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Pommes-poires
Les nouvelles techniques d'affinage en pommes et poires

En poire plus qu'en pomme, il est difficile pour les acteurs de la conservation d'utiliser de façon industrielle les dernières modalités de conservation. Explications.

Le monde du froid n'est pas figé. La réglementation, les nouvelles connaissances acquises par les spécialistes font que la conservation évolue. Tel est le cas pour les poires, ce fruit beaucoup plus délicat à conserver que les pommes. Pour des raisons réglementaires liées aux engagements européens vis-à-vis du protocole de Kyoto, la nature du gaz réfrigérant utilisé est en discussion permanente à Bruxelles. Le R22 sera totalement interdit à partir du 1er janvier 2015. Parmi ceux qui le remplacent, le R404, un mélange azéotropique de fluoroéthane, est déjà programmé pour disparaître. Son pouvoir de réchauffement global (PRG) étant encore trop important. Les restrictions vont commencer dès 2017 pour être définitivement interdit. Des process industriels existent aujourd'hui pour utiliser des PRG inférieurs à 2 500 comme le gaz carbonique ou l'ammoniac.

La poire étant plus délicate à conserver que la pomme, les acteurs sont plus prudents en matière d'innovation.

Cependant, seul ce dernier est employé aujourd'hui dans des installations de production de froid primaire, l'eau glycolée étant utilisée en boucle secondaire. En matière d'économies d'énergie, la récupération de chaleur qu'engendre la production de froid est rarement effectuée pour diminuer les coûts énergétiques comme pour les autres fruits. Il en est de même pour l'utilisation d'énergies renouvelables (méthanisation par exemple) pour la production de froid. En revanche, la tendance est de bien isoler les chambres frigorifiques.

Le froid négatif, indispensable en longue conservation

La poire étant plus délicate à conserver que la pomme, les acteurs sont plus prudents en matière d'innovation. La poire nécessite un passage en froid négatif (-0,5 à - 1 °C) indispensable pour lever les résistances à la maturation dans le cas d'une longue conservation. Contrairement à la pomme, la poire se récolte mature mais pas mûre. Ce passage au froid permet donc l'accumulation de précurseurs de l'éthylène, catalyseur de la maturation des fruits. La poire passe ensuite dans une chambre d'affinage dont les conditions sont bien connues : 18 °C, humidité relative à 90 à 95 %, ventilation au taux de brassage (rapport volume horaire d'air brassé sur volume total de la chambre vide) de 30 à 50, évacuation régulière du CO2 . Mais cette étape n'est pas forcément employée. Les besoins en froid varient selon les variétés. Ainsi la poire Williams ne demande que 2 à 4 semaines à - 1 °C quand la Conférence exige 5 à 8 semaines et la Passe-crassane ou Angélys 10 à 14 semaines. Leur savoir-faire est aussi déterminant puisque le passage au froid dépend du niveau de maturité à la récolte. Plus le fruit est immature, plus le temps nécessaire sera long. A la récolte, la fermeté qui se mesure grâce à un pénétromètre varie selon les variétés et la saison, de 8,5 kg/0,5 cm2 maximum pour de la Williams à 5 kg/0,5 cm2 pour la Doyenné du Comice. L'objectif est d'atteindre 2,5 à 3,5 kg/0,5 cm2 pour les fruits mûris à point (1,5 à 2,5 kg/0,5 cm2 pour une consommation immédiate).

Avec un froid négatif insuffisant, l'évolution des fruits sera longue et hétérogène en couleur et en fermeté. Le produit final sera décevant pour le consommateur. Des essais publiés en juillet 2014 par le CTIFL montrent qu'une température comprise entre 1 et 5 °C (donc positive) peut enclencher plus rapidement la maturation sans passer par le froid négatif. Ce qui, selon les auteurs Sébastien Lurol, Pierre Landry et Aude Morisseau, peut s'avérer pertinent en début de campagne pour accélérer la mise en marché des fruits affinés. Ces essais concernent les variétés Guyot, Williams et Angélys.

ULO, XLO et ACD adaptés aux conservations de longues durées

Pour les conservations de longue durée, plusieurs techniques sont donc utilisées. Celle dite en atmosphère contrôlée (AC) est largement pratiquée en pommes. Les teneurs en oxygène sont abaissées de 21 % (air ambiant) à 2-3 % afin de ralentir fortement la maturation. Cette baisse d'oxygène est réalisée principalement par un apport d'azote fourni par un générateur. Des baisses importantes sont pratiquées. Jusqu'à 1,1 à 1,8 % de O2 dans la chambre frigorifique, on parle de ULO (Ultra low Oxygen) et pour des valeurs en dessous de 1 % (0,7 à 1 %), on parle de XLO. Le suivi des différents gaz (oxygène, gaz carbonique) est réalisé constamment à l'aide d'appareils spécifiques afin de surveiller les réactions du fruit. Ces procédés apparus dans les années 2000 commencent à se développer en France. Ainsi, Vincent-Mathieu Hurtiger du CTIFL annonçait lors d'un colloque à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) en décembre 2013 que 22 % des stations interrogées avaient investi dans la conservation sous basse teneur en oxygène pour les pommes.

En poire, ces procédés existent mais ils sont plus marginaux pour l'instant, notamment en France. Les premières installations se situeraient en Italie. Les structures spécialisées dans la conservation de la poire n'analysent donc pas comme pour la pomme la dynamique du fruit. Le principe en atmosphère contrôlée dynamique (ACD) exige un très bas niveau d'oxygène et de gaz carbonique. Il nécessite un suivi absolument rigoureux et régulier. Plusieurs sociétés ont mis au point des procédures spécifiques. Le CTIFL, qui en a testé à Saint-Rémy de Provence (Bouches-du-Rhône), et la station de La Morinière (Indre-et-Loire) ont montré que ces techniques améliorent la qualité des fruits et limitent le développement de l'échaudure.

Le procédé consiste à provoquer un stress au fruit par une baisse d'oxygène (0,1 à 0,2 %) c'est-à-dire à la limite des facteurs déclenchant la fermentation tout en maîtrisant un taux de gaz carbonique très bas, environ 1 % grâce à un adsorbeur. Une fois ce seuil atteint dont le niveau varie selon les variétés, les lots et les années, les fruits sont conservés à un taux d'oxygène proche de 1 %. Ce processus est suivi grâce à l'analyse de la fluorescence de la chlorophylle de l'épiderme du fruit (société Isolcell) ou du taux d'éthanol (société Fruit Control) ou encore la respiration (société Van Amerogen). Le principe basé sur le suivi de la fluorescence de la chlorophylle a le mérite de ne pas nécessiter d'interventions dans la chambre frigorifique. Ces méthodes seront-elles un jour au programme de la conservation de la poire ? Leur développement est justement un moyen de s'affranchir des traitements post-récolte. Aujourd'hui, seule l'utilisation du Smartfresh à base de 1-méthylcyclopropène (1-MCP) est autorisée. Il l'est beaucoup moins en poire. Son principe est simple. La molécule vient se fixer sur les capteurs d'éthylène des fruits. « Ce qui a pour conséquence d'inhiber fortement l'éthylène, explique Claude Coureau de la station La Morinière (Indre-et-Loire). Le produit bloque un certain nombre de phénomènes biochimiques comme l'apparition de l'échaudure de prématurité. »

Les résultats en poires sont encore très hétérogènes. La maturation est parfois bloquée, l'efficacité limitée. Des essais sont encore menés, notamment au CTIFL, pour préciser les facteurs d'influence et les conditions d'application. En tout cas, c'est l'un des thèmes retenus par la profession dans le cadre de l'expérimentation en conservation de poires pour 2014. Leur caractérisation et la comparaison selon différents modes d'affinage par analyse sensorielle sont un autre sujet d'étude. Il en est de même pour l'éthylène. Son impact est étudié à la fois dans les chambres froides et en stockage de courte durée en présence de multiproduits. L'expérimentation en pomme de l'élimination de l'éthylène en chambre froide a donné des résultats irréguliers et variant selon les variétés et les conditions de production et de récolte de l'année.

CONSERVATION EN BIO : le traitement à l'eau chaude

Mis à part les produits chimiques, aucune interdiction n'est formalisée dans le cahier des charges AB pour la conservation des pommes et poires. Diverses techniques sont utilisées pour éviter le développement des maladies post-récolte, surtout l'échaudure et les pourritures (exemple : le traitement à l'eau chaude). Un traitement à 48/50 °C durant 2 à 3 min permet en pomme, selon une publication du CTIFL (décembre 2013), une efficacité totale sur le champignon Gloesporium et un effet partiel sur échaudure. Associé à des traitements d'huiles essentielles (Bioxeda), le traitement peut donner de meilleurs résultats. Cette technique est pratiquée depuis de nombreuses années par Les Coteaux Nantais (Loire-Atlantique). Une optimisation des équipements de traitement est en cours.

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