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Pourquoi désherber la vigne avec des cochons nains Kunekune ?

Les cochons Kunekune sont testés pour désherber les vignes de l’EARL Montgaillard, à Lugon-et-l’Île-du-Carnay, en Gironde, depuis le mois de juin 2022. Reportage.

Des cochons Kunekune dans les vignes ; cela paraît pour le moins incongru. Et pourtant ! « L’objectif de cette expérimentation de pastoralisme est de trouver une alternative au désherbage chimique ou mécanique, annonce sans ambages Felipe Millapan, responsable technique adjoint de l’EARL Montgaillard, à Lugon-et-l’Île-du-Carnay, en Gironde. Et ce, afin d’utiliser moins de produits chimiques, de réaliser des économies et d’éviter des sélections de flore ou la présence d’adventices autour des ceps. »

 

 
Les Kunekune sont des cochons nains, pesant environ 80 kg à taille adulte.
Les Kunekune sont des cochons nains, pesant environ 80 kg à taille adulte. © C. de Nadaillac
Après avoir exploré en vain la piste des moutons puisqu’ils ne peuvent rester dans les vignes que durant l’hiver, Fanny Gizardin, responsable technique du domaine et Fabrice Privat, le propriétaire, ont opté pour une solution pour le moins originale, suggérée par Olivier Zébic, leur conseiller viticole : l’introduction de cochons nains d’une race Néo-Zélandaise : les Kunekune. « L’intérêt de ces animaux est qu’ils n’ont pas de muscles sur la nuque, ce qui les empêche de lever la tête », rapporte le responsable technique adjoint. Ainsi, ces mammifères, qui pèsent environ 80 kg adultes, n’arrivent ni à manger les feuilles de la vigne, ni ses grappes. Ils peuvent donc rester sur la parcelle toute l’année. Une rotation sur des jachères est juste effectuée en fonction des traitements phytosanitaires.

 

Un cochon Kunekune sur 200 m2 de terrain, pour un travail efficace

Depuis le mois de juin, une vingtaine de cochons Kunekune sont donc déployés sur 2,5 hectares. Mais normalement, « la densité est d’environ 50 bêtes par hectare, remarque Fanny Gizardin. Pour le moment, nous sommes en phase d’évaluation, le nombre de bêtes sera adapté progressivement ».

 

 
La parcelle dédiée au pâturage, qui a été travaillée en mai et tondue en juillet, était très propre lors du reportage, mi-décembre.
La parcelle dédiée au pâturage, qui a été travaillée en mai et tondue en juillet, était très propre lors du reportage, mi-décembre. © C. de Nadaillac
Après six mois d’essai, le bilan du test est positif. Lors de notre reportage mi-décembre, la parcelle dédiée au pâturage, qui a été travaillée en mai et tondue en juillet, est très propre. Les cochons Kunekune consomment toutes les racines des adventices de la parcelle (ray-grass, mauve, ortie, plantain lancéolé, etc.), ce qui évite leur repousse. Ils ameublissent par ailleurs le sol sur environ 5 cm de profondeur. « Ces cochons ont aussi l’avantage de manger les pampres et les repousses de porte-greffes à la base des ceps », note Felipe Millapan. Ils consomment en outre les feuilles de vigne qui tombent à l’automne. « Nous verrons au printemps, mais peut-être que cela diminuera la quantité d’inoculum et donc la pression mildiou », projette le responsable technique adjoint.

 

 

 
Les cochons Kunekune aiment se frotter contre les piquets de palissage ou contre les ceps de vigne.
Les cochons Kunekune aiment se frotter contre les piquets de palissage ou contre les ceps de vigne. © C. de Nadaillac
A priori, les cochons Kunekune n’abîment pas trop les pieds de vigne, même s’ils semblent affectionner de se gratter contre les piquets et les ceps. Étant de petite taille, ils passent sous les fils de palissage et ne les détériorent donc pas. Et bien sûr, ils fertilisent les vignes avec leurs excréments. En revanche, dès qu’un humain s’approche, les cochons se révèlent être assez bruyants. Mais peut-être n’est-ce pas plus mal, le bruit évitant souvent les vols.

 

Rentabiliser l’élevage de porcs en commercialisant leur viande

D’un point de vue financier, l’objectif est que cet élevage s’autorentabilise. Un cochon vaut 150 euros TTC ; coût auquel il faut ajouter l’installation d’une double clôture électrique pour éviter que les cochons Kunekune ne se sauvent ou entrent en contact avec des sangliers, qui pourraient être vecteurs de la peste porcine. Sur le domaine, la clôture est revenue à 700 euros pour 2,5 hectares, plus la main-d’œuvre pour l’installer. Il faut également prévoir un abri et le pourvoir de paille.

 

 
La parcelle accueille un abri pour les cochons, qui y rentrent seuls.
La parcelle accueille un abri pour les cochons, qui y rentrent seuls. © C. de Nadaillac
Par ailleurs, les cochons Kunekune doivent être complémentés avec des céréales concassées, à raison de 500 grammes maximum par cochon et par jour, et par des légumes en été (tomates, melon, etc.). Cela implique qu’une personne consacre entre 40 et 60 minutes par jour à cette tâche. Un suivi par un vétérinaire (une visite tous les deux ou trois mois environ) est également obligatoire. « Et nous ne gardons pas tous les mâles entiers, poursuit Fanny Gizardin. Il faut ainsi rajouter un coût de castration d’une soixantaine d’euros par cochon. Sans cette castration, la viande est impropre à la consommation humaine (mauvais goût). » De plus, une formation biosécurité est requise ; formation qui peut bénéficier d’aides du département.

 

Une diversification porcine, pour une meilleure résilience

Mais l’objectif est ensuite de valoriser la viande. Parallèlement à la mise en place d’une maternité pour favoriser la reproduction sur le domaine, les mâles de deux ans présentant des défenses et risquant d’abîmer les vignes, seront envoyés à un abattoir de Bergerac. Puis leur viande sera vendue en circuit court. « Cela vaut 40 euros net le kilo, précise Fanny Gizardin. La viande semble avoir un sacré persillé. »

Les cochons Kunekune entretiennent cette parcelle depuis le mois de juin 2022.

 

Pour ce faire, le domaine ambitionne de créer un magasin de producteur local, à des justes prix, avec des produits issus de la diversification du domaine. Car la diversification est un autre axe travaillé par l’EARL. « Aujourd’hui nous subissons la crise du bordeaux de plein fouet, explique Fanny Gizardin. Afin de survivre économiquement, mais aussi afin de disposer d’une meilleure résilience face aux évènements climatiques, nous voulons nous diversifier ; ne pas avoir tous les œufs dans le même panier. Nous revenons à un système de polyculture élevage local. »

 

 
Les cochons déterrent les adventices et se nourrissent de leurs racines.
Les cochons déterrent les adventices et se nourrissent de leurs racines. © C. de Nadaillac
Houblon, miscanthus pour pailler le houblon, cassis, framboises, luzerne pour une autonomie en fourrage, kiwis et autres cultures devraient d’ici peu s’étendre sur une soixantaine d’hectares, afin de trouver des voies de rentabilité autres que la vigne. L’élevage de cochons participe à cette stratégie. Une diversification qui semble à première vue bien pensée, même s’il est encore trop tôt pour conclure. Quoi qu’il en soit, ce mode de désherbage séduit déjà les passants, qui s’arrêtent pour photographier les cochons

 

repères

EARL Montgaillard

Surface 250 hectares, dont 2,5 hectares en test

Encépagement de la parcelle test merlot

Largeur interrang de la parcelle test 2 m

Type de sol limono-argileux

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