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Fongicides céréales : le T1, de moins en moins fréquent, s'adapte au retrait du chlorothalonil

Même dans les régions à forte pression parasitaire, les céréaliers ont de moins en moins recours au traitement réalisé entre un et trois nœuds du blé (T1). La vigilance reste de mise vis-à-vis de la septoriose et de la rouille jaune, et il faut désormais compter avec le retrait du chlorothalonil.

Avec une faible pression parasitaire en début de printemps, l'application de soufre en T1 suffit à contrôler la septoriose. © C. Gloria
Avec une faible pression parasitaire en début de printemps, l'application de soufre en T1 suffit à contrôler la septoriose.
© C. Gloria

Le contexte de ces dernières années minimise l’importance du traitement à deux nœuds sur blé, grâce à de faibles pluviométries au printemps générant peu de pression parasitaire. Malgré tout, des secteurs à fort potentiel de rendement et soumis à des conditions climatiques plus humides qu’ailleurs peuvent continuer à avoir besoin de cette solution, comme en bordure de la mer de la Manche.

« La septoriose est la maladie majeure de notre secteur, suivie par la rouille jaune et la fusariose, présente Jean-Philippe Chenault, responsable du service agronomie de la coopérative de Creully dans le Calvados. Dans notre offre fongicide, le soufre prend le relais du chlorothalonil. Nous proposons pour le premier traitement le produit Vertisoufre en solo ou associé au fongicide Djembe (bromuconazole + tébuconazole). Cette dernière solution apporte une efficacité sur rouille jaune en plus de la septoriose. »

Le chlorothalonil est définitivement sorti du jeu après son retrait cette année. Cette molécule fongicide très utilisée en premier traitement dans un programme classique à trois applications était reconnue pour son efficacité antiseptoriose et pour lutter contre la progression de souches du pathogène résistantes aux triazoles. Il faut donc s’en passer. « La solution folpel + soufre est celle qui se rapproche le plus de l’efficacité du chlorothalonil avec l’effet multisite sur toutes les souches de septoriose », présente Fabrice Blanc, expert technique national fongicides grandes cultures chez Syngenta.

Le soufre prend le relais du chlorothalonil, plus que le folpel

Arvalis a comparé le folpel au soufre au travers de l’association de chacun des deux avec le produit Juventus (metconazole). « 600 grammes de folpel sont équivalents à 2400 grammes de soufre. D’autre part, le folpel modifie peu la proportion des différentes souches résistantes de septoriose », constatent Jean-Yves Maufras et Claude Maumené, Arvalis. Adama est la société qui développe le plus fortement le folpel. Elle propose une nouvelle gamme de fongicides nommée MSI Protech, avec plusieurs solutions à base de folpel, en solo ou en association.

Plus que le folpel, le soufre remporte les suffrages en T1 dans les campagnes. « Le soufre peut être un complément à un triazole ou il peut être utilisé seul. Nous préconisons le choix d’un produit avec une base triazole comme le tébuconazole qui apporte le meilleur rapport qualité/prix contre les rouilles, expose Aurélien Honoré, conseiller productions végétales à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Une strobilurine renforcera l’efficacité du triazole contre les rouilles. » Non loin dans l’Aisne, Nicolas Jullier constate l'utilisation fréquente du metconazole en T1. « C’est ce que nous préconisons, en solo si la pression maladies est faible, associé avec du soufre si la septoriose est plus présente », précise le conseiller de la chambre d’agriculture départementale.

Le T1 de moins en moins rentabilisé économiquement

Dans toutes ces régions, le T1 a perdu de son importance. « Entre 20 et 30 % des agriculteurs ont recouru à ce traitement dans notre région contre 90 % il y a cinq ans, remarque Aurélien Honoré. On arrive jusqu’au traitement au stade 'dernière feuille étalée' sans faire de T1. Celui-ci s’avère de moins en moins rentable, a fortiori sur des variétés tolérantes à la septoriose. Mais même sur les variétés sensibles, le T1 n’était pas rentabilisé économiquement en l’absence de maladie. » Pour Jean-Yves Maufras, c’est clair : « on ne fait plus de T1, sauf si l’on est en présence de rouille jaune précoce et si le modèle de prévision comme SeptoLis déclenche la nécessité d’une telle application. Ce traitement coûte 25 à 30 euros l'hectare et ce n’est pas toujours rentable. »

« Nous sommes dans une phase de référencement des OAD pour nous aider dans la décision d’effectuer un T1 ou de faire l’impasse, présente Jean-Philippe Chenault. Sur notre secteur qui couvre un quart du Calvados, nous avons déjà mis en place un réseau de stations météo sur lequel vont être greffés nos OAD. Même si les maladies se sont fait moins présentes ces dernières années, et même si le choix variétal permet aux agriculteurs de recourir à des blés mieux armés génétiquement contre les pathogènes, nous nous devons d’être vigilants. En bordure maritime, une maladie comme la rouille jaune peut flamber rapidement. Mais, aux yeux de l’expert, le meilleur OAD reste les bottes au champ et une bonne paire de lunettes. »

Porter ses efforts sur le T2, traitement à « dernière feuille étalée »

Dans une stratégie visant à se passer du T1, une solution est de donner plus d’importance à l’application à « dernière feuille étalée » dite T2 qui est plus que jamais le traitement pivot des programmes fongicides. « Cela ne signifie pas forcément le renforcer. Quand on fait l’impasse d’un T1 à cause de l’absence de maladie et en présence de variétés tolérantes, il n’y a pas de raison de changer le T2. C’est le positionnement où l’on retrouve tous les produits haut de gamme des sociétés phytos, qui contiennent au moins une SDHI efficace sur septoriose, remarque Aurélien Honoré, de la Chambre d'agriculture du Nord-Pad-de-Calais. Kardix, Revystar, Elatus Era, Questar associé à un partenaire… tous ces produits se valent en termes de rapport technico-économique pour un coût de 30 à 50 euros l'hectare. »

Maladies du blé : le biocontrôle toujours en attente du phosphonate

En quelques années, le soufre a bien progressé sur blé, en se faisant une place sur le créneau du traitement T1. Diverses spécialités à base de soufre sont utilisées comme produits de biocontrôle. Leur efficacité a été démontrée sur septoriose. « En 2019, le soufre avait totalisé 300 000 hectares. En 2020, 250 000 hectares de blé ont été traités au soufre auxquels s’ajoutent quelques dizaines de milliers d’hectares sur orges, précise Jean-Yves Maufras, Arvalis. Le soufre se maintient dans un contexte où le T1 a régressé de 30 % en un an. »

Une autre spécialité de biocontrôle attend son heure : le phosphonate de potassium. « Sur huit essais, l’efficacité et le rendement brut de la modalité associant soufre et phosphonate de potassium au T1 sont très proches de ceux incluant du soufre associé à un triazole dans les mêmes conditions », exposait Arvalis en 2019. Mais le phosphonate de potassium n’est toujours pas autorisé sur céréales. « Nous espérions son homologation pour les prochains traitements. Même si elle arrive dans les prochains mois, ce sera trop tard pour son développement en 2021, précise Jean-Marc Saurel, De Sangosse. Le dossier pour une extension d’usage de notre spécialité LBG-01F34 a été déposé en 2017. Il a pris du retard dans son instruction… » LBG-01F34 tient déjà une bonne place sur vigne comme antimildiou.

Un tout biocontrôle à zéro IFT possible

Arvalis a testé le programme 100 % biocontrôle avec le phosphonate de potassium et le soufre. « Sur septoriose, les résultats sont positifs dans notre réseau Performance, en efficacité et peut-être aussi en matière de gestion des résistances », expliquait en 2019 Claude Maumené. Les essais menés en 2020 relativisent toutefois l'intérêt du « tout biocontrôle ». « Le tout biocontrôle à zéro IFT et en quatre traitements ne fait pas aussi bien qu’un programme conventionnel à trois passages ou même à traitement unique T2. Et surtout, il est moins intéressant économiquement. » Dans un contexte de faible pression parasitaire, le tout biocontrôle n’est pas ridicule en termes d’efficacité et de rendement. Mais le nombre de passages et les produits rendent le programme assez coûteux.

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