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Légumes : le savon noir, allié de la lutte contre le puceron

Le savon noir est utilisé de longue date en agriculture biologique contre le puceron. Son efficacité dépend grandement de la manière dont il est appliqué, ce qui nécessite de le combiner avec d’autres méthodes de lutte chimique lorsque les autres options ont été épuisées.

Le savon noir ou savon potassique est obtenu par une réaction chimique de saponification à haute température à partir d’une matière grasse et d’une base forte, l’hydroxyde de potasse, qui lui confère un aspect pâteux ou liquide. Encore appelé « sels de potassium d’acide gras », il est autorisé en agriculture biologique contre les ravageurs. Cependant, jusqu’en 2017, aucun savon noir n’avait d’homologation en France, leur utilisation reposait donc uniquement sur un « usage » de nettoyage du miellat déposé par les insectes sur le feuillage.

Plus d'informations sur le bulletin Refbio du Grab, avec un dossier consacré au savon noir

Désormais, Flipper et Neudosan disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour différentes cultures, notamment contre pucerons, aleurodes et acariens. Leur taux de sels potassiques d’acide gras est respectivement de 48 % et de 51 %, et ce sont les seuls savons homologués pour un usage phytosanitaire et dont la concentration est garantie. Pour les savons « classiques », la réglementation n’impose qu’une fourchette de composition, et bien que disposant de l’agrément AB, ils ne sont pas considérés comme produit phytosanitaire. De ce fait, il est désormais essentiel de privilégier l’usage des produits disposant d’une AMM.

Limiter les risques de toxicité

Le savon noir a uniquement une toxicité par contact, via une action décapante et desséchante sur la cuticule des insectes et une action suffocante par bouchage des stigmates (orifices respiratoires des insectes). Il est indispensable que la bouillie touche le corps des insectes pour être efficace, que le mouillage soit suffisant et que la concentration en savon soit assez élevée pour obtenir l’effet recherché. La qualité de la pulvérisation est donc un facteur essentiel de réussite du traitement. Il est recommandé de renouveler le traitement après environ 5 jours pour améliorer son effet, et il faut proscrire toute aspersion dans les 24 heures qui suivent le traitement.

Enfin, le choix de la dose doit aussi tenir compte des risques de phytotoxicité, accentués par la chaleur et variables selon les cultures et conditions de cultures, avec des risques plus élevés sous abris. Par ailleurs, les fournisseurs (De Sangosse et Certis) conseillent une application avec une eau douce, et il n’est pas conseillé d’ajouter un mouillant, ni de l’utiliser en mélange. Le positionnement du traitement est également un sujet de discussion : le matin pour que la chaleur accentue l’effet de dessiccation de la cuticule, ou en fin de journée afin de limiter les risques de phytotoxicité par fortes chaleurs et de toxicité vis-à-vis des pollinisateurs, moins actifs en fin de journée.

Une efficacité variable

Flipper et Neudosan sont autorisés en période de floraison et de production d’exsudats mais ils doivent être appliqués en l’absence d’abeilles (donc le soir de préférence). Pour les bourdons, il est recommandé de fermer et couvrir les ruches lors du traitement. Les informations concernant la toxicité du savon noir sur les auxiliaires sont incomplètes et diffèrent selon les sources, mais les données recueillies montrent toutes une toxicité forte vis-à-vis de Macrolophus et des micro-hyménoptères parasitoïdes au stade adulte. En présence d’auxiliaires autochtones ou introduits, les traitements devront donc être limités et réalisés de préférence sur foyers. Les pucerons sont la cible principale des traitements au savon noir, mais on observe des réussites très variables. Si la bouillie n’atteint pas les pucerons cachés dans les feuilles crispées (concombre, melon, poivron) ou sous les feuilles (courgette), le produit ne peut pas faire effet. On observe aussi une efficacité moindre sur les gros pucerons verts Macrosiphum euphorbiae ou Aulacortum solani, fréquents sur aubergine et poivron.

Une offre d’alternatives qui s’étoffe

En AB, des alternatives au savon noir existent. L’huile essentielle d’orange douce (Limocide, Essentiel et Prev-am Plus) est homologuée contre aleurodes et thrips sur de nombreuses cultures et présente un effet secondaire contre pucerons. Elle présente des similitudes avec le savon noir, avec un mode d’action par contact, une efficacité comparable, un délai avant récolte et de rentrée identique et un coût assez proche. En revanche, les risques de phytotoxicité sont plus importants qu’avec le savon noir pour certaines cultures (fraise, melon, aubergine, concombre). L’azadirachtine est homologuée sous les spécialités commerciales Neemazal et Oïkos contre de nombreux ravageurs (notamment les pucerons), uniquement sous abris et sur différentes cultures : concombre, courgette, tomate et aubergine pour le Neemazal, et fraise, concombre et melon pour l’Oïkos.

Contrairement au savon noir et à l’huile essentielle d’orange, l’azadirachtine est systémique et elle agit par contact et par ingestion. Cependant, cette molécule suscite une forte réserve quant à son utilisation. En effet, cette matière active est classée reprotoxique, ce qui en fait le seul produit AB classé dans la catégorie des produits CMR. Beauveria bassiana (Naturalis) et la maltodextrine (Eradicoat) sont aussi homologués contre pucerons sur de nombreuses cultures, mais peu de références sont disponibles sur ces produits en termes d’efficacité et d’impact sur les auxiliaires. Les pyréthrines (Tec-Fort et Pirécris) sont à nouveau homologuées sous abris sur tomate et aubergine contre aleurode et sur poivron contre puceron, où ils peuvent être plutôt efficaces. Cependant, leur forte toxicité vis-à-vis des pollinisateurs impose de fermer et sortir les ruches de bourdons avant tout traitement. Le risque de toxicité est également élevé pour les auxiliaires, il faut donc réserver ce produit à des traitements de nettoyage avant lâchers ou uniquement sur foyers.

Source : Bulletin Refbio PACA maraîchage – avril 2022 – Catherine Mazollier

La protection biologique intégrée en premier recours

Plusieurs solutions de lutte biologique par lâcher d’auxiliaires existent aujourd’hui contre puceron. C’est le cas des hyménoptères parasitoïdes, qui sont souvent spécifiques de leur hôte, comme Aphidius colemani avec Myzus persicae et Aphis gossypii. Il convient d’identifier l’espèce de puceron problématique ou de lâcher plusieurs espèces de parasitoïdes, qui sont disponibles en « mélanges ». L’utilisation de cécidomyies comme Aphidoletes sp ou encore de chrysopes Chrysoperla carnea vient compléter la liste des auxiliaires les plus fréquemment utilisés contre pucerons, bien que ces derniers soient plus généralistes.

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