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Légumes sous abri : une lutte biologique à améliorer contre les pucerons

Les lâchers inondatifs de parasitoïdes d’élevage ont une efficacité aléatoire contre les pucerons. Le projet Aphid’Innov cherche à comprendre ce problème de régulation et à y apporter des solutions.

Les parasitoïdes de pucerons commercialisés semblent peu efficaces dans certains contextes. © RFL
Les parasitoïdes de pucerons commercialisés semblent peu efficaces dans certains contextes.
© RFL

« En maraîchage sous abris, la lutte biologique inondative contre les pucerons est souvent peu efficace », déclare Estelle Postic - qui a réalisé sa thèse sur ce sujet à l’IGEPP(1) - lors d’une conférence en ligne sur la production de légumes en AB organisée par le CTIFL et l’Itab en décembre 2020. Partant de ce constat, le projet Aphid’Innov(2) cherche à établir pourquoi les parasitoïdes de pucerons commercialisés sont peu efficaces dans certains contextes, à identifier des espèces ou des populations plus efficaces et à améliorer les méthodes d’apport.

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« Pour expliquer l’inefficacité de certains parasitoïdes, nous avons testé deux hypothèses, détaille Estelle Postic. Selon la première, les espèces de parasitoïdes généralistes commercialisées, censées parasiter de nombreuses espèces de pucerons, seraient en fait constituées de populations plus ou moins spécialisées. La deuxième hypothèse est celle de la réduction de l’efficacité des parasitoïdes en conditions d’élevage. Cette perte d’efficacité pourrait être due à de la dérive génétique, à de la consanguinité, ou à de la sélection d’individus adaptés aux conditions d’élevage mais peu adaptés aux conditions de production ». Ces deux hypothèses ont été explorées en culture de concombre (AB et conventionnelle) et de fraise (conventionnelle).

Trois origines des parasitoïdes analysés

Des analyses génétiques ont été réalisées pour trois espèces de parasitoïdes de pucerons : Aphidius matricariae, Praon volucre et Aphidius ervi. Pour chaque espèce, les individus analysés ont trois origines : des parasitoïdes commercialisés, des parasitoïdes sauvages échantillonnés en serre et des parasitoïdes échantillonnés en grandes cultures. « Chez A. matricariae, on a une structuration génétique des parasitoïdes liée au puceron hôte et à l’origine des individus, sauvage ou commerciale, indique la spécialiste. Cela confirme des résultats antérieurs sur cette espèce. Les conséquences sont que les populations commercialisées pourraient ne pas être adaptées aux cibles. Il faudrait cependant vérifier le lien entre structuration et spécialisation parasitaire grâce à des tests biologiques ».

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Chez Praon volucre, la structuration de l’espèce est liée au puceron hôte et à la culture, mais pas à l’origine des individus. A priori, les populations commercialisées sont donc bien adaptées aux cibles. Ce serait à vérifier par des analyses plus poussées. Enfin, chez A. ervi, la structuration obtenue n’a pas permis d’identifier de facteurs responsables, ce qui confirme le caractère généraliste de ce parasitoïde. « Pour cette espèce, on a pu aller plus loin dans l’analyse, souligne Estelle Postic. Nous avons mesuré la diversité génétique des populations analysées. »

Un transfert possible des parasitoïdes sauvages

Ainsi, les individus sauvages montrent une diversité génétique élevée tandis que la diversité génétique des individus commercialisés est plus faible. De plus, les analyses mettent en évidence une différenciation génétique entre les deux groupes. Ces résultats suggèrent un plus faible potentiel d’adaptation des individus commercialisés. « La bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas de structuration en fonction de l’espèce de puceron hôte ni de la culture, poursuit Estelle Postic. Cela suggère la possibilité de transfert de parasitoïdes de l’environnement vers les serres et la possibilité d’utiliser des plantes relais avec d’autres pucerons que ceux qu’on trouve sur la culture. »

La diversité génétique élevée des parasitoïdes sauvages pourrait constituer une source de diversité et donc une source d’amélioration de la lutte biologique. « Nous avons mis en évidence, lors de la mise en place d’un élevage, l’importance de la source d’origine des parasitoïdes et de la diversité génétique initiale. Surtout, la diversité génétique doit être suivie au cours des générations de l’élevage pour pouvoir garantir un maintien de l’efficacité lors des lâchers », conclut Estelle Postic.

(1) IGEPP : Institut de génétique, environnement et protection des plantes. Unité mixte de recherche composée de chercheurs d’INRAE, Agrocampus Ouest et de l’Université de Rennes 1
(2) Partenaires du projet : UMR IGEPP, OBS, Savéol Nature, Terre d’essais, If Tech

Des parasitoïdes sauvages plus efficaces

 

 
© Nikk
Des tests d’efficacité de parasitoïdes Aphidius ervi, sauvages et commercialisés, ont été réalisés au cours du projet Aphid’Innov. Pour prendre en compte la variabilité qui peut exister chez les pucerons, trois espèces de pucerons des fraisiers ont été utilisées. En majorité, les taux de parasitisme des parasitoïdes sont globalement faibles, avec une forte variabilité de l’efficacité en fonction des espèces et des lignées de pucerons. Les parasitoïdes sauvages ont montré une meilleure efficacité globale. « On a notamment une bien meilleure efficacité des parasitoïdes sauvages sur des lignées de pucerons qui étaient très peu, voire pas du tout parasitées par les parasitoïdes commercialisés », observe Estelle Postic.

 

Miser sur les plantes banques

Lors du webinaire organisé par le CTIFL et l’Itab, des essais impliquant l’utilisation de plantes ressources et de plantes banques ont été présentés. Cette stratégie vise à favoriser les auxiliaires pour réguler les populations de pucerons. Les auxiliaires doivent être présents en grande quantité et tôt dans la saison pour une régulation efficace. Les plantes banques sont à installer au plus près des plantes cultivées, si possible à la fois à l’extérieur et à l’intérieur des abris.

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