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« Des bouchons de sainfoin pour engraisser mes bêtes de forme »

Multifolia a monté de A à Z une filière autour du sainfoin déshydraté, distribué sous forme de granulés. Intégré dans l’alimentation des animaux, ce granulé présente de nombreuses vertus.

« J’élève trente mères charolaises et engraisse chaque année une centaine de bêtes (génisses et bœufs de forme, vaches de réformes…), explique Gilles Polette, éleveur à Oye en Saône-et-Loire. Depuis plus d’un an, j’utilise un noyau avec du granulé de sainfoin dans mon mash. J’ai commencé un essai comparatif avec granulés de sainfoin et sans. Mais j’ai rapidement arrêté ce test car les animaux nourris avec une ration sans sainfoin présentaient une tombée de viande moins bonne et une couleur de viande plus claire, ce qui ne convenait pas à mon chevillard, la SA Despierres, plus satisfait par les animaux alimentés avec le mash en contenant. J’ai constaté, concernant ces derniers, une meilleure finition et plus de régularité dans le produit. » 

« On travaille de plus en plus avec le sainfoin. C’est une matière première à part entière, avec notamment des valeurs alimentaires proches de la luzerne mais une teneur plus importante en protéines. Son principal bénéfice réside dans sa teneur non négligeable en tanins condensés (jusqu’à 4 % pour les meilleurs niveaux dans les granulés déshydratés) qui protègent les protéines et évitent la météorisation », explique Pierre Gouttenoire, chef produits ruminants chez le Père François, marque nutrition animale de la Maison François Cholat. Les protéines moussent et gonflent dans le rumen. Tannées, leur émulsion est moindre. Cette protection naturelle aboutit à une meilleure assimilation de la matière azotée et donc à l’augmentation du dépôt musculaire. « Grâce à l’amélioration de la digestion des animaux, les émissions de méthane d’origine animale sont réduites et la quantité d’azote présente dans les urines décroît. L’effet positif sur l’environnement est direct », note Pascale Gombault, présidente de la coopérative sainfolia et de la structure Multifolia.

Une légumineuse riche en tanins condensés

Les études ont également prouvé que les tanins condensés agissent sur la biologie des nématodes gastro-intestinaux, diminuant ainsi la pression parasitaire. La consommation du sainfoin induit une réduction d’excrétions fécales des œufs de nématodes. Le sainfoin est ainsi reconnu pour son effet anti-helminthique. « Nous travaillons avec la variété de sainfoin Perly, de Jouffray Drilllaud, qui affiche le meilleur rendement sur tanins condensés », ajoute Pascale Gombault.

« Le sainfoin déshydraté est vendu sous forme de granulés aux fabricants d’aliments du bétail, jamais aux éleveurs directement. Cette matière première très technique doit être traitée par des industriels pour un bon dosage des tannins (teneurs en tannins variables d’une coupe à l’autre, chaque lot est donc analysé) et utilisée comme additif, pour déployer toute sa potentialité. On a vu des brebis dont le système ruminal s’est bloqué à cause d’une quantité reçue trop importante. À l’inverse, une quantité insuffisante ne permet pas d’exprimer pleinement les intérêts de cette légumineuse. Quatre fabricants d’aliments du bétail (Arrivé Bellanné, Terdici, Terrya et le Père François) utilisent le sainfoin dans leurs fabrications. Les formules d’aliments dépendent des doses recommandées selon les espèces et des analyses réalisées sur les bouchons de sainfoin. L’éleveur achète ainsi un aliment calibré par le fabricant », observe Pascale Gombault. La forme granulé offre, par ailleurs, facilité de conservation et de distribution.

Une meilleure qualité de viande

« Les résultats sur la qualité de la viande sont nets, l’amélioration des couleurs de viande et de gras, l’augmentation du dépôt musculaire et la régularité de la tombée de viande font du sainfoin une matière première intéressante. Le granulé de sainfoin permet d’augmenter aussi le taux de transfert d’oméga 3 dans la viande, ce que nous avons mis en évidence lors de nos derniers essais. Nous pouvons ainsi diversifier les rations en réduisant l’apport de tourteau de lin qui reste onéreux. Cet aliment convient particulièrement lors des transitions alimentaires et notamment lors de l’allotement et des débuts d’engraissement de jeunes bovins. L’investissement sur cette matière première est conséquent mais les gains obtenus permettent un retour intéressant pour les éleveurs qui valorisent leurs animaux dans des filières qualité », ajoute Pierre Gouttenoire.

Les tanins condensés du sainfoin peuvent également représenter un intérêt pour mieux valoriser l’herbage. « Mes taurillons d’herbe retournent au pré avant d’être vendus à 16-17 mois. Cette année, en plus de l’herbe pâturée et du foin grossier, je les ai complémentés à hauteur de 1,8 kg par jour de mash avec du sainfoin (50 % de l’aliment), fabriqué par la maison Dolomier. J’ai gagné en GMQ (2 700 g de gain par jour du 21 avril au 2 juin) par rapport aux années précédentes (2 200 à 2 300 grammes par jour). J’ai en effet commercialisé mes taurillons début juin, au lieu de fin juin-début juillet habituellement, tout en leur distribuant moins de mash. De plus, ils n’ont pas gonflé comme cela arrive parfois à l’herbe. Ils avaient un bon aspect visuel, les carcasses n’étaient pas trop grasses. Du fait des achats, il a été plus difficile de faire un comparatif en ce qui concerne l’engraissement des vaches et génisses », observe Gilles Polette.

« Le sainfoin est par ailleurs très appétent, grâce notamment à sa teneur en sucres (8 à 12 %). Sucres qu’il est recommandé d’apporter dans la ration totale des ruminants et qu’il est parfois difficile de trouver à l’état naturel dans leur alimentation. Cette plante aux nombreuses vertus nous livre ses intérêts au fur et à mesure du temps », conclut Pierre Gouttenoire.

Une filière émergente née d’une intelligence collective

« Neuf années de travail ont été nécessaires pour construire et développer une filière crédible et innovante autour du sainfoin. Nous avons ré-inventé cette plante oubliée, main dans la main avec la recherche, par la compréhension de molécules intéressantes : les tannins condensés », explique Pascale Gombault, présidente de la coopérative Sainfolia et de la structure Multifolia, qui compte aujourd’hui cinquante adhérents, avant d’ajouter : « dès 2008, l’idée d’innover pour lutter contre la volatilité des matières premières nous a semblé essentielle. Nous avons créé une filière entière en repartant de la production de semences et ce, avec plus d’une quinzaine de partenaires ».

Sainfolia gère la filière amont de production de graines et de fourrages. D’un point de vue économique, la coopérative s’efforce de garantir un prix fixe, déconnecté de la volatilité des matières premières, en particulier des céréales et oléagineux.

Toute l’approche aval de la filière est confiée à Multifolia, structure créée en 2011 avec le concours de la firme service MG2Mix. Elle gère la commercialisation du granulé de sainfoin déshydraté et le développement scientifique autour de plusieurs thématiques : agronomique, santé animale, santé végétale, agro-écologie, innovation territoriale, apiculture et biodiversité. Située à Viapres-le-Petit, dans l’Aube, Multifolia coordonne la production dans les trois régions productrices Champagne-Ardennes, Bourgogne et Périgord, de manière à mettre en adéquation les surfaces avec le développement de la filière. « On vend d’abord et on produit ensuite. Cette filière, construite autour d’une intelligence collective, compte en 2017, 500 hectares de cultures et 450 éleveurs utilisateurs (bovins, caprins, ovins, équins et cunicoles) », souligne Pascale Gombault.

Une plante oubliée, économe en intrants

Légumineuse introduite au XVIe siècle et venue d’Asie Mineure, le sainfoin a disparu des assolements après-guerre. Peu productive, la luzerne lui a été préférée. Le sainfoin apprécie les sols calcaires bien drainés mais n’aime ni l’intensification, ni les excès de pluie, ni le piétinement.

Il est très peu gourmand en intrants et pesticides. Pas d’azote ni de potasse, peu de phosphore (50 unités). C’est une plante très rustique mais assez capricieuse. « Nous avons dû réapprendre à la cultiver. En Champagne, on atteint des rendements avoisinant les 10 tonnes de matière sèche », précise Pascale Gombault. Hautement mellifère, cette légumineuse attire tous les insectes à la recherche de pollens, d’où la création par la coopérative Sainfolia d’une ferme apicole de 400 ruches, afin de valoriser les sainfonnières en produisant du miel.

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