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Maladie
Blé dur contre mosaïque, une course contre la montre

Les cas de mosaïque sur blé dur se multiplient dans les différents bassins de production de la culture. La lutte génétique est la seule parade, mais les variétés résistantes se font attendre.

La mosaïque, une menace pour le blé dur ? Dans les années 90, une telle hypothèse aurait fait sourire. La mosaïque du blé n’était-elle pas inféodée aux limons battants de la région Centre, épargnant de fait les blés durs, jamais cultivés sur ce type de sol? Erreur. Au début des années 2000, la détection de la maladie sur blé dur en Beauce venait instiller le doute, bientôt transformé en certitude : le virus de la mosaïque striée en fuseaux du blé (VSFB), l’un des deux principaux virus responsables de la maladie, est capable de propager l’infection quel que soit le type de sol.

Tous les bassins de production de blé dur sont touchés

Tous les bassins de production du blé dur sont désormais touchés. « La maladie s’est développée de façon exponentielle depuis cinq ans dans toutes les zones », confirme Michel Bonnefoy, ingénieur Arvalis pour la zone Centre Ile-de-France. L’origine de cette explosion demeure inconnue. Seul point commun à tous les bassins: un retour de plus en plus fréquent de la culture dans la rotation. Il n’existe pas à ce jour de bilan précis des surfaces concernées, car la mosaïque sait se faire discrète.

« Il est certain que le phénomène est en extension, mais il est difficile de chiffrer les hectares touchés, explique Philippe Braun, collègue de Michel Bonnefoy dans la région Sud. Plus l’hiver est froid et plus la maladie se voit, mais elle peut passer inaperçue une année sans hiver. » Ni vue ni connue, la mosaïque chaparde probablement des quintaux bien au-delà des parcelles où elle est prise en flagrant délit. En cas de fortes attaques, elle peut coûter entre un tiers et la moitié du rendement. Au pire, cela peut aller jusqu’à la disparition des pieds. « Dans certains secteurs de Beauce, des agriculteurs qui ne faisaient plus de blé tendre depuis vingt-cinq ans s’y sont mis à cause de la mosaïque », constate Michel Bonnefoy.D’autres se sont vus contraints l’an passé de retourner des parcelles de plusieurs dizaines d’hectares.

Pas de variété de blé dur résistante contre la mosaïque

Pour le blé dur, la course contre la montre est désormais lancée : d’un côté, la présence de la maladie ne peut aller qu’en s’aggravant, car « une fois qu’elle est là, on ne s’en débarrasse pas », précise Philippe Braun; de l’autre, les sélectionneurs tentent de mettre au point des variétés résistantes, seule parade possible.Aujourd’hui, Soldur est l’unique variété présentant cette caractéristique contre le virus des stries en fuseaux,mais ce blé déjà ancien affiche un rendement et une qualité incompatibles avec les exigences du marché.

« Plusieurs sélectionneurs travaillent à cet objectif, mais le sujet est confidentiel car concurrentiel, explique Franck Lacoudre, sélectionneur chez Eurodur. L’enjeu est important pour la zone nord, et désormais aussi pour le Sud-Ouest, où le problème s’est nettement aggravé depuis deux ans. » La première étape consiste à trouver des marqueurs moléculaires associés à la résistance. Il faudra donc patienter encore plusieurs années pour voir arriver la variété attendue, combinant résistance, rendement et qualité.

Et d’ici là? « En tant que conseiller, on ne peut que recommander de ne pas faire de blé dur dans les parcelles touchées », explique Michel Bonnefoy. Malgré un léger gradient de tolérance affiché par certains blés durs, aucune variété - hormis Soldur - ne peut garantir un bon résultat en cas d’attaque importante de la maladie. Les amateurs de roulette russe se tourneront vers les « moins mauvais choix » : Biensur ou Cultur en Beauce, et, dans le Sud, Némésis ou Nautilur, avec Clovis ou Claudio en option si les premières ne sont pas disponibles. Si l’on préfère jouer la sécurité, mieux vaut écarter le blé dur au profit du blé tendre. Préalable indispensable : savoir avec certitude à quel virus on a affaire sur la ou les parcelles porteuses de la mosaïque.

Procéder à une analyse des pieds dès l'apparition des symptômes

Le VSFB est très fréquemment la cause de la maladie dans les zones à blé dur. Il peut toutefois cohabiter avec son cousin, le virus de la mosaïque des céréales (VMC). Un diagnostic sûr est indispensable pour bien choisir la variété de blé tendre : le pool de variétés résistantes est nettement plus fourni dans cette espèce qu’en blé dur,mais certaines variétés de blé tendre résistantes au VMC ne le sont pas au VSFB et réciproquement. Et une attaque de VMC sur une variété de blé tendre sensible coûte cher.

« On observe de plus en plus de cas où le diagnostic visuel est difficile à établir sur blé dur, notamment lorsque l’hiver est froid, explique Michel Bonnefoy. En sortie d’hiver, le rond atteint rougit puis meurt, rendant l’analyse impossible. » Il est donc conseillé de réaliser un prélèvement de pieds dès l’apparition de symptômes pouvant correspondre à la mosaïque et de les faire analyser (voir encadré).

Retarder la propagation du virus entre parcelles contaminées et parcelles saines

Lorsque la présence de la mosaïque est confirmée sur son parcellaire, on peut essayer de retarder la propagation du virus. Celle-ci se fait essentiellement par le transfert de terre d’une parcelle contaminée à une parcelle saine. Tout ce qui limitera ce phénomène retardera l’inéluctable: rinçage des outils de travail du sol, précautions en cas d’irrigation… Sans garantie toutefois : « il suffit parfois de déchaumer lorsque le sol est très sec par temps venteux pour que la poussière qui s’envole contamine les champs avoisinants », prévient Michel Bonnefoy. Le même résultat peut être provoqué par les ruissellements d’eau.Tic, tac…

Une nouvelle méthode d’analyse bientôt disponible
Jusqu’à présent, le seul moyen de diagnostiquer la présence de mosaïque et de s’assurer du virus en cause est un test Elisa réalisé par le laboratoire Galys, à Blois. Laborieux et nécessitant la production de sérum, ce test devrait bientôt ne plus être l’unique méthode disponible. Depuis deux ans, le Geves et l’Inra de Montpellier procèdent à la validation d’une méthode PCR, plus rapide et plus simple. Ceci devrait permettre de développer les analyses à plus grande échelle.

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