Poireau : la Belgique teste le poireau en hydroponie
Confrontée à des difficultés de production, la filière poireau de Flandre, en Belgique, évalue la possibilité de produire en hydroponie sur des supports flottants. Le poireau en hydroponie serait une culture rentable, d’après des travaux de recherche belges.
Confrontée à des difficultés de production, la filière poireau de Flandre, en Belgique, évalue la possibilité de produire en hydroponie sur des supports flottants. Le poireau en hydroponie serait une culture rentable, d’après des travaux de recherche belges.
La culture du poireau est l'une des plus importantes cultures maraîchères de plein air en Flandre, au nord de la Belgique. D’après REO Veiling, la plus importante coopérative de vente de poireaux pour le marché du frais, 3 175 hectares de poireau étaient cultivés en Flandre en 2021, dont 80 % en Flandre occidentale. Sur ce total, 2 325 hectares étaient destinés au marché du frais et 850 hectares à l'industrie.
Mais la filière flamande de poireau est confrontée à des défis structurels. Conditions climatiques plus difficiles, normes de fertilisation plus strictes et diminution du nombre de substances actives utilisables… de nombreux facteurs menacent la culture du poireau en Flandre. De plus, la culture est particulièrement gourmande en main-d'œuvre et celle-ci se fait de plus en plus rare.
Un avantage pour les marchés d’export exigeants
Chez REO Veiling, le poireau est le légume qui réalise le deuxième chiffre d'affaires annuel le plus important. Des efforts sont déployés depuis plusieurs années pour trouver des solutions aux obstacles rencontrés par les producteurs de poireau au niveau de la production et de la vente sur les marchés d'exportation.
La culture en hydroponie fait partie des pistes les plus prometteuses. La station de recherche belge Inagro étudie cette possibilité depuis 2015, en collaboration avec REO Veiling et Hydromasters, une entreprise qui commercialise des installations pour la culture en hydroponie. L’un des avantages de ce mode de culture est qu’il supprime le risque de présence de résidus de terre sur le produit final. C’est un grand point fort pour l’export vers des marchés comme le Canada ou le Japon, très lucratifs mais très exigeants.
Selon Inagro, la culture du poireau en hydroponie est rentable, en tenant compte des investissements que nécessite ce système de culture. Le système hydroponique étudié par le centre de recherche est le Deep floating technique (DFT) : les plants de poireau sont positionnés sur des supports en plastique flottant dans un bassin d’au moins 30 cm de profondeur alimenté en eau et nutriments.
Une installation pilote de 400 m²
Une système de circulation à faible consommation d’energie permet de faire circuler l’eau et d’avoir un taux d’oxygène suffisant. Chaque plant de poireau est entouré par un tube afin de conserver la blancheur du fût. Un autre atout de l’hydroponie en DFT est son rendement. « Avec ce système, nous cultivons à une densité de 600 000 plants par hectare, précise Tomas Van de Sande, du département sol et eau d’Inagro. Et comme le poireau pousse plus vite, nous pouvons réaliser 2 à 2,5 cycles de production par an. » L’une des particularités du système DFT expérimenté à Inagro est qu’il est réalisé en plein air, ce qui est très inhabituel avec cette technique. La culture sous serre n’a pas été retenue pour des raisons agronomiques, le poireau ne supportant pas les températures élevées, mais aussi économiques, afin de limiter les coûts d’investissement.
Les recherches d’Inagro sur la DFT ont pris de l'ampleur en 2021 avec la construction d'une installation pilote, qui comprend six bassins de production différents, d'une surface totale de plus de 400 m² : quatre petits bassins et deux grands bassins de 1,40 m de profondeur. « On récupère l’eau de pluie pour alimenter les bassins, décrit Tomas Van de Sande. Il faut bien gérer la quantité de solution nutritive en fonction du volume d’eau. » Les recherches portent sur différentes méthodes de contrôle, de circulation et d’ajustement de la solution nutritive. Inagro vise un rendement par hectare six à huit fois supérieur à une production en pleine terre. « En petits bassins, on a déjà atteint ce niveau de production », assure Tomas Van de Sande.
L’automatisation de la récolte en vue
Le prototype de support, développé par REO Veiling, Hydromasters et Inagro, comporte 108 trous pour accueillir les plants de poireau. Il est conçu pour être produit facilement à grande échelle, et est adapté aux contraintes d'une récolte robotisée. L’automatisation de la récolte, dans le but de réduire les coûts de main-d'œuvre, est en effet un autre axe des essais d’Inagro. Le centre de recherche travaille avec l’entreprise Dewilde Engineering sur un bras robotisé pouvant récolter les poireaux directement sur le support, très vite et sans les abîmer. Des recherches sont en cours pour une éventuelle valorisation des racines, qui représentent 60 à 80 t/ha/an pouvant être récupérées.
La culture en hydroponie permet de s’affranchir de certains problèmes phytosanitaires. « On n’a plus besoin d’herbicides, ni de traiter contre les maladies transmises par le sol, détaille Tomas Van de Sande. En revanche, on utilise des produits phytosanitaires contre le thrips et la rouille, à la même fréquence que pour une culture en sol. Mais comme la densité est plus élevée, on utilise moins de quantités de produits par kilo de poireau. » Des essais d’utilisation de filets anti-insectes seront mis en place prochainement.
Pas de différence de goût avec la culture en sol
Le goût des poireaux cultivés en hydroponie a été évalué en comparaison avec une culture en sol. Une même variété, récoltée le même jour dans les deux modes de culture, a été dégustée à l’aveugle par un panel de 60 personnes. Il n’est pas apparu de différences significatives entre les modalités DFT et plein sol. Dans le détail, 77 % du panel ont évalué le goût des poireaux cultivés en hydroponie « bon » ou « très bon », contre 73 % pour les poireaux produits en pleine terre. 10 % ont qualifié leur goût de « neutre » (11 % pour ceux cultivés en sol) et 14,5 % de « pas très bon » ou « pas bon du tout » (16 % pour les poireaux cultivés en sol). « Ces résultats positifs, pour les premiers tests de goût mais aussi de conservation, nous ont donné confiance concernant la qualité du produit final », se réjouit Tim De Cuypere, responsable des essais chez Inagro.