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Dans le Lot-et-Garonne, la production de houblon comme activité de diversification

Le houblon a tenté Emeric Cadalen et Mickaël Besse, deux entrepreneurs du Lot-et-Garonne à la recherche d'une activité agricole porteuse de sens.

Pour leur première année de récolte de houblon, Emeric Cadalen et Mickaël Besse sont satisfaits. « Sur les trois variétés testées, une a très bien produit, détaillent les deux dirigeants de Gourmet agricole dans le Lot-et-Garonne. On estime être à 25 % d’une pleine production. Et nous avons pu valider le processus de récolte-tri-séchage. Pour la qualité, c’est le retour des brasseurs qui nous le dira. » L’activité agricole est une activité annexe à l’entreprise agroalimentaire des deux associés de Fruit Gourmet.

Il y a une dizaine d’années, Emeric Cadalen a voulu passer du rôle de superviseur des terres agricoles familiales exploitées par des entreprises de travaux agricoles à un rôle de producteur. « Je voulais garder l’image d’Epinal de l’exploitation de mon grand-père », avoue-t-il. A la création de l’entreprise agricole, la première étape a donc été de rénover trois hectares de pruniers d’Ente, production traditionnelle de Lot-et-Garonne.

Un marché en pleine expansion

« Le projet initial était de produire des prunes d’Ente que nous pourrions valoriser en marketant le pruneau, explique-t-il. Mais nous avons vite changé de projet car les volumes que nous pouvions produire sur les 7 ha plantés étaient de 10 t tout au plus, trop peu pour développer une marque. » Concomitamment, Mickaël Besse rencontre les fondatrices de Hopen (voir encadré). Ce projet de création d’une filière houblon tente les deux associés qui y voient une façon de relocaliser une production pour un marché en pleine expansion et ce, avec une structure agricole légère nécessitant peu d’investissement.

« La filière houblon a l’avantage et l’inconvénient d’être vierge dans la région, souligne le producteur. Parmi les points positifs : elle ne dépend pas de cours mondiaux et elle répond à une demande locale en croissance. Ensuite, il s’agit d’une culture alternative qui comprend des risques puisqu’on part d’une connaissance agronomique proche de zéro. » Autre avantage de cette liane pérenne : elle produit dès la première année de plantation. Attrait non négligeable par rapport aux fruitiers quand il s’agit de construire un projet pour les quinze prochaines années. La houblonnière de 1,77 ha a donc été plantée pendant l’hiver 2021 et la première récolte s’est faite en septembre.

Un séchage en continu pour une meilleure qualité

« Nous avons investi 50 000 €/ha dans le verger : poteaux de 8 m, palissage et plants, 2 500 € dans la trieuse achetée d’occasion à un houblonnier allemand et c’est tout », rapporte Emeric Cadalen. Le travail du sol est fait par un rotovator, et l’engrais répandu avec un épandeur à fumier, tous deux hérités du grand-père. Les travaux de désherbage et de traitements sont faits par un arboriculteur voisin. « Nous fonctionnons déjà comme ça sur les vergers de prunier, avec nos surfaces il n’est pas pertinent de nous équiper et lui, ça lui permet d’amortir les coûts de son équipement. » Autre étape essentielle dans la production de houblon et qui nécessite un investissement : le séchage.

Là aussi Emeric et Mickaël se positionnent avec un avantage : ils possèdent des fours à pruneaux avec séchage en continu. « Nous avons utilisé des claies de réforme pour faire sécher le houblon dans ces fours dont l’avantage est la maîtrise de la température et le brassage d’air. » Les cônes (inflorescences femelles) ressortent intacts et la lupuline (poudre qui contient une partie des composés chimiques recherchés par les houblonniers) qu’ils contiennent n’est pas dispersée.

« Avec ce système de séchage en continu, nous pouvons sécher très rapidement après la récolte, contrairement aux fours à double fond utilisés par d’autres houblonniers pour sécher leur produit où il faut charger tout le four avant de lancer le séchage, renchérit Mickaël Besse. Or moins le houblon attend entre la récolte et le séchage, moins il s’oxyde. Nous espérons donc pouvoir produire un produit de qualité. Il faut qu’on voie les différentes quantités d’huiles essentielles que contient notre produit. »

Une récolte demandeuse en main-d’œuvre

Cette première année est un test qui sera validé par la valorisation ou non de leurs récoltes auprès des brasseurs locaux. Si le test est probant, le potentiel agrandissement de la parcelle va dépendre de la disponibilité en main-d’œuvre au moment de la récolte. Celle-ci se fait aujourd’hui manuellement en coupant les lianes à la base, et en les plaçant sur une remorque tirée par un tracteur.

Une fois la remorque pleine, les lianes sont placées une à une dans une trieuse qui sépare les cônes, des feuilles. « Sur notre surface, nous avons besoin de 6 personnes sur 20 jours et 2 personnes supplémentaires pour finaliser le séchage et le traitement des lots, détaille Mickaël Besse. Sur une période où les saisonniers sont très mobilisés sur le secteur avec la récolte de prune. » Mais si l’expérience se poursuit, « nous devrons embaucher un chef de culture, car gérer les deux entreprises, c’est trop ! », constatent les deux chefs d’entreprise.

"La culture de houblon ne dépend pas de cours mondiaux et elle répond à une demande locale en croissance."

Parcours

1992 : création de la SAS Fruit Gourmet

1999 : association entre Emeric Cadalen et Mickaël Besse et reprise de Fruit Gourmet

2017 : création de Gourmet agricole

2021 : plantation de 1,77 ha de houblonnière

Approvisionner les brasseries locales

Hopen fédère aujourd'hui une dizaine d'agriculteurs sur plus de 20 ha de houblonnière. © RFL

Hopen est une entreprise privée à mission, créée afin de rapprocher la demande en houblon et la production. « Le projet est parti du constat d’une explosion du nombre de microbrasseries et brasseries locales en France depuis cinq ans, explique Lucie Le Bouteiller, une des cofondatrices de l’entreprise. Elles étaient 450 en 2013, aujourd’hui elles sont 2 000. La plupart de ces brasseries se fournissent en houblon à l’étranger mais sont demandeuses de matière première française. » La qualité est souvent le critère numéro un pour le choix des houblons, car face aux géants historiques de la bière, les microbrasseries doivent se démarquer avec des bières de caractère.

Hopen propose donc des variétés de houblon goûteuses produites en France à une soixantaine de brasseries. L’entreprise travaille aujourd’hui avec une dizaine de producteurs dans le Sud-ouest qui auront 25 ha de houblonnière en production l’année prochaine. « Mais l’objectif à cinq ans serait de rassembler une trentaine de producteurs autour de 70 à 100 ha », détaille Fanny Madrid, l’autre fondatrice de l’entreprise. Une surface qui pourrait permettre de fournir du houblon français à la part de marché visée. L’entreprise accompagne les producteurs techniquement sur leur culture et les aide dans la commercialisation, avec une transparence totale sur toute la chaîne de valeur.

 

Les fruits moelleux de Fruit Gourmet

 
Fruit Gourmet commercialise 1 500 t de fruits réhydratés par an. © Fruit Gourmet

« L’activité de Fruit Gourmet est issue de la transformation du pruneau, explique Mickaël Besse, directeur général de l’entreprise. Le père d’Emeric Cadalen a créé un système de réhydratation du pruneau différent des autres qui permet de proposer un pruneau moelleux plus acide et plus sucré, se positionnant sur une gamme premium. » Ce process a très vite été utilisé sur d’autres fruits séchés pour créer, dans un premier temps, une gamme de fruits moelleux vendus à des grossistes pour des primeurs.

Depuis une vingtaine d’années, afin d’étendre leur période d’activité au-delà de l’automne et l’hiver, période de consommation privilégiée des fruits secs, l’entreprise propose des aides culinaires pour les métiers de bouche ou des ingrédients de bases pour de petites entreprises de l’agroalimentaire. « Nous commercialisons 1 500 t de produits transformés, détaille l’entrepreneur. Une partie des fruits est achetée frais, ils sont alors séchés avant d’être réhydratés et une autre est achetée déjà séchée. »

Le challenge de relocaliser la production

Parmi les fruits réhydratés, 250 t de pruneau sont achetés pour les marques créées par Fruit Gourmet. Mais 60 % des matières premières est importé. Un fait que déplore Mickaël Besse : « Le challenge des dix prochaines années serait de relocaliser la production. Mais en France, à part la prune d’Ente, il n’existe aucune autre variété de fruits destinée au séchage. » Les variétés d’abricot, de figue et de raisin, les trois principaux fruits séchés consommés en France hormis le pruneau, ont été sélectionnées pour les fruits de bouche.

Elles sont souvent trop acides ou fibreuses pour pouvoir donner des produits séchés proches de ceux connus par le consommateur. « La Turquie concentre 80 % de la production mondiale d’abricot sec, avec des variétés spécifiques donnant des abricots très fermes à 25° brix », continue-t-il. La consommation française d’abricot sec est de 5 000 à 6 000 t, soit 20 000 à 25 000 t en équivalent frais.

 

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