Décarboner les cultures de concombre et tomate sous abri
Le projet Pertomco a permis d’identifier les leviers pour l’amélioration environnementale des tomates et concombres sous abri. Troquer le gaz naturel pour du biogaz apparaît comme le meilleur compromis entre coût et efficacité.
Le projet Pertomco a permis d’identifier les leviers pour l’amélioration environnementale des tomates et concombres sous abri. Troquer le gaz naturel pour du biogaz apparaît comme le meilleur compromis entre coût et efficacité.
Soucieuse de son empreinte environnementale, l’AOPn tomates et concombres de France a porté le projet Pertomco, dont l’étude a été confiée au CTIFL et les résultats dévoilés lors d’une journée consacrée au réchauffement climatique le 9 octobre dans le Gard. Avant d’identifier les leviers d’action, il a fallu commencer par calculer précisément l’empreinte d’une tomate et d’un concombre cultivés sous abri. « Nous avons utilisé pour cela la méthode normalisée de l’ACV, pour Analyse de cycle de vie, explique Ariane Grisey, responsable de l’unité environnement et énergie du CTIFL. Elle prend en compte tout ce qu’il se passe de la serre jusqu’à la plateforme de distribution. »
L'impact du chauffage ultra majoritaire dans les émissions de GES
Il en ressort qu’un kilo de tomate grappe cultivé en France sous serre chauffée représente en moyenne, vis-à-vis du changement climatique, 1,29 kilo de gaz à effet de serres (GES) équivalent CO2 (eqCO2). Le kilo de concombre affiche, lui, 1,54 kilo eqCO2. Sans surprise, 75 % de l’impact est dû au chauffage, qui est majoritairement au gaz dans le mix énergétique de la production française. Vient ensuite le CO2 liquide utilisé pour l’enrichissement des serres (environ 8 %), puis les matériaux (environ 6 %, dus au verre notamment).
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À titre de comparaison, un kilo de tomate au sol en serres froides représente 0,29 kilo eqCO2. Le premier poste d’émission de GES étant les engrais (45 %), suivi des matériaux de la serre (27 %, à cause notamment de la bâche plastique) et de la production des plants (14 %). « Cela ne doit pas faire perdre de vue les efforts qui ont déjà été faits par la filière en adoptant le gaz naturel, pointe Ariane Grisey. Si l’on compare avec la référence chauffage fioul des années 2006 l’empreinte a chuté sur la quasi-totalité des indicateurs, et les GES ont diminué de 57 % entre 2006 et 2022. »
L’utilisation d’énergie fatale est le levier d’action le plus puissant
Comment aller encore plus loin et poursuivre cette amélioration de l’empreinte environnementale des tomates et concombres sous abri chauffé ? Le CTIFL a étudié plusieurs leviers et combinaison de leviers permettant d’atteindre, dans les cas les plus vertueux, 80 % de réduction de l’empreinte carbone. Le premier enseignement est que les serres photovoltaïques, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne présentent qu’un intérêt limité (-1 % de GES).
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En revanche, opter pour du CO2 liquide provenant de méthaniseurs (coproduit du biogaz) plutôt que pour des ressources fossiles est un levier facile à mettre en place et relativement efficace. Il permet en effet de réduire les GES de 8 %. De même, s’équiper d’écrans thermiques plus performants (ou bien de deux écrans) fait baisser l’empreinte de 11 %. Jouer sur les chaudières est plus complexe mais reste le plus efficace pour limiter les émissions. Une pompe à chaleur permet de réduire les GES de 51 %, et une chaudière fonctionnant au biogaz fait atteindre 59 %. La récupération de chaleur industrielle (énergie fatale) représente un must, puisqu’elle fait éviter presque 70 % des émissions. Combiner cette technologie avec une meilleure isolation des serres et l’utilisation de CO2 liquide issu de biogaz ramènerait l’empreinte d’un kilo de tomate ou de concombre à 0,3 kilo eqCO2. « Ce qui est peu ou prou la valeur pour son équivalent produit en serre froide », fait remarquer Ariane Grisey.
Un outil pour choisir l’énergie la plus verte sur son territoire
Reste que de relier toutes les serres à des réseaux de chaleur paraît une solution peu crédible. « En prenant pour objectif 30 % du parc équipé en 2035, cela représenterait 440 millions d’euros d’investissement pour réduire les GES de 0,128 million de tonnes équivalent CO2, soit 2,18 euros par kilo de gaz non émis », calcule l’experte.
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Le levier le plus efficace, selon les résultats de l’étude Pertomco, serait de remplacer le gaz naturel par du biogaz. En imaginant convertir la moitié du parc français pour 2035, cela impliquerait un surcoût de 31 millions d’euros mais permettrait de réduire les émissions de 0,23 Mt eq CO2. Soit 0,14 € à investir par kilo équivalent CO2 évité dans l’atmosphère. Une solution davantage réaliste, puisqu’il existe d’ores et déjà un marché du biogaz, même s’il est plus onéreux. « Se concentrer sur la distribution en assurant le transport avec des moteurs hybrides et en utilisant des caisses réutilisables n’a finalement pas beaucoup de sens, car le post-récolte ne représente que 5 % des émissions sur la totalité de la chaîne de valeur », conclut Ariane Grisey. Un projet européen est en cours. Il doit déboucher sur un outil permettant de choisir la meilleure énergie en fonction du territoire où sont implantées les serres.