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Dégâts de sanglier : un fléau croissant difficile à endiguer en grandes cultures

Pour faire face aux dégâts de sangliers, chaque département adapte des solutions locales en adéquation avec leurs moyens, l’état de la situation, l’étendue du territoire et le nombre de chasseurs. Les agriculteurs sont mis à contribution mais le mécontentement gronde.

Des suivis par caméra, télémétrie ou collier GPS montrent que le sanglier est capable de s’adapter rapidement au contexte urbain et de se déplacer pratiquement toutes les nuits de friche en friche sur des distances de plusieurs kilomètres. © FNC
Des suivis par caméra, télémétrie ou collier GPS montrent que le sanglier est capable de s’adapter rapidement au contexte urbain et de se déplacer pratiquement toutes les nuits de friche en friche sur des distances de plusieurs kilomètres.
© FNC

Une population multipliée par 20 en quarante-cinq ans, une forte progression depuis cinq ans, 750 000 sangliers tués par an sur les deux dernières saisons de chasse, des dégâts annuels estimés à 50 millions d’euros : c’est colossal ! « Le sanglier est une espèce qui s’adapte partout et très vite, explique Matthieu Salvaudon, directeur adjoint du service dégâts de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). C’est ce qui rend difficile sa gestion. » Plusieurs facteurs sont responsables de sa prolifération, dont la diversification et l’abondance de l’offre alimentaire.

La chasse, l’agrainage et les clôtures comme leviers d’actions

La chasse est le principal levier pour réguler ce gibier, mais elle n’est pas pratiquée sur 20 à 30 % du territoire français, selon les dernières estimations de la FNC. Cela s’explique par un accès impossible pour les chasseurs (bords d’habitations, infrastructures diverses…) ou qui leur est refusé par choix idéologique des propriétaires ou des gestionnaires de terrains.

Réglementé, l’agrainage dissuasif est un moyen complémentaire pour réduire les dégâts en détournant le sanglier des zones sensibles. « Cette méthode ne s’apparente pas au nourrissage, souligne le spécialiste de la FNC. Le but de l’agrainage est d’occuper les animaux par un léger apport alimentaire en dehors des zones cultivées en appliquant une méthode équilibrée arbitrée localement. »

Les clôtures sont les moyens de lutte les plus répandus pour protéger les parcelles du grand gibier. Elles limitent les dégâts tout en permettant la libre circulation des animaux entre deux zones. Pour faciliter leur mise en place, la FDC de la Somme a investi dans des enrouleurs électriques. Plus moderne et plus rapide, ce matériel permet de gagner du temps lors de l’installation et de la dépose. 700 parcelles sont ainsi protégées dans le département chaque année.

Des ressources, des remèdes mais pas de miracle

« Par sa diversité culturale et l’extension de ses surfaces parcellaires, l’agriculture favorise le gîte et le couvert. La forêt, avec le réchauffement climatique, fournit au gibier des fruits en quantité abondante, de l’automne au printemps. Elle ne permet de limiter les dommages aux cultures que sur une courte durée », constate Matthieu Salvaudon. Des études menées par le réseau Ongulés sauvages montrent que cette offre alimentaire s’accompagne d’une augmentation de la reproduction et d’une baisse de la mortalité. « Nous assistons à des phénomènes en cascade. »

Les parcelles de maïs, de céréales et de colza sont les plus touchées. Quant à évoquer la culture du miscanthus pour éloigner les sangliers, Matthieu Salvaudon se désole : « c’est une plante souvent cultivée sur une grande surface. Elle devient un lieu de refuge pour le gibier qui se déplace la nuit pour chercher la nourriture que le miscanthus ne lui offre pas ».

Les pratiques culturales efficaces sont peu nombreuses. Des répulsifs appliqués sur la semence existent. Une enquête menée en 2019 par Arvalis, l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et la Fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho (FNPSMS) montre que l’application de produits répulsifs de type PNF19, piment ou camphre ne fait pas de miracle. Et nombreux sont les agriculteurs à observer des problèmes de sélectivité sur la semence au moment de la levée. Les résultats sont mitigés.

Avis d’agriculteur - Nicolas Lallemand, agriculteur à Saint-Dié dans les Vosges

« Les populations de sangliers se multiplient, c’est insupportable ! »

« Depuis trois ans, le nombre de sangliers tués sur le massif vosgien ne cesse d’augmenter, 11 000 sangliers tués en 2017 et 20 000 en 2019. Pourtant les déclarations et les dégâts ne cessent de s’amplifier. Les populations de sangliers se multiplient, c’est insupportable ! Nos cultures sont ravagées. L’an dernier, les sangliers ont complètement détruit 38 ha de prairies sur 160 ha de mon exploitation. Les pertes économiques sont importantes pour chacun d’entre nous.

La FDC préfère nous indemniser plutôt que de poser des clôtures sur nos parcelles morcelées. Le montant des indemnisations représente 2 millions d’euros, c’est colossal ! Aujourd’hui, j’ai déjà 15 ha d’herbe entièrement saccagés, sur les 20 ha semés. Le préfet vient d’interdire l’agrainage pour cet hiver et des mesures administratives ont été prises cet été, avec l’autorisation de tirs de nuit par des louvetiers. Ce sont des petites avancées mais nous sommes dans une impasse et nous ne voyons pas d’issue. »

20 ha de triticale/pois et 20 ha de sorgho, 120 ha de prairies, 90 vaches laitières bio et 4 000 poules pondeuses bio.

Une indemnisation à condition d’agir rapidement

Lorsque des dégâts agricoles sont observés, ils doivent être rapidement déclarés auprès de la FDC référente. Celle-ci missionne un expert pour vérifier la nature du dommage sur le terrain et mettre en place un système de prévention. L’agriculteur s’engage à suivre les conseils prescrits sous peine d’un abattement de l’indemnisation jusqu’à 80 % du montant.

Pour prétendre à une indemnité, le seuil minimal de la parcelle touchée par les dégâts doit être de 3 % de la surface. S’il s’avère inférieur, un forfait s’applique d’un montant de 100 € pour une prairie et de 250 € pour les autres cultures. Dans le système d’indemnisation, un abattement légal de 2 % est effectué. Sans déclaration rapide du dommage, la FDC ne peut pas mettre en place de moyens de prévention ni d’accord de tirs de prélèvements rapides locaux.

Avis d’expert - Julien Gingembre, chasseur sur le territoire de Sarreguemines en Moselle

« Utiliser le côté gourmet des sangliers pour les piéger »

« Des clôtures à ruban, avec trois fils espacés de 20 cm, ont été posées le long des maïs et des tournesols par le Fids67 (Fonds départemental indemnisation des dégâts de sangliers du Bas-Rhin). Elles sont vérifiées par les chasseurs deux fois par semaine et entretenues par la fédération des chasseurs. Cela prend du temps mais c’est nécessaire pour être efficace tout au long du cycle des cultures. Il faut également insécuriser la plaine pour faire fuir les sangliers vers la forêt, surtout en période de semis de maïs.

En Alsace et en Moselle, la chasse aux miradors est autorisée. Nous pouvons tirer de nuit avec des lampes et c’est une force pour le secteur car nous pouvons effrayer les sangliers, voire les prélever lorsqu’ils sortent de nuit dans les parcelles. Cette méthode a montré de réelles améliorations sur les dégâts agricoles. C’est en échangeant entre chasseurs et agriculteurs que nous progressons dans les actions à mettre en place.

Nous avons remarqué que certaines variétés dans les espèces cultivées étaient plus appétantes que d’autres. C’est le cas de l’avoine noir ou de certains blés. Nous allons essayer de cultiver des bandes à un endroit où la mise en place de mirador est possible. En concentrant les sangliers sur une petite surface, nous pourrions les maîtriser davantage. Ils sont est tellement rusés qu’il faut utiliser leur côté gourmet pour les piéger ! »

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