Tuta absoluta : quels sont les verrous techniques en culture de tomate ?
Le ravageur « Tuta absoluta » continue d’impacter les cultures de tomate notamment celles en sol du sud de la France. Afin d’identifier les verrous techniques et mettre à jour des tendances, l’Aprel fait le point sur les pratiques et mène l’enquête. [Article rédigé par Emmanuel Delarue]




La protection des cultures est un volet important de l’action de l’Aprel, station d’expérimentation légumière basée dans les Bouches-du-Rhône et membre de l'Irfel. Avec les produits qui ne sont pas soutenus au fil des ré-homologations de dossiers, et les ravageurs qui réapparaissent ou émergent, le besoin de solutions nouvelles et d’alternatives se ressent fortement sur les exploitations. Les problématiques à travailler sur toutes les espèces sont nombreuses, et les leviers étudiés vont de la biodiversité fonctionnelle à la production biologique intégrée (PBI) en passant par le piégeage.
Aussi, l’Aprel a réalisé une enquête pratique sur la gestion du ravageur Tuta absoluta en culture de tomates sous abri dans le cadre du projet Bioc’App. « Nous sommes partis du constat que, depuis 2022, nous observons une augmentation des décrochages liés au ravageur, voire des explosions dans certaines serres. L’objectif était de réaliser un recensement des pratiques, afin d’identifier des verrous techniques de gestion de ce ravageur. Il ne s’agit pas d’établir des liens de causalité, mais de mettre en lumière des corrélations à aller creuser », explique Aurélie Rousselin, chargée d’expérimentation à l’Aprel.
50 % des producteurs en sol subissent des pertes
Trente-six producteurs ont répondu à cette enquête. Comme l’indiquent en parallèle les bilans tomate sol des Bulletins de santé du végétal sur les années 2022 et 2023 – où Tuta absoluta apparaît en première position –, ce sont surtout les producteurs de tomates en sol qui indiquent être concernés par des pertes de rendements et une forte pression du ravageur. Les producteurs en hors-sol n’ont pas déclaré de problèmes de gestion de la Tuta, alors que 50 % des producteurs en sol sous abri subissent des pertes de rendement. Ceux qui ne déclarent pas avoir de dégâts sont ceux qui ont davantage de recul sur le ravageur, avec une pression historique sur l’exploitation.
« Chez eux, le ravageur est présent depuis dix ans sur l’exploitation. Alors qu’en proportion, ceux qui déclarent des dégâts sont ceux pour qui la pression est plus récente sur l’exploitation. Tuta est un ravageur qui demande du temps pour être maîtrisé », observe la chargée d’expérimentation à l’Aprel. Il ressort également de l’enquête que « les producteurs déclarant des dégâts sont ceux qui pratiquent, en proportion, le moins les lâchers d’auxiliaires Macrolophus avec nourrissage. Une bonne installation des Macrolophus peut donc s’avérer payante », souligne Aurélie Rousselin. On observe aussi qu’une proportion moins importante de producteurs avec des dégâts utilise des pièges de détection Tuta à l’intérieur des abris. Les producteurs avec des dégâts sont plus nombreux à mettre en place les pièges de détection avant la plantation.
Porter des gants pour poser les diffuseurs
Ces observations peuvent traduire une surveillance plus allégée, des détections moins précoces, et donc des situations qui explosent aussi plus facilement. Quant au recours à la confusion, aucune différence notable n’est observée dans l’enquête : la majorité des producteurs en tomates en sol (81 %) ont recours à la confusion sexuelle contre Tuta absoluta. Et l’utilisation de la confusion Isonet T3® est la technique la plus répandue.
Un autre constat notable concerne le port des gants. La consigne de port des gants pour la pose est globalement respectée… mais un petit peu moins chez les producteurs chez qui la présence de dégâts liés à Tuta est forte, sachant qu’outre les précautions vis-à-vis du poseur, « l’absence de gants peut altérer la capacité de diffusion du diffuseur en raison du contact avec la transpiration », ajoute Aurélie Rousselin. L’une des questions posées lors de l’enquête ciblait aussi la date de pose. Pour rappel, il est recommandé d’installer la confusion avant la plantation. La moitié des producteurs avec des dégâts sont plutôt de bons élèves, puisqu’ils respectent cette recommandation. A contrario, les producteurs sans dégâts posent la confusion plus tardivement.
Pas d’impasse sur le renouvellement
Plusieurs observations méritent aussi d’être relevées en ce qui concerne les producteurs touchés par Tuta. Ils pratiquent en proportion plus de traitements systématiques à la réception des plants, davantage d’effeuillages si Tuta absoluta est présente, mais pas d’effeuillages systématiques. Ils ont également davantage recours à la pose de filets, mais exportent aussi plus de résidus de culture. L’installation de la confusion sexuelle est également davantage faite avant la plantation. Ces producteurs pratiquent enfin un peu plus le renouvellement systématique de la confusion. Là encore, les résultats de l’enquête ne permettent pas d’établir un lien direct de causalité entre la pratique et la présence de dégâts, mais simplement de mettre en évidence des corrélations.
Dans cette dernière situation par exemple, l’adoption plus importante du renouvellement systématique de la confusion par les producteurs ayant des dégâts n’est sans doute pas la cause des dégâts, mais plutôt leur conséquence. « En présence de dégâts, le producteur est moins enclin à faire l’impasse sur le renouvellement », explique Aurélie Rousselin. Avec une saison 2024 assez catastrophique sur Tuta absoluta en Provence, l’Aprel a relancé une enquête spécifique sur la saison qui vient de s’écouler. À l’issue de ces travaux, la station souhaite mettre à jour les préconisations en matière de gestion.
Bioc’App identifie les facteurs de succès
Le projet Bioc’App – qui mobilise plusieurs partenaires techniques dont l’Astredhor, l’Inrae et les chambres d’agriculture – vise à faciliter l’usage et l’adoption du biocontrôle par les producteurs. Son objectif est d’identifier les facteurs de succès en production, en mettant à contribution le réseau et l’expertise des producteurs, conseillers et expérimentateurs via l’utilisation d’un outil numérique.