déchaumeuse. Après s’être converti en bio en 2015, il a opté pour un modèle dix corps en 15 pouces sécurité non-stop chez Ovlac, qui travaille sur près de 4 mètres. Son dégagement relativement important l’a rassuré quant au risque de bourrage. De telles dimensions et le contexte local (des terrains forts dans les coteaux) imposent de la puissance : la charrue est attelée à un tracteur de 335 chevaux. « Il faut un tracteur lourd car c’est une charrue hors raie, ce qui induit une perte d’adhérence, explique Baptiste. Mais cela me permet de faire des labours en travers de la pente et donc de remonter la terre. » L’outil lui permet ainsi de gérer les mauvaises herbes tout en limitant les risques d’érosion, un enjeu crucial dans ce secteur, et particulièrement en bio. Pour l’agriculteur, installé sur 110 hectares et qui exploite 400 hectares supplémentaires en tant qu’entrepreneur avec un collègue, le débit de chantier est un atout précieux. « Le travail est toujours plat, même si on n’est pas au centimètre près au volant, apprécie Baptiste. Mieux vaut cependant être équipé de l’autoguidage, sans quoi la conduite peut être pénible. »

L’érosion, c’est aussi l’une des plaies du secteur où se situe Laurent Guérin, à Ermenouville, en Seine-Maritime. Lui en est à sa sixième campagne avec l’Ecochaum de Bonnel, une sept corps réglée en 12 pouces. Pour l’agriculteur, la charrue déchaumeuse est une très bonne solution alternative au glyphosate pour semer sur des sols propres, tout en réduisant l’érosion sur ses sols de limons très battants. « Il faut des mottes en hiver pour lutter contre l’érosion, explique l’agriculteur. L’utilisation de la charrue déchaumeuse produit une surface rugueuse, avec des poches d’air, ce qui limite le phénomène. » Il faut certes avoir l’opportunité de mettre la charrue dans le champ au 15 novembre. « Ce n’est parfois pas simple, mais on trouve toujours un moment pour le faire pendant l’hiver. » Les automnes humides, il sort également l’Ecochaum avant les blés. « Lorsque le sol est un peu boueux en surface, on risque de trop le lisser au semis. Avec la charrue déchaumeuse, on peut faire un excellent travail sur 15 centimètres en restructurant le sol pour obtenir une terre plus saine et plus ressuyée. » Une intervention qui ne consomme que 11 litres de GNR à l’hectare.

Reprendre la main contre les adventices

Les terres battantes, François-Xavier et Laurence Déchamps connaissent bien. Sur leur exploitation de 240 hectares de grandes cultures, à Touquin, dans le nord de la Seine-et-Marne, les terres affichent 9 à 15 % d’argile. Voilà vingt ans qu’ils pratiquaient le non-labour, en système de semis simplifié. Une pratique justifiée notamment par des cailloux qui affleurent à 20 centimètres seulement par endroits. Laisser la charrue sous le hangar évitait de les remonter à la surface. Mais, à partir de cette année, les Déchamps vont changer leur fusil d’épaule : ils viennent d’acquérir une charrue déchaumeuse Bonnel six corps équipée en non-stop. « Le développement de vulpins et de ray-grass résistants a été le gros déclencheur, avec des foyers qui se sont agrandis ces dix dernières années, raconte François-Xavier. Avec la fin annoncée du glyphosate, il fallait trouver une solution, et nous avons entendu parler de la charrue déchaumeuse au cours d’une formation sur le désherbage à la chambre d’agriculture. » L’option leur a semblé plus réaliste que la conversion au semis direct. « Le système ne peut fonctionner qu’avec le glyphosate, et l’investissement pour un semoir dédié au semis direct était beaucoup plus élevé que pour une charrue déchaumeuse », explique Laurence. Pour les Déchamps, ce choix va également dans le sens d’une recherche de diminution du nombre de traitements. Une logique inhérente à l’exploitation, impliquée dans le réseau des fermes Dephy. « Par rapport au non-labour, c’est un peu un retour en arrière, mais c’est un bon compromis, considère François-Xavier. Grâce à la faible profondeur de travail, cela permet de ne pas remonter de pierres et de maintenir la matière organique en surface, ce qui est important dans nos conditions battantes. Nous ne voulions pas voir tous les avantages agronomiques acquis pendant vingt ans partir en fumée. »

Gros débit, faible consommation

C’est l’une des caractéristiques très appréciée des charrues déchaumeuses : le faible écartement entre les corps, la petite taille des versoirs et la faible profondeur de terre travaillée permettent un gros débit de chantier sans exiger de grosse puissance de traction. Selon les modèles, ces charrues peuvent travailler sur une largeur de 2,50 à 4 mètres. Dans la plupart des cas, les charrues déchaumeuses peuvent se satisfaire d’un tracteur de moins de 150 chevaux, pour des débits de chantier autour de 20 hectares par jour.

Dominique Collin, 280 ha en bio à Marolles-en-Brie, Val-de-Marne

« Un outil à la polyvalence très intéressante »

« Je me suis équipé d’une charrue déchaumeuse car il me semble que c’est un outil très intéressant et polyvalent. Le premier objectif est de retourner la terre pour désherber, ce qui est la principale problématique en bio. Un petit labour estival à 10-15 centimètres sera notamment utile dans la lutte contre les rumex, tout comme avant un blé pour détruire les graminées. Du fait de la possibilité de travailler sur une faible profondeur, je vais me pencher sur la stratégie d’alternance entre des profondeurs d’enfouissement plus ou moins importantes. Si l’on enfouit très creux la première année, à 25 centimètres, puis que l’on laboure à 17 centimètres lors du labour suivant, une partie des graines d’adventices ne seront pas remises à la surface. Cela devrait se traduire par une destruction plus importante du stock semencier. J’ai également pu faire un essai pour retourner de la luzerne, et le travail de la charrue déchaumeuse est impressionnant dans ce contexte de terre très sèche dès les premiers centimètres sous cette culture. Cela permet un déchaumage de la luzerne en un seul passage, contre trois ou quatre passages nécessaires avec des outils à dents. De manière générale, la charrue déchaumeuse est très intéressante du point de vue organisationnel vu le débit de chantier qu’elle autorise. J’ai opté pour une huit corps, avec un travail de 3 mètres de large, pour une vitesse de 10 kilomètres à l'heure. Comme on travaille peu de terre, il faut néanmoins que tout soit parfaitement réglé, ce qui est un peu compliqué au début et nécessite un temps d’adaptation. »

280 ha conduits en production biologique : luzerne, blé, lin, pois, betteraves et céréales secondaires.

Les plus lus

Semis de maïs au strip-till en période de sécheresse en juin 2023, agriculture de précision
Semis de printemps en non-labour : quelles techniques pour réchauffer ses sols ?

En non-labour, que ce soit en techniques culturales simplifiées ou en agriculture de conservation des sols, l’enjeu du…

Fertilisation : Le phosphore fait défaut dans les sols cultivés en France
Fertilisation : Le phosphore fait défaut dans les sols cultivés en France

La situation des sols continue de se dégrader en France sur leur teneur en phosphore. Conséquences : des pertes de…

Céréales versées dans une benne avec des silos en arrière plan
Prix des céréales : sécuriser sa trésorerie face à la volatilité

Depuis la récolte 2023, les cours des céréales sont orientés à la baisse. Pour prendre les meilleures décisions et faire face…

Julien Pionnier, agriculteur et fondateur de la société Evo'Mat.
Prix des céréales : « J’essaye de minimiser les pertes en étalant la vente de ma production »
Julien Pionnier, agriculteur dans le Loir-et-Cher et l’Eure-et-Loir, à Saint-Denis-Lanneray, cale la vente de sa récolte en…
Marc Moser, agriculteur à Kurtzenhouse (67)"En 2024, j’envisage d’appliquer un anti-dicotylédones à 5-6 feuilles du maïs et/ou une application dirigée de Banvel à ...
Désherbage maïs : « Nous faisons face à l’explosion de datura dans nos parcelles »

Le datura est signalé en Alsace depuis quelques années. Agriculteur à Kurtzenhouse (Bas-Rhin), Marc Moser doit dorénavant…

Agriculteur déambulant dans son champ de maïs
Cancers et phytos : six pathologies plus fréquentes dans la population agricole que dans la population générale

Depuis 2005, la cohorte Agrican étudie la santé de 180 000 personnes affiliées à la MSA. Les résultats montrent que…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures