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Des points clés pour limiter les lésions de dermatite digitale dans les ateliers d’engraissement de jeunes bovins

La maladie de Mortellaro pénalise les performances en engraissement. Une étude pilote menée dans l’Aisne apporte des éléments pour mieux comprendre les facteurs de risques mais aussi les moyens de maîtrise pour contenir sa transmission.

Une boiterie représente un problème fondamental qui nécessite une observation régulière des pieds. La mise en place de mesures adaptées évite des pertes énormes. S’il n’existe pas de protocole standard, une action méthodique et systématique limite la propagation de la dermatite digitale.
Une boiterie représente un problème fondamental qui nécessite une observation régulière des pieds. La mise en place de mesures adaptées évite des pertes énormes. S’il n’existe pas de protocole standard, une action méthodique et systématique limite la propagation de la dermatite digitale.
© C. Delisle

Après trois ans de travail sur la maladie de Mortellaro (dermatite digitale) dans huit ateliers d’engraissement, l’étude pilote multipartenariale (1), conduite dans l’Aisne et lancée en novembre 2019, livre ses premiers enseignements. Cette initiative visait à mieux comprendre le développement de la dermatite digitale en ateliers de jeunes bovins et à en améliorer le contrôle.

De fortes disparités, en termes d’atteintes et d’importance entre lots et élevages, ont été constatées. La moyenne des lésions par animal s’élevait à 1,8 par jeune bovin. Ce sont principalement des lésions actives qui ont été repérées. « Le pareur qui a participé à l’ensemble du projet décrit des lésions souvent plus profondes qu’en vaches laitières. On a pu remarquer que les postérieurs et les antérieurs étaient atteints dans les mêmes proportions mais contrairement aux élevages laitiers, on a rencontré de nombreux cas de lésions en face dorsale, c’est-à-dire sur le dessus du pied », rapporte Aurore Duvauchelle-Waché, vétérinaire à l’Institut de l’élevage.

Limiter la pression infectieuse

Les données recueillies ne permettent que de formuler des hypothèses quant aux facteurs de risques (trop de variables pour le nombre d’élevages suivis). Si certaines variables, potentiellement impactantes (exemple : alimentation) n’ont pas pu être mises en évidence, certaines modalités se sont distinguées comme la température de litière, une litière inchangée entre deux lots, la surdensité à partir de 12 mois, la multiplication des provenances des jeunes bovins constituant un lot. « Ces hypothèses nous ont permis d’élaborer des préconisations pour limiter la pression infectieuse et d’éviter l’évolution de la maladie vers des lésions graves, sources d’abattages précoces, de douleurs pour les animaux, de pertes économiques pour l’exploitation et de stress pour les éleveurs. »

Il apparaît ainsi important de constituer des lots de taurillons issus au maximum de cinq cheptels naisseurs différents, d’avoir une température de litière ne dépassant pas 40 °C, d’avoir une densité correcte dans les cases pour les animaux de plus de 12 mois, de garder les animaux dans une même case tout au long de l’engraissement et d’avoir une nouvelle litière lorsque les animaux arrivent en quarantaine et en engraissement, pour éviter la contamination des nouveaux arrivants.

Des facteurs de risques liés au logement des animaux

Toutes les pratiques qui permettent de diminuer un temps debout prolongé, de réduire le stress des animaux ou l’humidité, sont à adopter. Une température élevée de la litière entraîne une répartition hétérogène des animaux et, potentiellement, un risque d’inflammation de la peau. Une meilleure gestion de la litière limite également l’humidité favorable à la macération de la peau (lit des tréponèmes, bactéries responsables de la maladie). Ainsi, il est préférable de pailler plus régulièrement en petite quantité, de répartir homogènement la paille, de curer quand la température atteint 40 °C ou encore de baisser la densité des cases.

« D’autres facteurs sont également à prendre en considération. Il ne faut pas par exemple omettre les aires de raclage qui communiquent et le sens de raclage. Si ce dernier s’effectue des cases contaminées vers les cases saines, un ensemencement des cases saines par les bactéries responsables de la maladie se produit. La localisation de l’infirmerie a également son importance. Il est préférable de la positionner à l’écart des animaux sains. L’idéal serait de positionner l’infirmerie dans un autre bâtiment », souligne la vétérinaire.

Certaines adaptations en lien avec le bâtiment peuvent également être nécessaires pour assurer une bonne ambiance et limiter humidité et ammoniaque (assurer un bon renouvellement d’air, ajouter une ventilation mécanique). L’accès à l’eau en quantité et qualité est par ailleurs essentiel. Un manque d’abreuvoirs ou un débit d’eau faible dans certaines cases entraînent un temps debout prolongé et du stress favorable au développement des agents infectieux. Un manque de place à l’auge est également à éviter.

Agir sur les pathogènes

Outre les actions sur les pratiques d’élevage, d’autres sur les pathogènes peuvent être mises en place comme le traitement de la litière avec des bactéries qui entrent en compétition avec les bactéries responsables de la maladie de Mortellaro et/ou l’utilisation d’un pédiluve. La pulvérisation des sabots en atelier d’engraissement est par contre assez contraignante et moins efficace dans la mesure où il n’est pas possible de lever les pattes des JB pour traiter la sole.

Ces mesures de maîtrise ont été présentées aux éleveurs participant à l’étude. Leur acceptabilité a été prise en compte. Il en ressort que les mesures sont réalisables en s’adaptant aux contraintes des systèmes. « Nous avons suivi peu d’élevages avec des systèmes proches. Il est nécessaire de pousser les investigations pour obtenir des résultats plus robustes. Toutefois, ce travail a permis d’ébaucher des premières pistes de maîtrises intéressantes, encourageantes et faisables », relève Aurore Duvauchelle-Waché.

En l’absence de vaccins, la prévention et le contrôle de la dermatite digitale doivent nécessairement reposer sur la mise en place de mesures spécifiques et adaptées à chaque élevage. La stratégie la plus efficace consiste à identifier et corriger les facteurs de risques, à identifier les animaux atteints dans le lot et à les prendre en charge rapidement (parage, bain désinfectant, isolement…). Une détection et un traitement précoces des animaux atteints sont primordiaux. Une boiterie, même légère, reste une urgence ! Elle doit être gérée dans les 24 à 48 heures. Une intervention rapide et individuelle augmente les chances de guérison à moindre coût et limite la propagation de la maladie. Enfin, intervient la mise en place de mesures préventives, passage en pédiluve et/ou traitement de la litière avec des bactéries de compétition ou autres traitements.

(1) Cette étude a été conduite par la chambre d’agriculture de l’Aisne en partenariat avec l’Institut de l’élevage, le GDS de l’Aisne et la SCEA Vauxbuin. Cette action bénéficie du soutien financier du conseil régional des Hauts-de-France et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Observation et diagnostic des lésions

« Le diagnostic repose sur l’inspection des pieds et la reconnaissance des lésions caractéristiques. Il est donc indispensable pour arrêter la flambée, de lever les pieds de ses animaux et d’être à même de réaliser un parage fonctionnel. Pour lever les pieds, il est essentiel d’être équipé. L’accès à un système de contention, opérationnel en dix minutes maximum pour une personne seule, représente la condition d’une intervention rapide et efficace. Sinon, on ne le fait pas », prévient Marc Delacroix, vétérinaire spécialiste des boiteries des bovins.

Il n’existe pas de solution miracle. Le parage préventif et curatif est un levier efficace mais insuffisant. Il faut prendre un ensemble de mesures adaptées à chaque situation. La gestion des boiteries repose entre autres sur le triptyque éleveur-pareur-vétérinaire.

Des prérequis pour une bonne utilisation du pédiluve

 
Des points clés pour limiter les lésions de dermatite digitale dans les ateliers d’engraissement de jeunes bovins

 

Les éleveurs peuvent opter pour un pédiluve humide ou sec. « L’avantage d’un pédiluve humide, se voit sur les pattes. Il peut être utilisé en prévention ou pour des soins individuels. Dans le second cas, il sera proche de l’infirmerie et employé comme pansement. L’animal doit alors rester plusieurs minutes dans le pédiluve et il faut répéter l’opération 3-4 jours de suite pour réaliser un effet pansement », note Christian Guibier, conseiller viande bovine de la chambre d’agriculture de l’Aisne.

Pour une efficacité optimale, le pédiluve doit être pratique d’utilisation pour l’éleveur, accessible pour les animaux. Le couloir de contention est une position idéale si cela est possible. « Toutefois, il faut disposer d’une contention fonctionnelle et limiter les risques de blessures (porte d’entrée des bactéries) au niveau des pieds des jeunes bovins. »

Prendre garde au dimensionnement

Au niveau du dimensionnement, un pédiluve de 4 mètres de long est recommandé pour que chaque pied puisse passer deux fois dans le produit. La hauteur de pédiluve, 25 centimètres, est un point important à prendre en considération pour que le pied trempe jusqu’au-dessus de l’ergot. La largeur doit être comprise entre 50 et 70 centimètres. Enfin, il est important de penser à l’évacuation du produit et à sa destination.

En pratique, le produit doit être renouvelé tous les 120 à 160 passages, sa propreté doit être vérifiée (des bandelettes de contrôle existent). Enfin, si les pieds sont sales, un lavage doit être envisagé mais quid de la faisabilité, de l’accessibilité et du temps passé ?

L’ensemencement et le traitement des litières sont également possibles. Si l’application de poudre (épandage au milieu des animaux) pose la question de la sécurité, l’utilisation de poudre diluée dans l’arrosoir, versée sur un côté du ballot de paille demande un peu de préparation au préalable mais apporte une solution faisable en toute sécurité dans les ateliers de JB (10-15 minutes de temps d’attente).

Mortellaro, qu’est-ce que c’est ?

La maladie de Mortellaro, aussi appelée dermatite digitale, est une maladie régulièrement responsable de boiteries chez les bovins. Elle se manifeste par des lésions ulcératives de la peau des pieds, voire du pododerme si la corne est levée. Le concours de plusieurs facteurs est nécessaire pour que la maladie se développe, à savoir, présence de bactéries spécifiques, (tréponèmes) et de bactéries concomitantes (ex : Fusobacterium), environnement humide favorisant la macération et microblessures de la peau au-dessus du sabot. Très contagieuse, elle se propage d’autant plus rapidement que toutes les conditions sont favorables.

Mise en garde

« La dermatite digitale est généralement introduite dans un élevage à l’occasion de l’achat d’une bête infectée et se propage par contact de proximité entre animaux, par le milieu extérieur. D’où l’importance, en élevages allaitants, de réaliser un examen des pieds lors d’une acquisition et ce, d’autant plus si elle concerne un taureau de monte naturelle. Ce devrait être impératif, au même titre que la prise de sang obligatoire ! Et avant l’introduction dans l’élevage, ne pas hésiter à lui faire faire un passage dans le pédiluve », insiste Christian Guibier, conseiller viande bovine de la chambre d’agriculture de l’Aisne.

Nicolas Carlier, engraisseur de jeunes bovins dans l’Aisne

« Des performances impactées par la dermatite digitale »

Nicolas Carlier, engraisseur de jeunes bovins, en société avec ses parents à Landifay-et-Bertaignemont, dans l’Aisne. 1 200 places.
 

 

« En 2017, on avait beaucoup d’abattages d’urgence. En levant les pieds des taurillons, on a relevé de la dermatite digitale. Nous avons alors intégré l’essai et mis en place le passage au pédiluve à l’arrivée des jeunes bovins, avant de les mettre en quarantaine. Nous avons un arrivage toutes les semaines de 40 taurillons. Trois semaines après, les animaux sont pesés, réallotés et mis dans le bâtiment d’engraissement. On en profite pour les faire passer à nouveau dans le pédiluve. Au moment du rappel de la vaccination contre les entérotoxémies, on refait un passage en pédiluve pour recasser le cycle des tréponèmes. Une fois par semaine, les taurillons sont levés pour noter les problèmes et isoler les animaux à l’infirmerie. Depuis l’arrivée de la Mortellaro, les GMQ restent en dessous des 1 400 g/j. On utilise un produit homologué pour les élevages bio qui est méthanisable. Pour passer 40 jeunes bovins, il faut compter environ 10 à 15 minutes à deux, pour un coût de 0,96 €/JB. On a également testé l’ensemencement de la litière. Mais on ne va pas continuer. On trouve l’utilisation du pédiluve plus simple et plus économique. »

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