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Royaume-Uni
Les visages multiples des marchés de Londres

Les marchés de plein-vent demeurent une réalité pour le consommateur britannique. Gouvernement et autorités locales travaillent désormais à leur développement.

Ce n’est pas le moindre paradoxe de la nation britannique. Le Royaume-Uni apparaît comme un bastion de la grande distribution moderne, avec des enseignes fortes comme Tesco ou Marks & Spencer. Il est aussi le siège d’une activité de commerce traditionnel non négligeable même si elle demeure aujourd’hui une niche. Ici aussi, les marchés ont fortement souffert du développement des supermarchés. Cependant, ils n’ont pas disparu de la scène et représentent encore aujourd’hui, un chiffre d’affaires (2009) dépassant les 3,5 milliards de livres sterling (3,9 milliards d’euros) et plus de 95 000 personnes employés directement.
Longtemps, il a été difficile d’évaluer la place des marchés traditionnels pour la simple raison qu’il n’existait pas d’études sur le sujet. Au point même de les baptiser le “secteur caché” de l’économie. La première étude digne de ce nom (le rapport Rhodes) fut menée en 2005 et soulignait la baisse régulière de l’activité. En novembre dernier, “Markets 21”, une étude menée par Retail Markets Alliance (Alliance pour les marchés de détail) est venue remettre les pendules à l’heure. Elle souligne la vivacité de ce secteur.
On compterait dans le Royaume-Uni plus de 2 000 marchés dont une majorité de marchés traditionnels (1 124). Les marchés de producteurs dépassent les 600 et il faut ajouter les “marchés de pays” (“Country markets”), sorte de marchés en coopérative avec 350 sites. Les marchés de détail de plein-vent (697) représentent le tiers du total. Les marchés de producteurs ont connu une très forte progression depuis plusieurs années. Le rapport Rhodes soulignait la tendance avec une progression de 250 % entre 1998 et 2004. Passant de 450 à 605 entre 2002 et 2009, ils ont augmenté de 34 % sur la période. Cependant, la crise économique qui frappe le pays soulève certaines questions sur la capacité de ces marchés à poursuivre leur développement. Cependant, les données existantes doivent être prises avec précaution compte tenu de la fréquence des marchés : ainsi, les marchés de détail se tiennent plusieurs jours par semaine, alors que les marchés de pays, seulement une demi-journée et les marchés de producteurs, une fois par mois.

Une lutte pour survivre
Si la capitale britannique concentre une forte proportion des marchés de plein-vent du pays, leur situation n’est pas invariablement positive. De fait, ils sont clairement en train de se battre contre des ventes en baisse, la concurrence des supermarchés et la progression des loyers, au point que certains d’entre eux ont dû purement et simplement fermer. L’enquête menée par le Conseil de Londres en 2008 le stipule bien. Bien sûr, la capitale britannique a certes vu le nombre de marchés de rues augmenter dans la dernière décennie pour atteindre 180. Cependant, il ne s’agit pas toujours de marchés de détail. En effet, 47 marchés de producteurs se sont installés à Londres. 
De plus, le Conseil de Londres souligne que les marchés de plein-vent gérés par les Boroughs de Londres (l’équivalent des arrondissements de Paris), connaissent des fortunes diverses. Déjà, dans le spectre de l’étude (dix ans), il souligne que quinze d’entre deux ont fermé et que 17 se sont réduits en taille. De plus, le nombre de places vides dans les marchés a eu tendance à augmenter : de 38 % en 1997 à 48 % en 2007. Au moment de leur visite, les membres de la commission ad hoc du Conseil ont ainsi vu 80 marchés totalement vides ! D’autres connaissent le succès, comme celui de Whitechapel qui héberge plus de 120 détaillants chaque jour ou encore Queens Market (Newham). La situation des marchés dépend aussi beaucoup de qui les gèrent : à côté des Boroughs, l’autre aménageur est Transport For London (TFL), la RATP de Londres, dont on peut imaginer qu’il ne s’agit pas ici de sa toute première priorité. L’étude du Conseil de Londres n’est pas restée lettre morte. Même si, en mai dernier, le Maire de la ville, Boris Johnson, n’a pas repris l’idée du Conseil d’un “Objectif : 100 marchés pour Londres”, il a précisé que son nouveau plan de développement pour la capitale inclurait des dispositions spécifiques pour le maintien et le développement des marchés londoniens.

Un cas atypique au bord de la Tamise
Dans le quartier de Southwark, à deux pas de la Tamise, Borough Market est devenu en quelques années aux yeux de nombreux touristes l’archétype du marché traditionnel londonien. Merci certainement à la publicité d’un chef médiatique comme Jamie Oliver, au début de sa carrière. Une visite est en effet une expérience : profusion de stands, étalages impressionnants de produits frais, bousculade en fin de semaine… Pourtant, au milieu des années 90, peu auraient misé sur l’avenir du site. Héritier des grands marchés de ville (il débuta sur le premier pont jeté sur la Tamise au XIe siècle), il a traversé les siècles pour se retrouver entièrement dédié au commerce de gros et quasi exsangue au siècle dernier. Situé en dessous d’un pont de chemin de fer, le site de 1,5 ha n’accueillait que quinze opérateurs et ne générait que 400 000 £ (450 000 € d’aujourd’hui) à l’association bénévole le gérant (le “Borough Market Trust”). Sous l’impulsion de celle-ci, le marché va négocier un tournant et développer son offre de détail.
Des décisions sont alors prises : application de stricts contrôles de qualité aux nouveaux arrivants, partis pris de proposer des produits britanniques et d’ailleurs, création d’un noyau de producteurs anglais fidèles au marché et forte politique de communication. Cependant, le marché n’a pas totalement tourné le dos au stade de gros, certains détaillants développant cette activité pour approvisionner la petite restauration londonienne. Le marché prend alors une forme “composite” avec une activité nocturne dédiée au gros et une diurne pour l’activité de détail. Aujourd’hui, Borough Market accueille 150 entreprises, présentes de façon permanente ou occasionnelle sur le marché, pour un chiffre d’affaires approchant les 2,5 M£ (2,8 M€).

Une prise de conscience nationale
Longtemps dédaignés par le gouvernement central et même par certaines collectivités territoriales, les marchés sont revenus sous les projecteurs l’année passée. Une enquête parlementaire a été menée sur leur position dans l’économie nationale. En réponse à celle-ci, le gouvernement de Gordon Brown a pris en octobre dernier des mesures claires et a apporté clairement son soutien à ce type de distribution. La mise en place d’un groupe réunissant responsables du gouvernement, professionnel et autorités locales est un signe politique fort de la part du 10 Downing Street.
Se réunissant deux à trois fois par an, il est présidé par la ministre des Collectivités locales, Rosie Winterton, et Jim Fitzpatrick, ministre de l’Agriculture. Les sujets de réflexion et de prise de décision ne manquent pas : gestion des marchés (privé, Boroughs, TFL ?), impact sur l’emploi, implication dans les politiques nationales visant à une meilleure alimentation des Britanniques… L’automne dernier fut donc plutôt souriant pour les défenseurs des marchés traditionnels qui attendent toujours le printemps.

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