Dans le Nord, les jardins du Nooteboom allient maraîchage et biodiversité
Louise et Bertrand Devienne, producteurs bio, ont acquis en 2014 un terrain de 8 ha à Bailleul dans le Nord. Partant d’une friche, ils y ont développé un véritable biotope où les espèces cohabitent en synergie.
Louise et Bertrand Devienne, producteurs bio, ont acquis en 2014 un terrain de 8 ha à Bailleul dans le Nord. Partant d’une friche, ils y ont développé un véritable biotope où les espèces cohabitent en synergie.
Huit hectares de jachère au cœur de la Flandre. Voilà à partir de quoi Louise et Bertrand Devienne ont bâti leur exploitation maraîchère en 2014. Située à Bailleul dans le Nord, entre Lille et Dunkerque, la ferme de Nooteboom en a plutôt fait un atout. Outre de substantielles économies réalisées sur l’acquisition du foncier, le couple a en effet pu façonner ce terrain comme il l’entendait. Installés en bio, ils ont imaginé dès le départ un aménagement le plus proche possible d’un biotope naturel. Durant deux ans, sur la terre vierge, Louise et Bertrand commencent par planter quatre hectares de luzerne et quatre hectares de triticale pour entamer la conversion en bio. « Nous avons planté de la luzerne pour ses propriétés agronomiques et le triticale pour l’aspect économique », se souvient Bertrand Devienne. À la suite de quoi, les deux maraîchers commencent à élaborer leur petit écosystème.
Biodiversité et avantages fonctionnels
« Nous avons commencé par planter des haies », raconte le maraîcher des jardins du Nooteboom, notamment pour profiter de son rôle de brise-vent et ses fonctions drainantes. Et nous avons également creusé une mare. » La mare profite du sous-sol argileux et joue évidemment un rôle essentiel de réserve d’eau. Oxygénée par une éolienne de pompage, elle capte ainsi le ruissellement du toit du bâtiment de 600 m2 et alimente au besoin le système d’irrigation. Un allié important dans une région où il arrive que l’été soit très sec, comme ce fut le cas en 2022 par exemple.
Mais la mare comme la haie sont aussi sources de biodiversité, là encore, un allié que recherchent Bertrand et Louise. « En sept ans, avec la mise en place de toutes ces choses, nous avons vu arriver sur le terrain une multitude d’oiseaux et d’insectes qui n’étaient pas là à notre arrivée », sourit Louise Devienne. Des résultats qui sont même quantifiés puisque chaque année, les bénévoles du groupe ornithologique du Nord (GON) réalisent sur la ferme des comptages qui démontrent l’arrivée de nouvelles espèces d’oiseaux. « L’étude des pelotes de réjection des chouettes effraies nous a permis de quantifier de nombreuses espèces de rongeurs et de batraciens habituellement présents dans des milieux aquatiques ''propres'' », se félicite encore la maraîchère.
Engrais vert, rotation et cultures associées
Côté cultures, l’exploitation est pensée en six îlots de un hectare chacun, sur lesquels les cultures légumières succèdent à des semis de blé panifiable et de luzerne en guise d’engrais vert. « On cultive une trentaine de légumes », dénombre Louise. Sur la surface restante, Bertrand et Louise ont érigé trois serres qui abritent notamment les tomates, poivrons et piments, mais aussi des salades et des plantes aromatiques. Et 2 000 m2 de verger ont été plantés avec des essences locales de pommes, poires, coings et amandes, et de petits fruits.
Interdits de produits chimiques de synthèse, le couple use des techniques habituelles en production biologique. D’abord, ils choisissent avec soin les variétés en recherchant un maximum de résistances. « Nous avons une cinquantaine de références », affirme Bertrand Devienne. Les deux maraîchers comptent également sur leur système de rotations qui démarre donc systématiquement par deux années de luzerne. S’ensuivent « une année de pomme de terre, une année de blé, une année d’ail, oignon, céleri, carottes et enfin une année de chou et poireaux », liste Bertrand.
Une rotation qu’ils suivent à la lettre. « Ce n’est pas parce que le cours du navet est avantageux pour nous que, tout d’un coup, nous allons décider de planter trois hectares de navets. Ce n’est pas comme ça que nous fonctionnons et ça réduirait nos efforts à néant. La qualité avant la quantité », prévient le maraîcher. L’association de cultures est aussi mobilisée, à tous les niveaux. Entre cultures légumières bien sûr, mais aussi sur le blé, semé en mélange avec du trèfle. « Le trèfle va couvrir le sol et éviter l’apparition des adventices. Il va également capter l’azote pour venir le fixer sur la plante », rappelle Bertrand Devienne.
Une image « nature » qui séduit
Cette cohérence de biotope, Bertrand et Louise Devienne la valorisent aussi en ajoutant de nouvelles cordes à leurs arcs. Ainsi, les baies d’argousiers récoltées dans la haie sont récupérées pour être transformées en confitures qui complètent la gamme de produits, allant des fruits et légumes frais jusqu’aux produits transformés, avec une touche d’originalité. De quoi séduire la clientèle de particuliers (en vente directe ou par le biais de magasins de producteurs), mais aussi de professionnels. Outre la coopérative Norabio, le couple fournit en effet quelques restaurateurs. « Avant d’acheter ici, nous faisions du maraîchage sur 2,5 ha que nous louions à un éleveur bio à Borre, se souvient Bertrand Devienne. Et nous avions un portefeuille client déjà bien fourni, avec des grands noms de la restauration comme Maxime Schelstraete ou Florent Ladeyn entre autres. » Une clientèle qui ne peut qu’être encore plus séduite par l’approche très nature des Jardins de Nooteboom.
Louise Devienne : « J’aimerais que notre projet devienne une vitrine pour les générations futures »
Parcours
2006 formation de 4 ans en biodynamie aux Pays-Bas
2010 intègre le service de remplacement et part travailler dans le Sud-Ouest près de Tarbes
2012 installation avec Louise à Borre (Nord) sur 2,5 ha loués à un éleveur bio
2014 création des Jardins du Nooteboom sur 8 ha à Bailleul
Une friche ? Une aubaine !
Le poulailler mobile, entre désherbage et engrais naturel
« Au pied de nos plants, nous mettons du compost, mais sa fumure est lente. Les fientes de poules, riches en azote, vont permettre d’apporter une autre fertilisation et de donner un coup de booster aux plantes qui ont parfois du mal à prendre », détaille Bertrand Devienne. Dans le verger, le poulailler mobile a déjà fait ses preuves en allégeant la pression des insectes ravageurs. « Les poules mangent les vers présents dans les fruits tombés au sol, cassant le cycle de reproduction des insectes, partage Bertrand Devienne. Notre rendement l’année prochaine n’en sera que meilleur ». Alors il aimerait pouvoir utiliser cette technique sur ses parcelles maraîchères… Affaire à suivre donc.