Élevage bovins viande : « je fais pâturer du moha pour limiter l’affouragement en été »
Depuis quatre ans, le Gaec du Lac dans le Cher sème un moha entre deux orges sur une dizaine d’hectares. Cette graminée estivale procure un pâturage d’août à octobre pour un lot de vaches suitées et gestantes.
Depuis quatre ans, le Gaec du Lac dans le Cher sème un moha entre deux orges sur une dizaine d’hectares. Cette graminée estivale procure un pâturage d’août à octobre pour un lot de vaches suitées et gestantes.




« Avec les étés plus secs, l’idée était de trouver un complément de nourriture pour ne pas avoir à affourrager au pré, et en même temps une solution pour éviter le piétinement des prairies naturelles quand la pousse stoppe », explique Cédric Piet, qui élève 200 charolaises avec sa mère Solange, son frère Benoit et un salarié à Saint-Pierre-les-Étieux dans le Cher. Le moha, une graminée estivale plutôt a priori orientée vers la fauche, a été choisi pour son aptitude à résister aux conditions chaudes et sèches. Contrairement au sorgho multicoupe, il n’y a pas de stade de développement à respecter pour éviter les risques de toxicité pour les bovins.
Un moha semé entre deux orges
Une parcelle de 10 à 12 hectares bordant un îlot de pâturage et à côté d’autres parcelles de céréales se prête bien à cet usage. Les éleveurs posent une clôture électrique, un point d’eau et une contention y sont accessibles. Depuis 2022, du moha est semé début juillet dès que la parcelle est libérée de l’orge et de sa paille. « Il faut pouvoir être très réactif pour travailler la terre avec un maximum de fraîcheur. » L’opération est réalisée avec un semoir à disques suivi d’un passage de rouleau, puis un apport de 100 kg d’urée est réalisé mi-juillet.

L’éleveur gère à l’œil le chargement en laissant accès à toute la parcelle en moha. « Je fais entrer des vaches suitées de leurs veaux femelles quand le moha a une hauteur d’environ 15-16 cm. Puis j’ajoute des vaches gestantes non suitées en fonction de la vitesse de la pousse. Le moha repousse sous le nez des vaches quand il est pâturé à un stade précoce. Il est assez appétent. » Les vaches choisissent de passer leur journée sur le moha même si la prairie naturelle voisine de trois hectares à laquelle elles accèdent pour boire repousse. Une autre technique serait d’appliquer un chargement très élevé sur un couvert plus haut.
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Pour Cédric Piet, le moha au pâturage s’est bien comporté avec trois contextes climatiques très différents de 2022 à 2024. En 2025, le manque de pluie a retardé sa pousse par rapport aux années précédentes. « Il pousse avec un minimum d’humidité jusqu’à une température de 30 à 32 °C. Au-delà de 35 °C, on voit que la limite est atteinte. »
Environ 2 tMS/ha à 10-11 % de MAT
En moyenne, cette parcelle d’une dizaine d’hectares nourrit 30 vaches gestantes et 18 veaux de la deuxième quinzaine d’août à courant octobre. L’analyse a donné une valeur alimentaire de 0,74 UFL et 10-11 % MAT - équivalent à un enrubannage de prairie temporaire multi-espèces du 20-25 mai - et le rendement moyen est d’environ 2 tMS/ha.
L’éleveur estime que le pâturage du moha constitue une bonne ration pour des animaux à besoins alimentaires moyens. « On tient mieux en état nos vaches qu’avec une distribution de foin de prairie naturelle. » Le coût d’implantation total est de 156 euros/ha dont 50 euros pour les semences. La parcelle est libérée fin octobre au plus tard pour préparer le semis de l’orge qui bénéfice d’un effet agronomique du moha.
Cédric Piet sème par ailleurs du moha dès la mi-mai entre deux méteils immatures pour l’enrubanner. Une récolte est réalisée fin août ou début septembre avec un rendement aléatoire selon les années. « En 2024, le moha faisait 1,1 m de haut et a donné 5 à 5,5 tonnes de MS par hectare. »
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Fiche élevage
- 200 vêlages avec vente de broutards et de femelles finies
- 630 ha SAU dont 230 ha de SFP et 400 ha de cultures (colza-blé-triticale-orge)
- 3 associés et 1 salarié
Yvan Lagrost, conseiller herbe et fourrages de la chambre d’agriculture du Cher : « le moha est facile à pâturer »

« Dorénavant les prairies permanentes et même certaines temporaires s’arrêtent de pousser pendant au minimum un à deux mois durant l’été. Le gaec du Lac réussit avec le pâturage de moha à éviter d’affourrager au pré avec des stocks supplémentaires réalisés sur le printemps pour un lot de vaches gestantes. Cette rotation orge/moha/orge/moha donne pour le moment satisfaction sans pénaliser le rendement de l’orge. Aux stades jeunes, le moha montre une bonne appétence et donne de bonnes repouses. Une amélioration technique sur le plan quantitatif et qualitatif pourrait être de conduire cette parcelle en pâturage tournant en exploitant cette capacité de repousse. Au Gaec du lac, d’autres parcelles pourraient se prêter à cette pratique mais il faudrait se lancer dans les clôtures, organiser l’apport d’eau et la contention. Les éleveurs pourraient aussi faire pâturer des repousses de colza. »
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