Cessation d’activité agricole : comment résorber son compte courant d’associé créditeur ?
Plusieurs solutions existent pour résorber un compte courant d'associé lorsqu'il est créditeur, du remboursement à l'abandon, en passant par la conversion en parts sociales. Et il est parfois nécessaire d'en combiner plusieurs.
Plusieurs solutions existent pour résorber un compte courant d'associé lorsqu'il est créditeur, du remboursement à l'abandon, en passant par la conversion en parts sociales. Et il est parfois nécessaire d'en combiner plusieurs.

Ca y est, je prends ma retraite ! Mais mon compte courant d'associé est créditeur, que faire ? Cette situation est un grand classique qu'il est préférable d'éviter, car source de difficultés pour les associés qui restent et pour ceux qui entrent. Les comptables conseillent ainsi régulièrement à leurs clients de « prélever » dès que la trésorerie le permet. Ils recommandent également de réaliser, une dizaine d’années avant la retraite, un diagnostic pour identifier les solutions mobilisables afin d'éviter la constitution d'un solde créditeur.
Un emprunt onéreux pour les associés restants
Faute d'avoir pris ces précautions, il faudra gérer ce crédit au moment du départ. La première méthode consiste, pour la société, à emprunter à la banque la somme dont elle est redevable à l’égard de l’associé sortant. « Mais qui payera les frais financiers de cet emprunt : l’associé sortant ou le repreneur ? », souligne Marie-Chloé Pellegrin, experte-comptable dans le secteur agricole, au sein du cabinet Aragor, à La Fare-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes.
Si l’associé anticipe le règlement du compte courant d’associé cinq à sept ans avant son départ, les frais financiers pourront être assumés par lui-même et ses coassociés. En revanche, s’il attend son départ, ils reposeront sur le repreneur. « Cela serait délicat dans le cadre d’une transmission hors cadre familial », prévient-elle. De plus, cet endettement de la société réduira la capacité d’emprunt du repreneur pour ses propres projets.
Exemple : A détient un compte courant d’associé de 100 000 €. La société emprunte 100 000 € à 3,8 % sur 7 ans, le coût pour la société est d’environ 18 000 € à la charge des associés qui restent si l’emprunt est contracté au départ de A.
Convertir le compte courant d’associé en parts sociales : une solution en deux temps
Le solde du compte courant d’associé ne peut pas être réévalué. En revanche, quelques années avant sa sortie, le compte courant d’associé peut être incorporé au capital pour créer des parts sociales supplémentaires qui s’ajouteront aux parts déjà détenues par l’associé. Le jour du départ, ces parts sociales sont estimées, en vue de leur cession. Plusieurs méthodes d’évaluation existent, dont certaines pourraient leur attribuer une valeur moindre.
Exemple : en année n-5, A possède 50 parts estimées à 200 000 €, soit 4 000 € par part et un compte courant d’associé de 100 000 €, qui se transforme en 25 parts supplémentaires (25 x 4 000 €/part = 100 000 €).
En année n, les parts sont évaluées selon une autre méthode, à 3 600 €. Autrement dit, en 5 ans, la valeur à transmettre de 300 000 € (200 000 € de parts + 100 000 € de compte courant d’associé) est devenue 270 000 € (3 600 €/part x 75 parts), soit 30 000 € de moins.

Contrairement aux parts sociales qui peuvent bénéficier d’une exonération fiscale, dite « pacte Dutreil » en cas de donation, le compte courant n’y est pas éligible. Dès lors, si l’intention du cédant est de transmettre à titre gratuit, cette conversion du compte courant en parts sociales sera à privilégier, afin de bénéficier de 75 % d’exonération de droits de donation.
Attention toutefois dans les Gaec qui bénéficient de l’ICHN et d’autres aides de la PAC. Cette création de parts sociales peut engendrer un déséquilibre pénalisant le niveau de subventions PAC perçues par le Gaec.
L’étalement du remboursement après le départ : un règlement échelonné
Autre solution, il est possible, notamment pour alléger l’endettement de la société, de convenir dans le procès-verbal de sortie que le remboursement sera étalé sur plusieurs années. Cela constituera alors un complément de retraite. « Toutefois, nous alertons sur le risque pour les héritiers que cette créance du retraité soit oubliée dans la succession, prévient Marie-Chloé Pellegrin. En effet, elle n’est pas visible pour les cohéritiers qui ignorent ce revenu en nature. Elle constituerait alors une donation indirecte. »
Exemple : A détient un compte courant de 100 000 €, sa consommation annuelle d’électricité s’élève à environ 500 €. Son habitation est sur le même compteur que l’exploitation. La société lui payera sa facture pendant environ 200 ans. Puisqu’il décédera avant, si ses héritiers ne réclament pas cette créance, n’en ayant pas connaissance, elle s’éteindra au bénéfice de la société qui en dégagera un résultat exceptionnel.
L’abandon de compte courant d’associé : attention au résultat exceptionnel au réel
Dans le cadre familial, les parents qui s’inquiètent des difficultés de trésorerie de la ferme ont tendance à ne pas revendiquer le compte courant d’associé. Souhaitant faciliter l’installation de leur enfant, ils privilégient la transmission du patrimoine immobilier, plus accessoirement des parts sociales, mais omettent fréquemment ce compte courant d’associé. Celui-ci est pourtant une dette de la société à leur égard, dont pourraient bénéficier les frères et sœurs non installés. Pour prévenir tout litige avec les héritiers, il est fondamental de garder une trace écrite de cet abandon par l’associé sortant, dans une clause du procès-verbal de sortie.
En pratique | Cession agricole : comment optimiser la fiscalité avant de transmettre sa ferme ?
Fiscalement, cet abandon peut devenir problématique, car pour la société cette somme devient un résultat exceptionnel, puisqu’il s’agit d’une dette finalement non due. Ce revenu exceptionnel devient donc imposable, pour les associés qui restent.
Dans les Gaec imposés au micro-BA, ce n’est pas problématique et facilement pratiqué. En effet, au micro-BA, la base imposable est constituée des sommes encaissées en provenance de l’activité agricole (vente, subventions…). Or cet abandon ne fait pas partie des encaissements imposables au micro-BA.
La reprise d’élément d’actif : un règlement en nature
Un autre moyen de résorber le compte courant d’associé consiste à suggérer au sortant de prendre dans la société des biens d’une valeur équivalente, quitte à les surévaluer un peu, pour faciliter le remboursement. À son départ à la retraite, l’associé peut vouloir un vieux tracteur pour faire du bois, un quad, un véhicule, des améliorations foncières...
Exemple : A détient un compte courant d’associé de 100 000 €. Il s’approprie pour son usage personnel un vieux tracteur d’une valeur de 10 000 € et un quad de 6 000 €. Il récupère un hangar construit sur une parcelle qu’il avait mise à disposition de la société, qui va désormais lui louer d’une valeur estimée à 24 000 €. La société ne lui doit plus que 60 000 €.
En pratique, quand le compte courant d’associé atteint une somme de plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d’euros que la société n’a pas les moyens de payer, une combinaison de ces solutions est proposée.
Le compte courant d'associé
Le compte courant d’associé est le compte dans lequel se soustraient et s’additionnent les relations financières entre la société et l’associé. Y sont comptabilisés : la quote-part de résultat de l’associé, mais aussi du loyer que la société doit à son associé qui lui met ses terres et bâtiments à disposition, de sa rémunération du travail, de la facture d’électricité du bâtiment réglée par l’associé en même temps que celle de son habitation, des courses payées avec la carte bancaire de la société, etc. Si son compte est débiteur, l’associé doit de l’argent à la société ; s’il est créditeur, c’est l’inverse. Ce compte figure au bilan comptable : au passif s’il est créditeur et à l’actif s’il est débiteur.
Régulariser un compte courant débiteur
Le compte courant d’associé affiche un solde débiteur quand l’associé a prélevé plus qu’il n’en avait le droit. Autrement dit, il est à découvert. En société commerciale (SARL et dans certains cas en SAS), cette situation est strictement interdite quand elle concerne un associé personne physique. De plus, elle comporte des risques fiscaux (imposition dans la catégorie des « revenus de capitaux mobiliers ») et sociaux (appel de cotisations sociales si l’associé concerné est un dirigeant). Elle pourrait même être qualifiée de délit d’abus de biens sociaux, puisque l’associé a utilisé dans son intérêt personnel des fonds de la société qui pourraient lui faire défaut. En société civile agricole (Gaec, EARL, SCEA, GFA), ce n’est pas interdit, mais fortement déconseillé.
Lors de son départ, l’associé doit régler sa dette à la société. Afin de la résorber sans paiement, la société peut lui accorder une rémunération du travail plus importante, des remboursements de frais kilométriques (domicile-travail), une part de bénéfices distribuée plus importante que ses coassociés, ou tenir compte de factures payées par l’associé pour le compte de l’entreprise, à condition que ces sommes soient justifiables.