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La conservation des pommes et poires s’affine selon les variétés et les lots

La nécessité de mieux conserver les pommes et désormais les poires amène les opérateurs à affiner les paramètres de conservation selon les variétés et les lots. Un enjeu essentiel est aussi d’économiser l’énergie.

En moyenne 15 % des pommes et 10 % des poires sont écartées de la commercialisation en frais après stockage. Ces volumes sont pour la plupart dirigés vers l’industrie, le reste est perdu. Si la production permet l’élaboration de la qualité des fruits, les techniques post-récolte sont essentielles pour ralentir leur évolution, préserver la qualité et lisser les périodes de commercialisation. En pomme, l’enjeu principal est de garder l’aspect visuel de la cueillette et de maîtriser les pourritures.

« Et comme ces pourritures sont souvent dues à des contaminations en verger, le stockage est rendu plus compliqué avec la réduction des solutions phytosanitaires et l’essor des cahiers des charges sans pesticides ou sans résidus de pesticides », note Eric Vandeputte, directeur de Fruits & Compagnie. Autres objectifs : éviter la perte de fermeté et de poids et le cœur brun, lié à une toxicité due au CO2.

S'adapter à chaque lot pour conserver les qualités des fruits

Le défi est d’adapter à chaque lot la température, l’hygrométrie, les taux d’O2 et de CO2, les vitesses de refroidissement, les durées de conservation, les moyens supplémentaires nécessaires (SmartFresh, huiles essentielles…). L’objectif étant d’éviter les risques physiologiques liés au froid (échaudure de prématurité (scald), échaudure molle, brunissement externe ou interne…) ou à des taux d’O2 ou CO2 inadaptés (évolution trop rapide, départ en fermentation, brunissement interne ou externe…) et de conserver les qualités des fruits le plus longtemps possible.

« Les pommes sont assez faciles à stocker, estime François Mestre, directeur de Mesfruits. Mais l’enjeu est de ne pas détériorer la qualité visuelle et gustative. Certaines variétés se conservent mieux que d’autres et les critères de conservation comptent aujourd’hui pour un tiers dans le choix des variétés que nous plantons. Les paramètres varient aussi selon les variétés, les clones, les terroirs, l’âge du verger, la date de récolte… »

Eviter le mélange des variétés

L’agréage des lots est capital pour déterminer les conditions de conservation. Sont pris en compte le taux de sucre, la fermeté, la couleur de fond, la régression de l’amidon, les défauts évolutifs, le climat récent (pluie, forte chaleur…). Un point clé est d’éviter le mélange des variétés. « Chaque variété a ses paramètres, souligne Quentin Socheleau, cogérant du Verger de la Blottière. De plus, certaines variétés comme Golden dégagent beaucoup d’éthylène, alors que d’autres comme Granny Smith sont très sensibles au scald déclenché par l’éthylène. Le remplissage des chambres est basé sur l’agréage et l’expérience. Une chambre peut contenir des lots de différentes parcelles ou dates de cueille, mais avec des capacités de conservation homogènes. »

La relance en France d’une filière poire amène aussi les opérateurs à travailler les critères de conservation de ce fruit, pour allonger sa durée de commercialisation, contrer l’importation de poires italiennes en conservant mieux les poires d’été et surtout attirer les consommateurs de poire souvent déçus par des fruits pas assez ou trop mûrs. « La poire est un fruit fragile et compliqué, constate Quentin Socheleau. Un enjeu est de limiter sa déshydratation. Un autre est de préparer l’affinage. Quand la maturité est enclenchée, tout va très vite. Le point clé est de la refroidir vite à cœur en froid négatif pour enclencher sa maturation et qu’elle s’affine mieux en sortie et développe plus d’arômes. » Là aussi, les paramètres varient selon les variétés. L’importance en poire de limiter la déshydratation amène aussi les opérateurs à investir dans des techniques optimisant l’hygrométrie, comme des brumisateurs ou encore le procédé HD Cold de la société DPKL, qui pilote le froid en intégrant la gestion de l’humidité dans la chambre.

Economiser l’énergie

Autre enjeu essentiel : limiter la consommation d’énergie liée au froid, pour des raisons économiques et environnementales. L’évolution dans la production de froid, avec l’utilisation d’eau glycolée, des groupes froids en extérieur et des fluides frigorigènes plus performants comme le propane, permet de limiter la consommation. Des compresseurs plus performants et l’installation de variateurs de fréquence sur les moteurs électriques (compresseurs, pompes, ventilateurs…) permettant d’adapter la puissance au volume de fruits à refroidir ou ventiler, limitent aussi la consommation électrique.

De plus en plus d’opérateurs s’équipent également de logiciels de supervision qui suivent en temps réel la consommation électrique et peuvent délester certaines chambres pour l’écrêter, limiter la puissance électrique nécessaire et bénéficier de contrats plus avantageux. Autre solution : la récupération de chaleur sur les groupes froids pour permettre le dégivrage à l’eau chaude.

 

François Mestre, directeur, et Rida Bouayadi, responsable conservation à Mesfruits (Vaucluse)

« Des procédures rigoureuses et un logiciel de supervision »

 

François Mestre, directeur, et Rida Bouayadi, responsable conservation à Mesfruits (Vaucluse). © Mesfruits

« Nous stockons 30 000 à 40 000 t de pommes et 2 000 t de poires dans 120 chambres en ULO et AC dynamique. Depuis trois à quatre ans, l’enjeu principal est de stocker mieux en économisant l’énergie. Cela implique des installations neuves. Toutes nos chambres en AC ont moins de trois ans. Nous bénéficions aussi de l’appui de la société Eqinov, avec un programme informatique qui permet de voir en temps réel la consommation électrique des différents sites et exploite au mieux la flexibilité électrique.

Lors des pics de consommation électrique dans la région, le programme piloté par Eqinov réduit notre consommation en coupant des absorbeurs d’éthylène, des générateurs d’azote, la ventilation, les groupes froids… ce qui permet d’avoir une prime sur notre facture d’électricité. En trois ans, malgré la hausse constante du prix de l’électricité, notre facture a baissé de 17 %. Nous avons aussi instauré des procédures rigoureuses pour limiter les besoins en froid.

Les fruits livrés l’après-midi ne sont mis en chambre froide que le lendemain matin, ce qui permet de gagner 5 à 10°C. Nous travaillons aussi désormais 7 jours sur 7, pour éviter de saturer les chambres avec des fruits chauds. Et depuis trois à quatre ans, nous installons de nouvelles chambres sur les différents lieux de production, pour réduire les délais et les coûts logistiques. »

 

Quentin Socheleau, cogérant du Verger de la Blottière (Maine-et-Loire)

« Le dégivrage à l’eau chaude limite la déshydratation et la consommation électrique »

 

Quentin Socheleau, cogérant du Verger de la Blottière (Maine-et-Loire). © Verger de la Blottière

« Nous stockons 28 000 t de pomme et 7 000 à 8 000 t de poire. Depuis dix ans, nous développons la production de poire, notamment les variétés Sweet Sensation et QTee. Nous avons 88 chambres froides de 150 à 400 t, en grande partie en Extrême ULO. Comme nous développons la poire, qui représente de plus petits volumes, nous avons aujourd’hui plus de petites chambres. En 2021, nous avons changé le groupe froid de la station de Chemillé qui fonctionne désormais au propane et récupère la chaleur des compresseurs.

La chaleur chauffe de l’eau qui sert au dégivrage des évaporateurs. Le dégivrage se fait en 10 à 20 minutes et sans ventilation, ce qui limite la déshydratation, un point clé en poire. Jusqu’ici, le dégivrage se faisait en coupant le froid et en ventilant de l’air chaud. Il durait 1 heure, réchauffait l’air et déshydratait les fruits. Tous nos compresseurs sont aussi équipés de variateurs de fréquence qui adaptent la production de froid au volume à refroidir.

Et depuis cinq ans, une supervision informatique nous alerte sur des surconsommations, avec un système automatique de paramétrage pour ne pas dépasser certains seuils de puissance. Si nous en approchons, le logiciel déleste progressivement des chambres pour ne pas les dépasser. En 2021, avec le propane, le dégivrage à l’eau chaude, les variateurs de vitesse et la supervision informatique, nous espérons baisser la consommation électrique de 15 %. Nous réfléchissons aussi à équiper nos chambres d’humidificateurs pour limiter la déshydratation et la perte de poids. Et nous suivons la piste de l’ozone. »

 

Eric Vandeputte, directeur de Fruits & Compagnie (Gard)

« Il faut développer la recherche sur le froid »

 
Eric Vandeputte, directeur de Fruits & Compagnie (Gard). © Fruits & Compagnie

« Fruits & Compagnie stocke 15 000 à 18 000 t de pommes et 4 000 à 5 000 t de poires. Nous avons des chambres en froid normal, AC classique et AC dynamique. L’AC dynamique, qui pilote le réglage de l’O2 et du CO2 selon la réaction du fruit, permet un stockage plus long et évite le scald sur Golden, ce qui permet de la conserver 12 mois. Nous l’utilisons aussi en poire pour du déstockage tardif.

Chaque variété a son protocole. Nous utilisons l’HD Cold depuis quatre ans en pomme et poire. L’évaporation est régulée, il n’y a pas d’à coups d’humidité et les résultats sont améliorés. Pour la production de froid, nous utilisons de l’eau glycolée, qui permet un pilotage plus précis. Depuis deux ans, nous avons basculé deux installations au propane, gaz peu coûteux et qui a réduit la consommation électrique.

Nos installations étaient anciennes, mais nous ne pensions pas économiser autant. Nous allons aussi nous intéresser au pilotage du froid par rapport aux périodes de consommation, pour avoir des contrats moins chers. Il faudrait aussi que la recherche s’intéresse davantage à la gestion du froid, le froid adapté à chaque fruit, la façon de réfrigérer, l’utilisation et le dimensionnement des évaporateurs… Des pays comme l’Italie sont plus avancés que nous sur ces sujets. »

 

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