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Tomate sous serre : y aura-t-il assez de gaz cet hiver ?

Les serristes utilisant la cogénération sont très inquiets concernant les prix mais aussi la disponibilité en gaz cet hiver, même s’ils sont moins menacés à court terme que les producteurs ne fonctionnant qu’avec des chaudières à gaz.

70% des surfaces de serres de tomate chauffées au gaz sont équipées de cogénération.
70% des surfaces de serres de tomate chauffées au gaz sont équipées de cogénération.
© V. Bargain

En vingt ans, la cogénération s’est beaucoup développée chez les producteurs de tomate sous serre. 70 % des surfaces chauffées au gaz sont aujourd’hui équipées d’une cogénération. « Les cogénérations des serristes français produisent environ 500 MWh d’électricité, soit 10 % du mix électrique de la France », précise Ariane Grisey, du CTIFL. La plupart bénéficient d’un contrat avec obligation d’achat avec EDF. Du 1er novembre au 31 mars, l’électricité est vendue à EDF à des tarifs avantageux. Le reste de l’année, les cogénérateurs peuvent vendre l’électricité sur le marché libre. Le gaz servant à faire fonctionner les cogénérations et à chauffer les serres est acheté en général dans le cadre de contrats sur un an, deux ans ou trois ans permettant une certaine visibilité. Même si l’investissement reste élevé, de l’ordre de 1 M€ le MWh, la cogénération est ainsi un bon moyen d’abaisser les coûts de chauffage, avec des avantages en termes de maîtrise sanitaire et d’installation de la protection biologique, et un facteur essentiel de compétitivité.

Mais la flambée du prix du gaz, les incertitudes sur les approvisionnements et désormais le plafonnement du prix de revente de l’électricité inquiètent fortement les serristes. Le contrat qui les lie à EDF, d’une durée de 12 ou 15 ans, dont bénéficient encore la majorité des serristes, les oblige en effet à produire de l’électricité du 1er novembre au 31 mars, quel que soit le prix du gaz qu’ils achètent. « En principe, plus le gaz est cher, plus le prix de revente de l’électricité est élevé, précise Christophe Rousse, président de Solarenn. Mais comme le prix est calculé sur la base du prix du gaz le mois précédent, il peut y avoir de gros décalages. Déjà au début de la guerre, le 10 mars, avec l’augmentation soudaine des prix, certains serristes ont arrêté de faire fonctionner leur cogénération, car ils perdaient de l’argent à produire. La cogénération ne tient que si l’électricité se vend cher. »

Ne pas produire à perte

L’augmentation des prix du gaz depuis un an et le manque de visibilité sur leur évolution inquiètent fortement les cogénérateurs. Alors que beaucoup fonctionnaient jusqu’ici avec des contrats d’approvisionnement en gaz sur un an et doivent prochainement les renouveler, la décision de signer un contrat aujourd’hui est difficile à prendre sans savoir si les prix vont encore augmenter ou s’ils vont baisser et à quel prix ils pourront revendre l’électricité. « Comment s’engager sans connaître l’évolution du prix de l’électricité et du prix du gaz ? », s’inquiète Bruno Vila, président de Rougeline. Une inquiétude renforcée depuis l’annonce le 14 septembre par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission Européenne, qu’elle renonçait au projet de plafonner le prix du gaz russe et qu’elle souhaitait découpler le prix du gaz et de l’électricité et plafonner le prix de revente de l’électricité pour les producteurs d’électricité à 180 €/MWh, les recettes supérieures à ce plafond étant prélevées par les gouvernements des Vingt-sept, chacun pouvant fixer un plafond inférieur s’il le souhaite.

Fin septembre, beaucoup des serristes n’ayant plus de contrat en cours achetaient le gaz au jour le jour. « Nous suivons les cours du gaz et de l’électricité tous les jours et même toutes les heures », souligne Antoine Cheminant, responsable tomate à Océane. Et même au-delà des prix, les cogénérateurs s’inquiètent de la disponibilité en gaz cet hiver. « Pour les producteurs de Solarenn, l’approvisionnement en gaz se fait sur des contrats annuels, précise Christophe Rousse. Et pour la plupart, les contrats se terminent le 31 octobre 2022. Certains producteurs ont resigné un contrat d’approvisionnement en juin-juillet. Mais mi-septembre, beaucoup n’en avaient pas resigné, car il n’y avait pas d’offre de la part des fournisseurs. La situation est tellement incertaine que les fournisseurs de gaz ne veulent pas s’engager. »

Crainte de pénalités

S’y ajoute en France la crainte de possibles coupures momentanées du gaz cet hiver. Dans la loi relative au pouvoir d’achat, l’article 26 donne en effet la possibilité au ministre chargé de l’Energie, en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, d’ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou suspendre l’activité de leurs installations. Et si en plus s’ajoute une menace sur l’approvisionnement en électricité, le ministre peut réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin d’en confier le fonctionnement à un opérateur de son choix. Ces mesures s’appliquent toutefois en priorité à des installations ne produisant pas de la chaleur valorisée.

De plus, elles ne s’appliquent pas aux cogénérations pour lesquelles un contrat d’obligation d’achat de l’électricité est en vigueur. « En cas de coupure de gaz, les producteurs pourront chauffer les serres pendant deux à trois jours grâce au stockage d’eau chaude ou aux chaudières d’appoint, analyse Jean-Pierre La Noë, président de l’AOPn Tomates et Concombres de France. Mais ils ne pourront pas faire tourner les cogénérations et répondre à l’obligation de fournir de l’électricité à EDF, alors qu’on manque d’électricité en France. » « Et si nous ne fournissons pas d’électricité, cela entraîne des pénalités, ajoute Christophe Rousse. Nous pourrions être obligés d’acheter de l’électricité sur le marché libre pour le revendre à EDF, alors que nous aurons toujours les annuités de la cogénération à rembourser. »

Des prévisions inquiétantes

Le 23 septembre, le Daily European Gaz Index se situait à 184 €/MWh, plutôt en baisse depuis un mois après avoir atteint 310 €/MWh le 25 août. Mais selon Energies Dev Consulting, les prix d’achat au 12 août du gaz PEG France (Point d’Echange Gaz) pour la livraison sur les années 2022, 2023 et 2024 s’élevaient tout de même à 155 €/MWh pour 2023, 102 €/MWh pour 2024 et 62 €/MWh pour 2025, soit une augmentation en un mois de 23 €/MWh pour 2023, 19 €/MWh pour 2024 et 11 €/MWh pour 2025.

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