Biocontrôle en fraises : actionner les leviers contre les pucerons
Avec le non-renouvellement du spirotétramat, pour la culture de fraises, difficile de lutter contre les pucerons. Mais de nouvelles approches de lutte sont explorées.
Avec le non-renouvellement du spirotétramat, pour la culture de fraises, difficile de lutter contre les pucerons. Mais de nouvelles approches de lutte sont explorées.

Les pucerons font partie des bioagresseurs les plus problématiques en culture de fraises hors-sol. On les retrouve sur tous les organes de la plante. Ils peuvent provoquer des dégâts directs par leurs prélèvements de sève, comme des retards de croissance des plantes. Mais ils sont aussi à l’origine de dégâts indirects : leur production de miellat limite la photosynthèse et rend les fruits impropres à la consommation.
« La gestion des pucerons repose en majeure partie sur l’utilisation d’une matière active, le spirotétramat, qui n’a pas été renouvelée au niveau européen, rappelait Anthony Ginez, chargé d'expérimentation à l’Aprel, lors du Sival 2025 (1). Les usages des produits à base de spirotétramat ne seront plus autorisés le 30 octobre 2025. Il existe peu d’autres solutions de lutte contre les pucerons qui sont compatibles avec la protection biologique intégrée, c’est-à-dire les lâchers d’auxiliaires. »
Lutter avec ces deux leviers : pupes de syrphes et œufs de chrysope
Face à ce constat, l’Aprel, station expérimentale légumière basée à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), travaille sur des moyens de lutte alternatifs contre les pucerons. Deux approches sont explorées : des produits de biocontrôle et des auxiliaires de culture. Ils ont d’abord été testés séparément, mais l’objectif est de construire des stratégies utilisant ces deux leviers.
« 2024 était la première année d’essais. On s’est concentré sur une huile paraffinique, Lovell, proposée par Koppert, et un savon (sels potassiques d’acides gras), Neudosan, de Certis », décrit Anthony Ginez. Les auxiliaires de cultures évalués sont les syrphes sous forme de pupes et les œufs de chrysope. « Les chrysopes sont fréquemment utilisées sous forme de larves, poursuit le spécialiste. Elles ont une efficacité contre les pucerons mais qui est insuffisante. Les œufs de chrysopes sont disponibles depuis peu ».
Lors de l’essai, les deux produits de biocontrôle testés ont montré 35 % d’efficacité, avec quatre applications toutes les semaines. Mais les efficacités des traitements ont été aléatoires. « Nous consignons tous les paramètres au moment de l’application – météo, température, hygrométrie – afin de mieux comprendre ces produits, observe Anthony Ginez. Ceux-ci sont peu compatibles avec la présence d’auxiliaires, il faut donc bien articuler les lâchers d’auxiliaires avec les traitements. Enfin, l’essai a été réalisé sous une faible pression en pucerons, donc nous souhaitons le renouveler l’an prochain sous une pression plus forte. »
Le rapport de teneur K/Ca réduit de 85 %
L’essai avec les pupes de syrphe n’a pas donné de résultats car le taux d’émergence a été très faible. « Pour les œufs de chrysopes, la pulvérisation est simple et homogène, mais il faut être vigilant lors de l’application pour éviter les bouchages : des œufs se retrouvaient bloqués dans le pulvérisateur », note l’expérimentateur.
La fertilisation est un autre levier potentiel de lutte contre les pucerons sur fraisier. Dans un essai mené sur le centre CTIFL de Lanxade en 2023, une solution nutritive représentative des pratiques des producteurs est comparée à une solution nutritive avec une teneur réduite en fertilisants (30 % en végétation et 60 % en fructification) et un équilibre entre les éléments fertilisants modifiés. Le rapport de teneur entre le potassium et le calcium (K/Ca) est ainsi réduit de 85 % par rapport à la solution nutritive représentative des pratiques des producteurs. « Une réduction générale de la fertilisation accompagnée d’une réduction du rapport K/Ca permet de réduire significativement la prolificité sur feuille des pucerons de l’espèce Rhodobium porosum sur fraisier durant les mois de mars et avril, indique le rapport d’impact 2023 du CTIFL. Ce levier montre ensuite ses limites sur les mois de mai et juin durant lesquels les populations de pucerons sont très fortes sur toutes les modalités. »
Un levier intéressant sur le créneau précoce chauffé
De plus, la fertilisation n’a pas permis de réduire significativement les dégâts sur fruits. La modification de fertilisation n’a pas entraîné de réduction du rendement brut. Ce dernier s’élève à environ 285 g/plant sur le premier jet de production pour les deux modalités de l’essai. La qualité des fruits a cependant été affectée significativement par les modifications de fertilisation. « La réduction de la fertilisation accompagnée d’une baisse du K/Ca entraîne une baisse de l’acidité titrable de 1,6 mEq/100 g de pulpe par rapport au témoin, souligne le rapport d’impact. Cela aurait une incidence plutôt positive sur la qualité gustative du fruit. »
La modification de la fertilisation a permis de réduire de 50 % la quantité d’azote apportée à la culture. Cela permet de réduire les charges d’approvisionnement du producteur. « Sur le créneau précoce chauffé, l’utilisation de la fertilisation comme levier de lutte contre les pucerons est assez intéressante en début d’infestation, lorsque la dynamique de population est relativement faible, résume le rapport d’impact. Mais ce levier montre ses limites à partir de début mai lorsque le rythme de développement des pucerons s’accélère. »
De nombreuses espèces de pucerons
Plusieurs espèces de pucerons peuvent affecter les cultures de fraise. Le cycle de ces différentes espèces peut être très différent, notamment leur forme de conservation hivernale. Sous serre, cinq espèces de pucerons sont couramment présentes : Rhodobium porosum, Acyrthosiphon malvae, Macrosiphum euphorbiae, Aphis sp et Chaetosiphon fragaefolii. Leur multiplication est rapide, le développement d’une génération de pucerons nécessite environ dix jours à 20 °C. Les premiers individus s’observent en général sous les feuilles avec une rapide colonisation des hampes florales. Lorsque les attaques sont importantes, on observe une crispation des folioles due à leurs piqûres de nutrition, du miellat – voire de la fumagine.