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Interpera 2022
Poire : comment rester positif dans un contexte marqué par l’inflation, la baisse de consommation et la guerre en Ukraine ?

Les différents présentations et débats au Congrès de la Poire ont bien sûr mis en évidence des chiffres et des constats inquiétants. Mais de nombreuses solutions, à tous les niveaux, sont à l’essai et Interpera a permis aux opérateurs de la poire d’échanger sur ces innovations et de retrouver le moral.

Sur trois jours, dont un de présentations et débats et deux de visites techniques, Interpera a réuni 112 participants de 14 nationalités différentes. Ici, sur la photo : visite de la station de l'entreprise Van ossen Bruggen aux Pays-Bas le 28 juin.
© Julia Commandeur - FLD

« Programme riche », « très intéressant », « de très haut niveau » … et le « plaisir de se retrouver et d’échanger en vrai », « du networking », « des prospé clients prometteurs » … Tels ont pu être les termes entendus lors et à l’issue d’Interpera, congrès dédié à la poire, qui a tenu sa 13e édition coorganisée par l’AREFLH et l’association néerlandaise de producteurs DPA, le 29 juin à Rotterdam, après des éditions reportées en raison du contexte Covid. Un succès donc ! Et pas seulement dû aux traditionnelles premières prévisions de récolte, qui sont toujours très attendues.

 

Un bilan très satisfaisant et un retour dès 2023

Sur trois jours, dont un de présentations et débats et deux de visites techniques, Interpera a réuni 112 participants de 14 nationalités différentes, principalement européennes mais aussi d’Amérique du Nord, africaines… et même l’Arménie était représentée pour la première fois ! Côté cocorico, la France était bien au rendez-vous, avec l’ANPP bien sûr, une belle délégation de Blue Whale, Dalival… Une des forces d’Interpera est de rassembler des profils très différents : producteurs et techniciens, chercheurs, commerciaux, dirigeants d’entreprises, du secteur de la production jusqu’aux fournisseurs de machines et d’intrants.

Face au succès et des enjeux du secteur, il est fort probable que Interpera revienne sur une organisation annuelle et non plus bisannuelle. D’ailleurs, la prochaine édition aura lieu en 2023, à la même période. Cette 14e édition posera ses valises en Catalogne et sera coorganisée par Afrucat. Un retour aux sources puisque la création d’Interpera avait été insufflée par cette organisation catalane et s’était tenue en 2008 à Lleida.

 

Des chiffres pas positifs du tout pour la poire

Gerard Pronk (DPA) a ouvert et conclu les débats : « Les problématiques du moment nous touchent de plein fouet : prix de l’azote, impact de la guerre en Ukraine… Offre et demande, est-ce que le marché de la poire est assez large ? Les producteurs sont en concurrence les uns les autres mais il y a une coopération européenne pour faire face aux challenges actuels. On a vu lors de ces trois jours d’Interpera des chiffres pas très positifs et beaucoup de défis à relever. A nous d’inverser la tendance ! A nous de rendre notre secteur plus excitant, en particulier pour les jeunes. »

La situation actuelle du secteur de la poire en Europe est en effet complexe. Les prévisions de récolte en sont perturbées, la consommation est en baisse, les exportations sont limitées par la situation géopolitique, et le changement climatique s’accélère. Le tout dans un contexte de hausse des coûts exacerbée par les éléments précédents.

Les experts de Rabobank et de AMI (Cindy Van Rijswick, analyste Fruits et Légumes à Rabobank et Helwig Schwartau, responsable de la division Horticulture au Bureau de Hambourg chez AMI) ont tous les deux souligné, chiffres à l’appui :

  • Une consommation européenne de poires en baisse
  • Une inflation qui va continuer et qui impacte à la fois la rentabilité des producteurs et la consommation des consommateurs
  • Une nécessité des exportations, notamment vers l’Europe de l’Est (aujourd’hui restreintes à cause de la guerre), des surfaces en hausse au Benelux et une concurrence des pays producteurs non européens.

 

Coûts de production et inflations marquent les producteurs mais pas les prix de détail

Avec la guerre en Ukraine, tous les secteurs agricoles sont touchés, la poire également, directement car la Russie était un grand marché et indirectement car elle a amplifié les effets de hausse des coûts et de disponibilité sur la chaîne d’approvisionnement débuté début 2020. Le marché de l’emploi est compliqué en Europe et dans le monde. Et la logistique est un défi pour la filière des fruits et légumes car le taux de fret est en hausse continue depuis 2020 et le transport maritime subit en plus des perturbations, le nombre de bateaux arrivant à l’heure passant de 75 % avant Covid à 35 % aujourd’hui !

 « L’inflation va se poursuivre les mois à venir, surtout sur l’alimentaire. Le surcoût chez les producteurs (+53 % en moyenne) ne se retrouve pas (encore) sur les prix à la production (+20 %), ni sur les prix consommateurs (+8 %). Cette situation ne peut pas continuer. Des négociations difficiles sont observées. L’année prochaine l’inflation devrait baisser lentement mais il est difficile à prévoir quoique ce soit en ce moment », avertit Cindy Van Rijswick.

Sur le long terme, la hausse des coûts laisse envisager une rentabilité compliquée pour les producteurs de poires. Une étude Wageningen Economics Research par Rabobank en 2022 montre une rentabilité de plus en plus faible et volatile dans la production de pommes et de poires aux Pays-Bas, phénomène exacerbé dans les zones les plus affectées par les changements climatiques. « Avoir un double business, une autre activité ou source de revenu est une solution pour s’assurer un revenu mais peut nuire à l’activité à long terme de l’exploitation. »

 

Consommation en berne

Le moral des consommateurs est au plus bas dans la zone Europe, et les dépenses “positives” post-Covid (vacances, restaurants…) devraient prendre fin. On observe déjà une baisse de la fréquentation RHD aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Recherche du prix bas, sélection des dépenses, épargne… Tells sont les comportements des consommateurs. En fruits et légumes, c’est la fin de l’effet Covid, avec moins d’achat. Aux Pays-Bas on voit déjà des achats en supermarché des fruits, des légumes et des salades à un niveau inférieur à 2019.  « Concernant les poires spécifiquement, on s’attend à ce que les consommateurs se tournent vers des produits moins coûteux, et vers des canaux de distribution moins chers, comme les discounters », précise Cindy Van Rijswick (Rabobank).

 

Helwig Schwartau (AMI) confirme : « La hausse des coûts de l’énergie et l’inflation poussent les consommateurs à acheter moins de fruits, ils sont plus conscients des prix. En Allemagne, on voit nettement une chute de la pénétration en volume des fruits surtout depuis la guerre en Ukraine, à comparer aux mêmes périodes des années précédentes. Et la hausse des prix au détail, en moyenne de 9,9 % pour les produits frais entre 2021 et 2022 en Allemagne, ne se retrouve pas sur les fruits et légumes, qui au contraire baissent de -4,6 % et de -3,4 % respectivement. Approvisionnements importants et prix plus faibles : les coûts en hausse des producteurs ne sont pas répercutés. »

 

 

 

Une situation avant la crise déjà préoccupante pour la poire

« Et même avant la pandémie, là où la consommation de fruits était stable, celle de poires étaient déjà en baisse. Contrairement à d’autres fruits tendance comme l’avocat ou la myrtille », constate Helwig Schwartau. Selon les chiffres d’AMI, sur le marché européen du retail, certains fruits sur-performent (comparaison 2016-2020, en volumes) : +4,3 % pour l’avocat en France, +10,2 % pour les fruits tropicaux en Italie, et les baies, tirées par les myrtilles, explosent :  +8,3 % en Belgique, + 7 % au Royaume-Uni, +8,8 % en Allemagne, et +23,4 % aux Pays-Bas !

Et sur l’ensemble des pays européens, les fruits en général observent une certaine stabilité (+0,3 % en France, -1,6 % en Espagne, +1 % au Royaume-Uni…), les poires, elles, sont à la peine, sur tous les marchés européens (-1,6 % en France ; -4 % en Belgique ; -3,3 % au Royaume-Uni ; -3,4 % aux Pays-Bas ; -3 % en Allemagne ; -4,5 % en Espagne ; -11,7 % en Italie !).

 

Des échanges mondiaux de la poire affectés par la guerre en Ukraine

La poire était en outre un marché en déclin, selon les termes de Rabobank. La production mondiale de poires s’est tassée, s’alignant sur un marché mondial en stagnation. Un phénomène lié à la tendance du local ?

 

Les principaux marchés importateurs ont baissé les volumes importés : l’Europe, bien que les échanges intra-européens demeurent importants. La Turquie y gagne des parts de marché, l’Argentine et l’Afrique du Sud sont les plus affectées par la guerre en Ukraine. Les importations nord-américaines (Etats-Unis, Canada, Mexique) déclinent. Les poires argentines maintiennent leur position au Brésil, Etats-Unis et Canada. L’Indonésie est vue comme un marché émergent, ses importations plus que doublant entre 2016 et 2020, mais quasi uniquement d’origine Chine (un peu Afrique du Sud).

 

L’Europe a besoin d’exporter ses poires

L’Europe produit en moyenne 2,35 Mt de poires, exception faite de 2019 (gel) et de 2021 (chute de l’Italie). Les surfaces déclinent, -1,5 % entre 2016 et 2020. Mais elles progressent en Belgique, aux Pays-Bas et en France (respectivement à +2,3 % ; +1,7 % ; +1,2 %). « Le potentiel du Benelux pourrait donc monter à 900 000 t, contre 800 000 t en 2020, ce qui pourrait faire beaucoup de volumes en plus, donc être problématique », estime Helwig Schwartau (AMI). L’Italie a encore perdu 3 000 ha entre 2019 et 2020.

Les exportations vers l’Europe de l’Est sont nécessaires, estime l’AMI. Mais elles sont en baisse car la Biélorussie a arrêté d’importer des poires européennes, un vrai problème pour la Belgique et les Pays-Bas, et parce que les coûts de fret sont de plus en plus élevés.

 

 

Garder une “Pear positive attitude”

Des chiffres inquiétants donc mais il fallait ancrer le décor. Les autres présentations du congrès ont permis d’inciter les producteurs à adopter une attitude positive. « L'idée était de proposer des alternatives possibles, de donner des perspectives dans un environnement incertain », ont souligné Pauline Panegos, secrétaire générale de l’AREFLH et Gerard Pronk du DPA.

« Vous, opérateurs et producteurs de la poire, avait de belles histoires à raconter ! Faites-le ! », a poussé Cindy Van Rijswick (Rabobank). L’interview de André Boer, acheteur fruits et légumes chez Superunie, et les échanges qui ont suivi avec la salle ont permis de proposer des idées à mettre en place en rayon mais aussi en communication (média et réseaux sociaux) pour relancer la consommation de la poire. Connaître son (ses) consommateur(s), ses envies et ses besoins et surtout lui remettre en tête l’existence de ce fruit, telles sont les principales conclusions.

 

Organisation commune marketing, agriculture de précision, nouvelles variétés : de (nombreuses) solutions à l’essai

Et la présentation de la nouvelle organisation de la production italienne, UnaPERA, et de son système de centralisation des actions de promotion en magasin et de marketing a particulièrement intéressé la filière française.

UnaPera : comment les Italiens ont réorganisé le secteur de la poire pour sauver la filière

D'autres thèmes, plus techniques, ont également été mis en avant, comme l'utilisation des données, l'agriculture de précision, les nouvelles solutions pour lutter contre la punaise asiatique et les nouvelles variétés pour s’adapter aux tendances de consommation

D’ailleurs, les journées des 28 et 30 juin ont été dédiées aux visites techniques, qui ont passionné les participants (84 de 12 nationalités le premier jour !). Car comme l’a rappelé Gerard Pronk (DPA) : « L’agriculture de précision, les nouvelles variétés… La recherche fondamentale et expérimentale, et aussi dans les producteurs dans la pratique, essayent de répondre à ces questions et les participants à Interpera ont pu voir lors des visites techniques comment les Pays-Bas mettent en place des solutions d’avenir. »

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